Renzi rottomato toi-même ?!

Monza #bastaunsì

A photo posted by Matteo Renzi (@matteorenzi) on

 

Il voulait réformer l’Italie en 100 jours, puis il indiqua qu’il lui en faudrait 1000. Arrivé au palazzo Chigi le 22 février 2014, Matteo Renzi a passé ce cap le 18 novembre dernier.

Dimanche prochain 4 décembre, le premier ministre italien, qui avait promis de mettre à la casse la vieille classe politique, sera peut-être « rottomato » par lui-même. Sombre ironie du destin pour cet ancien maire de Florence qui s’est hissé au sommet du pouvoir sans jamais avoir été élu au Parlement.

La réforme de la Constitution qu’il soumet à referendum est pourtant un bon projet. Pas un projet parfait, mais une tentative honorable de mettre fin à l’instabilité chronique des gouvernements italiens (60 en 70 ans d’existence). En abolissant le bicaméralisme parfait, en diminuant le nombre des sénateurs de 315 à 100, il veut réduire le coût de la politique et en accélérer le tempo. Les sénateurs seraient les élus des régions, une manière de rapprocher les fastueux palais romains de la réalité des territoires.

Le problème avec les gens aussi doués et insolents que Matteo Renzi, c’est qu’ils sont orgueilleux. Pressé d’engranger un résultat indiscutable – la reprise économique promise reste timide même si beaucoup de courbes de sont inversées à la hausse -, le président du Conseil a transformé le referendum en plébiscite, annonçant ce printemps qu’il démissionnerait en cas de refus (il s’est rétracté ensuite, mais trop tard, le mal était fait). Ses nombreux ennemis se sont engouffrés dans la brèche : les partis de droite laminés depuis l’éviction de Silvio Berlusconi du Sénat en 2013, le Mouvement Cinq étoiles, et de nombreux caciques de la gauche du Parti démocrate. Depuis des mois, les sondages donnent le non en tête, même si ces dernières semaines le camp des indécis semble se rétrécir au profit du oui.

Il suffit de suivre Matteo Renzi sur les réseaux sociaux qu’il affectionne tant pour constater que ce jeune quadragénaire se démène comme un diable aux quatre coins de la péninsule pour convaincre. Comme s’il cherchait à effacer son erreur initiale.

S’il réussit à faire accepter sa réforme, il pourra comme d’autres en cette année 2016 se gausser des professionnels de la prévision qui ne l’auront pas vu arriver. Il pourra alors préparer tranquillement la commémoration des 60 ans du Traité de Rome prévue en mars prochain, et à laquelle il entend donner du relief pour asseoir sa position dans le jeu européen.

Dans le cas contraire, c’est une pluie de calamités qui va s’abattre sur l’Italie convalescente.

Les marchés et les institutions européennes votent Renzi – ce que ses adversaires ne manquent pas d’exploiter. En cas de non, il faut s’attendre à une remontée des taux d’intérêt pour les emprunts italiens. Sur le plan politique, les scénarios catastrophe s’entre-choquent : démission du wonderboy humilié, élections anticipées, gouvernement technique.,…

Elu en 2015, Sergio Mattarella, le président de la République, n’a pas encore eu à gérer ce type de crise. Tout dépendra du caractère serré ou ample de la défaite, mais avant de décider d’élections anticipées, il ne voudra pas être l’homme qui a ouvert les portes du pouvoir au Mouvement Cinq étoiles, à la gestion plus qu’imprévisible si l’on en juge par celle erratique de la nouvelle maire de Rome…. Il étudiera toutes les autres options avant d’envoyer à la casse un Renzi, dont l’histoire retiendra alors qu’il aura gaspillé son talent par excès de confiance.

Dans un livre qu’il a écrit avant de devenir premier ministre, le florentin ne notait-il pas lui-même que la victoire appartient à tous, alors que la défaite est personnelle ?

 

 

 

 

 

 

 

 

Bienvenue sur mon site

Bienvenue sur mon site. Lors de mon départ de la rédaction de  L’Hebdo, j’ai reçu beaucoup de messages de lecteurs me demandant « mais où pourrai-je vous lire désormais? »

J’espère que ce site correspondra à leurs attentes. Je vais y consigner mes réflexions, analyses, idées ou réactions chaque fois que l’actualité  m’inspirera, ou que l’envie de m’exprimer me démangera.  Ceux qui voudront réagir pourront le faire sur ma page facebook ou mon compte twitter.

Je vais aussi regrouper à terme sur ce site mes archives.

En plaisantant avec des collègues, imaginant notre futur dans un monde médiatique en pleine réinvention, nous avons ri du terme de « small talks » qui  résonne avec mon nom de famille. Je publierai ainsi en toute liberté ou toute insolence de quoi réfléchir à l’intention de tous ceux qui aiment s’informer, s’interroger, se forger une opinion. Car susciter la discussion est la mission d’un journaliste,  l’honneur de ma profession. Un devoir citoyen, qui n’est pas près de s’éteindre, quel que soit le support technique utilisé pour assurer la diffusion.

 

 

Ce que vous devriez savoir sur la Paix perpétuelle

Fribourg fête, ce 29 novembre, les 500 ans du traité qui porte son nom et scella la Paix perpétuelle entre le roi de France et les Confédérés. Un accord incroyablement moderne, jusqu’ici éclipsé par la défaite de Marignan. ***

UNE SINGULARITÉ DIPLOMATIQUE

L’histoire européenne regorge de batailles épiques, mais demandez autour de vous d’en citer une, ce sera Marignan 1515. Le plus dissipé des élèves en cours d’histoire s’en souvient. Triomphe de François Ier. Amère défaite pour les Suisses. L’événement a été abondamment commémoré l’an dernier. On sait moins que le souverain français s’empressa de vouloir se réconcilier avec les Confédérés, que toute l’Europe considérait alors comme féroces. L’affaire est bouclée en quelques mois. Le 29 novembre 1516 est signé le Traité de Fribourg, qui scelle la paix perpétuelle entre le royaume de France et les représentants des «ligues des hautes Allemagnes».

Les tentatives de paix perpétuelle ont été nombreuses au cours des siècles, mais presque toutes sont restées vouées à l’échec. La Suisse et la France constituent à cet égard une exception, que les historiens ont tardé à éclairer de leurs lumières. C’est Gérard Larcher, président du Sénat français, qui le soulignait en septembre dernier à Paris lors d’un colloque* d’historiens consacré à ce singulier épisode. Les commémorations de cet automne, assorties de quelques publications (lire encadré), comblent donc une lacune.

Le Traité de Fribourg est à l’origine d’une relation particulière entre les deux pays, tout à fait originale par sa durée à l’échelle du continent. Il a survécu au séisme de la Réforme. Plus d’un siècle avant le Traité de Westphalie (qui met fin aux guerres de religion et instaure un équilibre européen qui perdurera jusqu’à la Révolution française), il sépare le politique du religieux. Dans ce sens, il est un petit chef-d’œuvre de pragmatisme: chacune des parties y trouve son compte. Les Français s’assurent les services de mercenaires valeureux qui ne pourront bénéficier à leurs adversaires; les Suisses, eux, bénéficient de toutes sortes d’avantages commerciaux et une protection militaire en cas d’invasion de leur territoire. Une solution win-win, comme on dit au XXIe siècle.

Plusieurs fois renouvelée, cette alliance est d’une grande modernité: elle développe des clauses d’arbitrage en cas de conflit, dans lesquelles les historiens voient les prémices du droit international.

MOURIR POUR UN SOUVERAIN ÉTRANGER

Pour certains, Marignan marque le début de la neutralité suisse: plus question d’aller guerroyer hors des frontières, c’est trop coûteux en vies humaines. Le nombre de mercenaires enrôlés sous les bannières étrangères oblige à corriger cette perspective de repli intérieur absolu. Du XVIe au milieu du XIXe siècle, près de deux millions de Suisses servirent à l’étranger, dont un million en France, rappellent Gérard Miège et Alain-Jacques Tornare dans Suisse et France-Cinq cents ans de Paix perpétuelle 1516-2016. Cette émigration représenta environ 10% des jeunes âgés de 15 à 25 ans.

Aux yeux des Européens de la Renaissance, la Suisse apparaît comme une «nation méchante», alors qu’elle est déjà aussi marchande, raconte Amable Sablon du Corail, conservateur en chef du patrimoine aux Archives nationales, à Paris. Cette réputation de férocité doit beaucoup à une manière singulière de combattre. L’historien note un lien entre liberté et violence. Dans un monde de coutumes, les libertés se conquièrent aux dépens des autres. Pour s’imposer, il faut intimider.

Autre facteur déterminant, les villes helvétiques en quête d’autonomie disposent de peu de moyens par rapport aux cités italiennes, par exemple. Elles sont obligées de maintenir la milice communale, une tradition moyenâgeuse fondée sur les liens familiaux et de proximité. Les troupes ne se disloquent pas, elles restent très soudées face au feu ennemi, ce qui impressionne, et fait parfois la différence sur le champ de bataille.

Après Marignan, les Suisses renoncent surtout à leurs ambitions territoriales et collectives. Il leur faudra attendre trois siècles et demi pour que leur veine pacifiste s’illustre en créant la Croix-Rouge, et quelques décennies supplémentaires pour s’essayer aux bons offices.

Il faut aussi se demander pourquoi le roi de France et d’autres suzerains se sont tant intéressés à cette main-d’œuvre extérieure. Au XVIe siècle, après les ravages de la peste, les salaires sont historiquement élevés. L’entretien d’une armée permanente se révèle trop coûteux. Le recrutement de mercenaires est plus économique: on les convoque, on les licencie selon les besoins. Du travail sur appel, en quelque sorte.

Mais le roi de France, qui guerroie beaucoup, ne paie pas toujours rubis sur l’ongle. Entre créanciers et débiteurs, les tensions sont multiples et nourrissent d’âpres échanges diplomatiques, notamment lors des renouvellements de l’alliance. Pour que les troupes suisses impayées restent disponibles, les successeurs de François Ier développeront un système de pensions, qui fortifie l’interdépendance entre les deux parties.

Malgré ces aléas, les liens entre la couronne de France et les troupes suisses, attachées à la garde personnelle du roi à Versailles, sont intenses: ce sont les liens du sang versé. Ce dévouement culminera avec le massacre des Tuileries, le 10 août 1792, où 300 soldats perdent la vie pour protéger, en vain, Louis XVI et sa famille de la fureur des révolutionnaires.

BOIRE EN SUISSE ET AUTRES PRIVILÈGES

Si l’accord de Fribourg définit les relations militaires entre le royaume de France et les cantons, il précise aussi toutes sortes d’avantages commerciaux. Une sorte de libre circulation des biens et des personnes: les confédérés sont exonérés de taxes pour eux mêmes et leurs marchandises. Ce traitement préférentiel (les Français ne bénéficient pas de la réciprocité) fera l’objet de contestation, y compris par les ministres des rois soucieux de remplir les caisses, mais il ne sera pas aboli.

Pour le prix de leur sang, les Suisses bénéficient également d’importations de sel, nécessaires à la fabrication du fromage et à la prospérité de leur propre commerce.

Surtout, les soldats suisses sont mieux payés que les Français, leur solde est au moins une fois et demie plus élevée, ils sont jalousés. Pour éviter les rixes dans les tavernes, on leur aménage alors leur propre auberge dans les casernes, d’où l’expression boire en Suisse, c’est-à-dire seul, à l’écart.

Parmi les contreparties offertes aux Confédérés par le roi de France pour leurs précieux services, il faut mentionner les pensions dont jouissent, au fil des générations, les familles patriciennes qui commandent les régiments, et même des bourses d’études pour les plus jeunes. Un système qui n’échappe pas au clientélisme.

SE MONTRER DIVISÉS POUR TEMPORISER

L’histoire de l’alliance française au cours des siècles montre des cantons souvent divisés mais aussi habiles à défendre leurs intérêts. Pour les rallier à leurs vues, les diplomates français envoyés par les rois successifs doivent déployer des trésors de patience. Il faut souvent les convaincre un à un, donc promettre des pensions ou le paiement imminent de celles déjà promises. Il faut aussi supporter que certains cantons, notamment réformés, fassent quelques infidélités, en vendant leurs troupes à d’autres suzerains. Les périodes de tension sont nombreuses, mais elles ne conduisent jamais à la rupture.

L’image de protectorat français sur la Confédération doit être nuancée, souligne Alexandre Dafflon, directeur des Archives de l’Etat de Fribourg. Les autres puissances européennes (Espagne, Empire) entretiennent des partis rivaux.

Installés à Soleure, une petite cité proche de la frontière, bien située par rapport à Baden (siège de la Diète) et à la principauté de Neuchâtel (alors en mains d’une famille liée à la couronne de France), les ambassadeurs du roi de France ont beau se moquer de la balourdise des Suisses dans leurs rapports, ils les traitent avec d’infinies précautions. Avec Venise, Londres et Constantinople, Soleure est une des premières ambassades permanentes décidées par François Ier.

De par sa diversité religieuse, de par son fonctionnement républicain, la Confédération décontenance les observateurs français, explique Olivier Christin, directeur de l’Institut d’histoire de l’Université de Neuchâtel: un Etat peut donc se maintenir sans unité religieuse?

La Suisse est perçue comme un lieu de compromis boiteux, de dissensions, dont émerge péniblement un consensus. Comme si les Confédérés inventaient déjà l’art de temporiser avec les autres Etats au nom de leurs particularismes. Une posture qui agace aujourd’hui encore les diplomates étrangers.

Ce qui est sûr, c’est que le Traité de Fribourg n’est pas qu’un parchemin, il est l’indice que notre pays, il y a cinq cents ans déjà, était impliqué dans l’équilibre européen. Lentement émancipée de l’empire habsbourgeois, joliment dépendante de la France, mais sachant monnayer ses services, la Confédération édifie, mine de rien, un Etat multiculturel au cœur du continent, observe le professeur Thomas Maissen, directeur de l’Institut historique allemand de Paris. Cette hétérogénéité, bénie de longue date par ses voisins, lui a permis de résister aux pulsions ethnonationalistes du XXe siècle.

L’étude de toutes les implications de l’alliance française, scellée à Fribourg il y a cinq cents ans, ne fait que commencer. Elle ouvre de riches perspectives pour mieux comprendre ce qui a réellement forgé l’histoire de la Suisse.

*** Article paru dans L’Hebdo le 24 novembre 2016

* Les historiens cités se sont exprimés lors d’un colloque au Palais du Luxembourg à Paris, le 27 septembre dernier.

«Le Traité de Fribourg est l’indice que notre pays, il y a cinq cents ans déjà, était impliqué dans l’équilibre européen.»

POUR EN SAVOIR PLUS

– Gérard Miège et Alain Jacques Tornare, «France et Suisse – Cinq cents ans de Paix perpétuelle 1516-2016», Ed. Cabédita. Indispensable pour comprendre l’origine et le développement de l’alliance française.

– Guillaume Poisson, «18 novembre 1663 – Louis XIV et les cantons suisses», coll. Les grandes dates, Le savoir suisse. Centré sur le fastueux renouvellement de l’alliance, éclaire sur les liens militaires, politiques et économiques.

– A paraître l’an prochain: les actes du colloque de Paris et ceux du colloque de Fribourg, qui se tiendra le 30 novembre.

– Pour célébrer cet anniversaire, le Centre d’études européennes de l’Université de Fribourg organise, du 27 novembre au 1er décembre, une Rencontre européenne étudiante ayant pour thème la paix en Europe aujourd’hui.

– Plus de renseignements sur l’ensemble des événements liés à cette commémoration sur: www.fr.ch/aef/fr/pub/paix-perpetuelle-de-1516/ journee-officielle.htm

L’avènement de Trump et l’humilité du sismologue

Première leçon du jour : gardons nous de croire que le monde est prédictible ! Ce qui est valable pour les instituts de sondage l’est certainement aussi pour les algorithmes (qui déploient une emprise croissante sur nos choix et nos vies quotidiennes).

On voit déjà poindre la critique « contre les médias bien pensants, politiquement corrects, qui n’ont pas voulu voir la désespérance d’une partie des Américains et n’ont pas cru une victoire de Donald Trump possible ».

Si les médias se sont trompés, ils sont en bonne compagnie ou du moins, ils ont été bien aidés. Par les instituts de sondage, on l’a dit, qui laissaient peu de place au doute. Mais aussi par une bonne partie de l’establishment républicain qui a pris ses distances avec le candidat outrancier. Pour ne pas parler des marchés qui anticipaient une victoire de Clinton. Et des experts qui font métier de décrypter les choses étatsuniennes.

Pour ce qui concerne la responsabilité des journalistes, rien ne remplacera jamais la pratique du terrain et l’analyse « objective ».  Concernant les vertus du reportage, j’en ai personnellement lu/vu des dizaines qui montraient, de longue date, une Amérique coupée en deux. Quant à l’analyse « objective », c’est-à-dire établie avec un minimum d’honnêteté intellectuelle,  je suis aux regrets de dire qu’elle n’est guère prisée. Les rédactions vivent sous pression, ce qui compte désormais n’est pas la qualité de la mise en perspective, mais la rapidité : il faut être le premier à dire ce qui va se passer.  Et dans le brouhaha des clics et des réseaux sociaux, l’exposé d’une analyse divergente est soit risquée (il faut du courage pour aller à contre le courant), soit inaudible.

Il se trouve que cet été, j’ai voyagé le long de la côte Est : New York, Washington, Boston. Un indice nous a surpris : dans toutes les conversations que nous captions entre Américains, nous n’avons entendu que des gens qui annonçaient vouloir voter Trump. Etrange dans des villes qui passent pour acquises aux Démocrates.

Au Forum de la Haute Horlogerie (auquel j’ai assisté ce matin *),  l’universitaire français Eric Branaa racontait qu’il a commencé à sentir le vent tourner la nuit dernière quand les états promis à Hillary Clinton comme la Virginie de son vice-président Pence et la Caroline du Nord de l’actuel Jo Biden sont tombés dans l’escarcelle de Trump.

Je suis rentrée des Etats-Unis en pensant qu’il serait opportun de se poser la question de la fiabilité des sondages, donnant Trump invariablement perdant… Se pourrait-il que, comme cela s’est vu en Suisse, le vote protestataire soit sous-estimé par la méthodologie employée pour rendre les enquêtes d’opinion « représentatives » ?

Venons en au fond. Donald Trump sera président. La démocratie a parlé, et il faut respecter le verdict des urnes, à défaut de le partager. En Suisse, on ne connaît que trop bien la froideur de ce couperet.  La messe est dite ? Pas vraiment. Quel est le programme de M. Trump ? On ne le sait pas précisément. C’est à partir de là qu’il faut espérer que tous ceux qui se félicitent bruyamment de ce « choix démocratique » se souviendront de ce qu’est la démocratie, toute la démocratie, c’est-à-dire aussi le respect de la/les minorité(s), et l’existence de contre-pouvoirs.

Selon Eric Branaa, le nouveau président doit nommer d’ici janvier quelques 1200 personnes qui constitueront l’ossature de son administration. Qui Trump va-t-il choisir ? Sa famille ? Des proches ? Des Républicains ? Des Démocrates ? Des représentants de la société civile ?

Tout est ouvert. Le même expert rappelait que l’entrepreneur immobilier avait prévenu : « les programmes c’est juste pour les campagnes ».

A partir de là, on peut extrapoler. Si Trump s’occupe de restaurer le pouvoir d’achat des classes moyennes américaines laminé par la crise de 2008, alors ce 9 novembre entrera dans la catégorie des bonnes journées historiques.

Mais les Républicains le suivront-ils dans son intention de restaurer les barrières douanières ? Bouteille à encre.  Son rôle sera-t-il d’amuser la galerie, comme un bon papy de la Nation, pendant que les Républicains reprendront les rênes ?

Il paraît que nous sommes entrés dans un monde post-factuel, où les faits, la vérité, ne comptent pas. Je ne suis pas sûr qu’il faille abdiquer par KO la défense des faits avérés. Mais il faudra certainement mieux l’expliciter. La défense des valeurs humanistes devient un beau challenge pour l’Europe, en panne de projets et de crédibilité sur la scène internationale.

Sinon que signifie vraiment un monde post-factuel ? Que seul le discours, les rodomontades, intéresseraient les gens ? J’ai un doute, je pense qu’un porte-monnaie bien garni est aussi nécessaire que des fiertés identitaires et du soulagement souverainiste.

Je pense que la réinstauration des frontières ou des barrières douanières ne tiendront guère devant une économie qui a appris à s’en jouer, technologiquement et fiscalement.

Un point encore à préciser : outre la critique des médias, celle des élites politiques est à son comble. Elle me paraît très unilatérale. Oui, il faut fustiger la caste qui, en France, en Italie ou ailleurs, se répartit les prébendes du pouvoir d’une alternance à l’autre, les trains de vie royaux de certains politiques dans les Palais de la République, ou la main mise de familles ou de clans, cette prétention au pouvoir héréditaire d’un autre âge. Mais la faillite morale ces élites politiques n’est pas grand chose à coté de celle des élites économiques, surtout financières, qui sont à l’origine de la crise de 2008. Lehmann Brothers, que je sache, n’était pas un parti politique.

Vingt-sept ans après la chute du Mur de Berlin, l’avènement de Donal Trump constitue un tremblement de terre à côté duquel le Brexit n’était qu’une petite secousse.

Il se trouve que séjournant récemment dans le centre de l’Italie, j’ai éprouvé en vrai un tremblement de terre. D’abord il y a un bruit effrayant, puis tout tremble et cela dure, dure, dure, … le plus angoissant est de ne pas savoir si c’est fini, si les choses vont rentrer dans l’ordre ou si cela va continuer. Les sismologues se disent impuissants à prédire l’avenir. Ils font preuve d’une très factuelle humilité qui devrait peut-être inspirer d’autres métiers.

* d’autres points sont consignés sur mon fil twitter @chantaltauxe

  • publiés le 9 novembre sur le site de L’Hebdo