L’UDC, une chute relative

Premier parti de Suisse (si l’on tient compte des suffrages exprimés pour le Conseil national), l’UDC vient d’enregistrer plusieurs revers électoraux *. Est-ce à dire que le parti va céder sa couronne cet automne ? On ne prendra pas le pari. L’UDC surclasse ses concurrents avec 29,4% des suffrages exprimés en 2015. C’est 10 points de plus que le deuxième, le parti socialiste (18,8 %). Aussi spectaculaires soient-ils, les résultats des dernières élections cantonales ont été déterminés par un tiers de l’électorat. Lors des fédérales, la mobilisation des citoyens peut être plus forte. Lors des votations, où l’UDC gagne parfois de manière retentissante, le taux de participation est bien supérieur.

Ceci dit, il est indubitable que l’UDC connaît un coup de mou. Divers facteurs  expliquent son actuel manque de succès. Les Blochériens se sont imposés dans le débat politique en prétendant défendre la souveraineté. Or, dans la problématique qui inquiète l’opinion et mobilise les jeunes générations, les frontières sont vaines, absurdes. Le réchauffement climatique fait prendre conscience que le monde est interdépendant. Personne ne se sauvera tout seul, à l’abri de ses montagnes. Il faut agir de manière concertée, au niveau international. Dans ce contexte, la souveraineté nationale est pratiquement inopérante. L’UDC, avec ses focus nationaliste et anti-coopération internationale, est très mal armée pour aborder ce changement d’échelle.

Autre facteur déstabilisant, le peu d’influence des deux conseillers fédéraux du parti. L’UDC a mené une bataille sans merci depuis 1999 pour obtenir deux élus au gouvernement. Avec l’arrivée de Guy Parmelin en 2016, c’est désormais chose faite. Si le collège est plus marqué à droite, le Vaudois ne s’est pour l’instant pas imposé comme un cador du Palais. Il fait pâle figure, semblant toujours hésiter. Ueli Maurer, à la tête des finances, passe pour plus crédible, mais il prend souvent ses aises avec la collégialité, démontrant par là son peu d’influence. L’UDC elle-même vient de le désavouer en ne soutenant pas le projet de réforme de la fiscalité des entreprises, liée à l’AVS, sur lequel nous votons en mai.

Pour l’électeur UDC, l’image est dévastatrice : le parti a deux élus, et cela ne change pas grand chose. Au lieu d’assumer sa part du succès économique suisse, il ne cesse de se plaindre, signe que les problèmes soulevés ne sont pas résolus. L’UDC met en scène sa propre impuissance.

Dernière ombre au tableau pour les populistes, les enquêtes d’opinion montrent d’une part que les relations Suisse-UE constituent la deuxième préoccupation des électeurs, derrière l’assurance-maladie et avant le climat ; et d’autre part que l’accord-cadre, dont les désavantages ont bien plus été exposés que les avantages, bénéficie d’un soutien inattendu de 60%. Preuve que les Suisses veulent des solutions et pas un marécage tel celui du Brexit. Ce besoin de pragmatisme et de réalisme ne joue pas non plus en faveur du premier parti du pays.

* Chronique parue en italien dans Il Caffè le dimanche le 7 avril 2019

http://www.caffe.ch/stories/politica/62696_ludc_si_lecca_le_ferite_del_voto/