Bébé royal: merci Victoria

Il est donc né, le bébé royal, troisième dans l’ordre de succession au trône d’Angleterre, et déjà le nourrisson jouit d’une célébrité planétaire (galerie images). Mais pourquoi au fait les Windsor captent-ils plus l’attention médiatique que les autres dynasties royales?

Ce doit être un héritage victorien. Le bébé royal, né le 22 juillet, est l’arrière-arrière-arrière-arrière-arrière petit fils de Victoria, reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande de 1837 à 1901. Celle qui fut aussi impératrice des Indes (dès 1876) régna sur un cinquième des terres émergées, quand bien même son prédécesseur Georges III avait perdu les colonies anglaises devenues les Etats-Unis à la fin du siècle précédent. Cet empire, grignoté pendant tout le XXième siècle par la décolonisation, a gardé un héritage commun de la période la plus faste de la monarchie britannique: la langue, l’anglais, que l’on parle partout et même en Inde, le plus beau joyau de la couronne de Victoria. Et une langue, c’est aussi une identité que l’on entretient, une familiarité culturelle qui crée des liens.

Justement, il subsiste également de l’ère impériale britannique un lien institutionnel, le Commonwealth, qui fait que Canadiens, Australiens, Néo-zélandais et tant d’autres (54 états) se sentent en empathie avec la famille royale, leur dernier lien avec la lontaine et vieille Europe (un peu comme une vieille tante excentrique, qui serait la dernière à pourvoir évoquer la vie de vos grand-parents)… un brin d’histoire un peu désuet mais tellement glamour.

La monarchie puise ses racines dans les siècles, la notion de droit divin, et cela impressionne dans une société de l’immédiateté.

L’autre atout des Windsor dans la globalisation médiatique est aussi d’appartenir à une lignée royale qui a compris plus vite que les autres qu’il fallait céder l’essentiel du pouvoir à un parlement, et se contenter d’incarner le faste, l’apparat, la continuité nationale. L’origine du processus remonte au XIIIième siècle déjà: les rois d’Angleterre vont peu à peu céder des prérogatives toujours plus importantes au Parlement. Pour ne pas avoir compris cela, les descendants d’Hugues Capet, Roi de France, les Bourbon, finirent la tête tranchée. Depuis, la France a inventé la présidence monarchique, comme une nostalgie, mais c’est une autre histoire.

Les Windsor ont donc eu pour eux d’incarner du fons de leurs palais une extraordinaire longévité. A côté de la famille d’Elisabeth II tant d’autres clans royaux semblent à peine débarqués dans l’histoire contemporaine – comme la famille royale de Belgique qui est une création du XIXième siècle, pour ne pas parler de celle de Monaco, inventrice du genre people à petite couronne.

L’enfant de Kate et William est ainsi fêté comme fut pleurée par la planète entière sa grand-mère, Diana, qu’il ne connaîtra jamais.

A lire et à voir sur le site de nos collègues de l’Illustré

Quand les familles royales font des enfants, par Blaise Calame (16 juillet 2013)

Maurer et Tian’anmen

On peut reprocher beaucoup de choses à l’UDC (et nous ne manquons pas de le faire au risque de se faire taxer de « maniaque » ou d' »hystérique »), mais jusqu’ici on avait bêtement cru que ce parti était sincèrement du côté du peuple et de la liberté, contre la tyrannie (la définition de ce que recoupe vraiment ces trois mots pouvant varier). C’est pourquoi les propos de Ueli Maurer sur le massacre de la place Tian’anmen sont proprement scandaleux et indignes, de la part d’un président de la Confédération, et de la part d’un élu UDC.

Pour que chacun puisse se faire son opinion, ci-dessous la restranscription de ses propos à la radio alémanique:

Question du journaliste: «Vous avez rendu visite à une division blindée, ce qu’aucun chef d’État occidental n’a fait jusqu’ici. Êtes-vous conscient que la propagande chinoise pourrait l’interpréter comme une réhabilitation de son image? Ça serait mauvais, car l’armée a tiré sur le peuple et a réprimé le mouvement démocratique dans le sang».

Réponse du Président de la Confédération: «Je pense que nous pouvions tirer un trait sur cette affaire depuis longtemps. Le DDPS entretient des liens réguliers avec la Chine depuis 15 ans. C’était très intéressant de voir comment se passe l’instruction des troupes. J’ai beaucoup apprécié l’esprit d’ouverture de mes hôtes».

Désastre à l’italienne

C’est une statistique de l’OCDE qui fait froid dans le dos: en Italie, si l’on considère la classe d’âge entre 19 et 25 ans, un jeune sur deux est inoccupé: ni travail, ni étude. La proportion (52,9) a doublé depuis l’an 2000. Un désastre, pire qu’une génération sacrifiée, une génération oubliée.

Je me demande ce qu’attend l’Etat italien pour lancer de grands travaux d’utilité publique et citoyenne: maints bâtiments publics, comme des écoles, tombent en ruine et pourraient être rénovés par des équipes citoyennes encadrées par quelques professionnels; plages, berges de rivières et de fleuves, ou forêts, sont parfois atrocement polluées et pourraient être nettoyées utilement. Il y a aussi beaucoup d’emplois temporaires possibles dans la prise en charge des malades et des anciens.

Tout vaut mieux que l’inoccupation prolongée de dizaines de milliers de jeunes. D’autant que le risque existe plus en Italie qu’ailleurs que ces délaissés par l’Etat finissent dans les mains des mafias qui, elles, savent procurer du travail à qui en cherche.

Vignette à 100 francs: vous préférez une augmentation d’impôt?

Malgré le dépôt du referendum contre la vignette autoroutière à 100 francs, j’ai de la peine à m’indigner. Nos routes tout comme nos trains sont engorgés, c’est une évidence qu’il faut plus d’argent pour entretenir et développer le réseau routier comme celui des transports publics.

A partir de là, ceux qui ne veulent pas de la vignette à 100 francs devraient se montrer plus cohérents et exiger des hausses d’impôts massives pour trouver les milliards nécessaires – ce qu’évidemment ils ne feront pas, appartenant plutôt au camp de ceux qui revendiquent de manière pavolovienne des baisses d’impôts.

Une vignette à 100 francs, ce n’est jamais que le montant des péages autoroutiers d’un seul aller et retour dans le Centre de l’Italie, en Toscane ou en Ombrie. Comme les Suisses sont de grands voyageurs vers le Sud, je vous laisse caclculer que leur financement aux coûts des autoroutes étrangères, particulièrement françaises, italiennes et espagnoles, est très très supérieur à 100 francs par an.

Personnellement, je l’aurais mise à 200 ou même 500 francs, notre vignette. En comparaison internationale, elle reste bon marché!

Egypte: la démocratie et l’obligation de résultats

Les événements d’Egypte mais aussi les protestations des Brésiliens nous amèneront-ils à revoir la définition de ce qu’est une démocratie au XXIième siècle? L’expression de la volonté populaire, un état de droit, bien sûr, mais aussi désormais une obligation de résultats concrets pour tous les citoyens.

Traditionnellement, les peuples disposaient des élections tous les quatre ou cinq ans pour renvoyer les gouvernants incompétents qui n’améliorent pas leur niveau de vie. Maintenant ils n’attendent plus, ils descendent dans la rue pour exiger des résultats, c’est-à-dire des politiques publiques orientées sur les besoins (emploi, éducation, santé, transports, logement,…).

Désormais aussi, les révolutions se déroulent en direct sur les télévisions, même si certains commentateurs illustrent à la perfection la posture de Fabrice à Waterloo: ce n’est pas parce que l’on est au milieu de l’événement que l’on comprend ce qui se passe, que l’on sait ce qui se joue vraiment.

Il y a donc un effet d’entraînement, de mimétisme. Si les Tunisiens font tomber leur gouvernement, alors les Egyptiens le peuvent aussi. Et les Turcs mécontents ne sont assurément pas moins courageux que les précédents pour, eux aussi, contester un premier ministre qui n’écoute pas leurs aspirations profondes au bien-être. Même dans les pays émergents comme le Brésil, les classes sociales frustrées suivent le mouvement.

Pas de gouvernement légitime sans amélioration du niveau de vie des populations, c’est le nouveau paradigme (dont certains gouvernements européens et la Commission européenne feraient bien de prendre la mesure). L’idéologie et/ou la religion ne remplacent pas l’aspiration profonde de tout un chacun à vivre libre et dans de bonnes conditions.

A quand le tour des Chinois?

PS: Ne trouvez vous que ce qui se passe sur les places d’Egyptes est beaucoup plus formidable et impressionnant que l’affaire Snowden, renvoyée dans le flux de l’actualité, à son statut de scénario de sous James Bond?

Lex USA: divorce institutionnel

Interrogé par la Radio romande mardi soir, Pascal Couchepin a indiqué qu’il aurait voté oui à la Lex USA. Son argument ? Dans le doute, et dieu sait que ce vote était entouré d’incertitudes sur ses conséquences, un parlementaire doit se fier à l’avis du Conseil fédéral.

Cette prise de position d’un ancien conseiller fédéral est intéressante. Et pas seulement parce qu’elle est l’inverse de celle prise par le groupe libéral-radical. Elle montre à quel point nos institutions sont sous tension, à quel point les règles et les équilibres qui prévalaient jadis n’ont plus cours.

Aux côtés d’Eveline Widmer-Schlumpf, en charge du dossier, pas moins de quatre autres conseillers fédéraux ont été entendus par la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national : Didier Burkhalter, Johann Schneider-Ammann, Simonetta Sommaruga et Ueli Maurer. Tous ont enjoint les députés de changer d’avis et d’accepter la Lex USA. Une démarche exceptionnelle. On n’a jamais vu autant de ministres qui montent ouvertement au front avant une décision parlementaire. En général, les consignes et les recommandations de vote se donnent dans l’intimité des groupes parlementaires.

Cet engagement collégial n’a pas suffi  à renverser les opinions. Ce divorce entre parlement et gouvernement devrait nous inquiéter, quelle que soit l’opinion que l’on a sur le deal mal ficelé avec les Américains pour solder les bêtises commises par certains banquiers indélicats Outre-Atlantique.

Première explication, la collégialité ainsi affichée à l’égard d’Eveline Widmer-Schlumpf n’était que de façade. Le collège l’aurait laissée montée au filet avec sa solution bancale pour mieux la voir s’écraser. Cynique, mais en politique la froideur calculatrice est une arme comme une autre pour évacuer un problème.

Deuxième explication : à Berne, les jeux tacticiens sont désormais plus importants que l’intérêt général ou la loyauté aux institutions. Dans l’affaire de la Lex USA, les refusants (PLR, UDC et PS) ont voulu profiler leur credo, alors que les acceptants (PDC, PBD et Verts et Verts libéraux) ont tenu à afficher de leur bonne volonté gouvernementale et leur sens pragmatique des responsabilités.

Plus de dix ans de polarisation expliquent ce jeu individualiste des partis. Le fait de disposer de un ou même de deux conseillers fédéraux, comme le PLR et le PS, n’obligent plus un groupe parlementaire à se sentir tenu de soutenir une décision assez capitale du gouvernement. C’est un abîme qui s’ouvre sous nos pieds. 

Un taux de participation croupion

Deux votations fédérales, une même unanimité des cantons sur deux sujets qui demandaient la double majorité: oui à la modification de la loi sur l’asile, non à l’élection du Conseil fédéral par le peuple. Des résultats largement anticipés par les sondages. Une remarque en attendant les scores définitifs des grands cantons sur la participation: même pas un Suisse sur deux (39%), alors qu’il s’agissait de doter ce même Souverain du pouvoir suprême de choisir les membres du gouvernement.

Qui se souciera de ce taux de participation croupion? Est-il sain dans une démocratie que plus d’un citoyen sur deux s’abstienne? Quand est-ce que les Chambres débattront d’un programme pour renforcer la participation des citoyens aux votations et élections? Quand donc rendra-t-on obligatoire des cours d’instruction civique dans tous les cantons lors des deux dernières années d’école obligatoire?

Une chose est sûre: ceux qui prétendaient que l’élection du Conseil fédéral par le peuple rendraient les ministres plus légitimes ont articulé un argument particulièrement ridicule.

Pas d’effet Maillard

Le canton de Vaud n’est plus représenté au Conseil fédéral depuis 1998. La frustration est patente, mais l’engagement du président du Conseil d’Etat, Pierre-Yves Maillard, pour l’élection du Conseil fédéral par le peuple, n’a pas fait verser les citoyens. Les Vaudois disent non à 80%. Ils ne se sont guère mobilisés non plus pour exprimer leur frustration: même pas 40% de participation.

Cette indifférence contraste avec celle des Tessinois, autres bannis notoires de la gouvernance nationale: ils ont dit oui à 32% à l’élection du Conseil fédéral par le peuple (participation de 37%), un score bien plus élevé que dans les autres cantons, alors que la clause latine de l’initiative leur laissait peu de chance de voir l’un des leurs élus. A moins que les votants d’Outre-Gothard aient parié que les candidats tessinois, meilleurs polyglottes que les Romands, auraient eu plus de chances de séduire les Alémaniques.

Zurich si confédéral

Assurément Zurich aurait eu à gagner d’une élection du Conseil fédéral par le peuple: c’est le canton le plus peuplé et le centre économico-médiatique du pays. Eh bien non, les Zurichois refusent à 75% la proposition de l’UDC, née d’ailleurs dans la tête des dirigeants, zurichois, de l’UDC blochérienne.

C’est un vote symbolique, très rassurant sur la solidité de la cohésion nationale. Même les plus grands cantons, qui auraient pu gagner en influence avec le système proposé, n’ont pas envie de casser les subtiles équilibres institutionnels qui fondent la Suisse. L’indifférence croît entre régions linguistiques, mais le sentiment d’appartenance à un même pays demeure. C’est le paradoxe helvétique dans toute sa splendeur.

Asile: huit cantons en dessous de la moyenne nationale

Pour les défenseurs du droit d’asile « classique », pour ceux que révulse l’utilisation populistico-politicienne des requérants d’asile, ce dimanche est amer. Cette énième révision de la loi ne résoudra rien, dans quelques semaines ou mois, l’UDC réclamera de nouveaux durcissements. Lisons les résultats à l’envers: où se situent les poches de résistance au discours simpliste et aux solutions qui n’en sont pas? Quels sont les cantons en dessous de la moyenne nationale d’acceptation (78%)? Dans l’ordre: Genève (61% de oui), Jura (66%), Vaud (70%), Neuchâtel (70%), Bâle-Ville (71%), Tessin (74%), Fribourg (75%), Valais (76%).