Conseil fédéral: l’impossible vœu de Toni Brunner

Dans une récente interview au quotidien Le Temps, Toni Brunner revendique deux sièges pour le Conseil fédéral si l’UDC demeure, après les élections fédérales de 2015, le premier parti de Suisse.

Le président de l’UDC se garde bien de dire qui pourrait être ce nouvel élu. Il n’indique pas clairement non plus qu’un second siège UDC devrait être confié à un Latin, et il omet de dire quel parti devrait lui cèder la place.

Il est normal qu’un président de parti revendique plus de pouvoir. Tous le font. Personne ne s’engage dans la bataille électorale pour rechercher moins d’influence. Mais il est assez piquant de lire ce vœu alors que l’UDC vient de perdre un siège au Conseil d’État neuchâtelois. C’est en effet le libéral-radical Laurent Favre qui a été élu dimanche dernier en remplacement d’Yvan Perrin, contraint de démissionner pour raison de santé. Le candidat de l’UDC n’a recueilli que 17 % des voix.

Le premier parti de Suisse a un gros problème de relève. Lorsqu’il s’agit de gagner des places dans les législatifs, il est très fort. Mais lorsqu’il s’agit de mettre en orbite des hommes et des femmes d’exécutif, il est particulièrement faible. Il ne dispose pas du personnel adéquat, c’est à dire de politiciennes et de politiciens expérimentés, aptes à gouverner avec les autres partis.

Ueli Maurer respecte mieux que Christoph Blocher la collégialité, mais il flirte souvent avec la limite. Il a la légitimité pour lui, mais pas l’efficacité.

La Suisse peut-elle se permettre d’avoir un deuxième Ueli Maurer au gouvernement, un deuxième monsieur sympathique, mais un peu borné, pas très créatif, ni crédible ?

Si la réponse est non, alors il faut faire le deuil une bonne fois pour toutes de la formule magique – proportionnelle – qui sert de référence à la composition du Conseil fédéral.

De fait, depuis 2007 et la scission entre l’UDC et le PBD, la formule magique n’existe plus. En réélisant Eveline Widmer-Schlumpf en 2011, le Parlement a confirmé son état de mort clinique. La proportionnelle, c’est la règle pour le Conseil national, mais le collège gouvernemental doit se construire sur un autre principe.

Il serait temps de passer à un gouvernement fondé sur une convergence programmatique. Une équipe de ministres qui partagent l’essentiel, c’est bien ainsi que fonctionnent les autres démocraties, qu’un parti soit majoritaire ou qu’une coalition additionne les forces idéologiquement les plus proches.

Quel sera le principal dossier de la prochaine législature ? Les relations avec l’Union européenne bousculées par le vote du 9 février dernier. Pour assurer la mise en œuvre de la norme constitutionnelle et rétablir un courant diplomatique normalisé avec Bruxelles, il faudra une équipe soudée. Il faudra donc élire le 9 décembre 2015 des conseillers fédéraux au moins acquis à la poursuite de la voie bilatérale.

Il n’y a pratiquement aucune chance que l’UDC de Toni Brunner soit en mesure de présenter un candidat latin affichant un tel engagement…

* Chronique parue dans le Caffè du 5 octobre