Initiative de l’UDC: quand les mots n’ont pas de sens

L’UDC lance aujourd’hui une nouvelle initiative populaire intitulée: «Le droit suisse au lieu de juges étrangers (initiative pour l’autodétermination)».

Ce qui frappe? Dans le texte constitutionnel proposé, les mots « juges étrangers » ne figurent pas, ni non plus celui d' »autodétermination » utilisés dans le titre.

Un peu comme si Helvetia Nostra avait récolté des signatures sans mentionner les résidences secondaires ou Minder les rémunérations des chefs d’entreprises.

Les citoyens se laisseront-ils abuser par l’emballage? Voudront-ils que la Suisse, seule au milieu de l’Europe, résilie la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit des droits  à chacune et à chacun contre l’arbitraire de l’Etat? 

La récolte de signatures court jusqu’en septembre 2016.

Les citoyens sollicités dans la rue auront-ils envie de se prendre la tête avec la définition du périmètre exact du « droit international impératif »?

Se laisseront-ils captiver par ce concept d’ « autodétermination »  qui fleure bon le guerillero retranché dans sa jungle?

J’espère que tout cela finira comme l’inscription du secret bancaire dans la Constitution, par un gros flop.

Mais, pour vous permettre de juger par vous même de la pertinence d’une proposition qui ferait de la Suisse un paria sur la scène internationale et nous obligerait à rompre nos traditions humanitaires, voici le texte:

La Constitution est modifiée comme suit: Art. 5, al. 1 et 4 1 Le droit est la base et la limite de l’activité de l’Etat. La Constitution fédérale est la source suprême du droit de la Confédération suisse. 4 La Confédération et les cantons respectent le droit international. La Constitution fédérale est placée au-dessus du droit international et prime sur celui-ci, sous réserve des règles impératives du droit international.

Art. 56a Obligations de droit international 1 La Confédération et les cantons ne contractent aucune obligation de droit international qui soit en conflit avec la Constitution fédérale.

2 En cas de conflit d’obligations, ils veillent à ce que les obligations de droit international soient adaptées aux dispositions constitutionnelles, au besoin en dénonçant les traités internationaux concernés.

3 Les règles impératives du droit international sont réservées.

Art. 190 Droit applicable Le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d’appliquer les lois fédérales et les traités internationaux dont l’arrêté d’approbation a été sujet ou soumis au référendum.

Art. 197, ch. 12 12. Disposition transitoire ad art. 5, al. 1 et 4 (Principes de l’activité de l’Etat régi par le droit), art. 56a (Obligations de droit international) et art. 190 (Droit applicable) A compter de leur acceptation par le peuple et les cantons, les art. 5, al. 1 et 4, 56a et 190 s’appliquent à toutes les dispositions actuelles et futures de la Constitution fédérale et à toutes les obligations de droit international actuelles et futures de la Confédération et des cantons.

Ecopop: après le soulagement…

Le pire n’est jamais sûr, Ecopop s’est transformé en Ecoflop. * Même les Tessinois ont voté contre ce texte, qui aurait dopé le flux de frontaliers, en autres très fâcheuses et absurdes conséquences.

Qu’elles étaient belles ces cartes dimanche soir 30 novembre, effaçant toutes les frontières cantonales, une Suisse trois fois unanime, à part une minuscule extravangance shaffousoise sur les forfaits fiscaux!

Tout va-t-il pour le mieux dans le meilleur des mondes ? La Suisse a-t-elle retrouvé la voie de la sagesse et de la sérénité ?

Pas vraiment. La splendide unanimité de dimanche doit beaucoup à la démobilisation des mécontents de la libre-circulation (moins 7 points e participation par rapport à février) et à l’ambiguité des mots d’ordre de l’UDC : d’abord oui, ensuite non, et une absence assourdissante dans la campagne, en comparaison avec le tintamarre habituel. Ensuite les problème soulevés par le 9 février restent entiers : comment maintenir les accords avec l’Union européenne en faisant diminuer le flux de main d’oeuvre étrangère grâce à des contingents ?

Ce casse-tête va nous occuper en 2015.

Le pire n’est jamais sûr, et il vaut mieux prévenir que guérir. Ce second adage est à la base de l’action d’un comité de professeurs et d’entrepreneurs qui veulent lancer une initiative pour « sortir de l’impasse ». Leur but? Abroger l’article constitutionnel approuvé en février dernier. Net et sans bavure. Et pas si scandaleux que cela. Le texte de l’UDC s’est imposé de justesse, et l’histoire compte maints exemples de votations à répétition sur des thèmes chauds. L’UDC, encore elle, nous abreuve de propositions sur les étrangers, on a voté plusieurs fois sur l’instauration de la TVA tout comme sur le droit de vote des femmes.

Si le Conseil fédéral trouve entretemps l’oeuf de Colomb, ce comité est prêt à retirer son initiative, mais si le gouvernement échoue, si une renégociation de la libre-circulation s’avère impossible, il vaudra la peine de redemander au peuple si il voulait vraiment renoncer aux accords bilatéraux avec l’Union européenne.

Le think tank de politique étrangère foraus propose lui qu’à l’avenir une initiative qui contredit un traité international ne puisse pas recueillir des signatures sans que cela soit expressément indiqué. Sans indication, le Conseil fédéral aurait toute latitude d’appliquer la disposition votée dans le respect des engagements internationaux déjà pris. C’est astucieux, et cela évitera que certains partis ou groupements jouent de manière irresponsable sur le flou de leurs propositions.

Vivement que le Parlement se saisisse de cette question. Quel sera le parti qui la portera ?

La Suisse de l’après 30 novembre va un peu mieux que celle de l’après 9 février. Mais le feu couve, et l’ardeur mise à combattre Ecopop ne doit pas retomber. Le débat sur la démocratie directe doit se poursuivre, tout en finesse, loin des injonctions populistes qui ne mènent qu’à l’impuissance.

* Texte paru en italien dans Il Caffè ce dimanche 7 décembre 2014

Ecopop: dérapages de Philippe Roch

En Suisse romande, la campagne sur Ecopop vient de déraper avec l’extraordinaire hargne exprimée par Philippe Roch. Lors de son passage sur RTS La Première, lundi matin, il s’est déchaîné contre ceux qui osent questionner son soutien à l’initiative, et contre le Conseil fédéral, en particulier. Tous n’auraient « rien compris » au texte sur lequel nous votons le 30 novembre.

Un ancien haut fonctionnaire de la Confédération qui traite la classe politique de «clique », voilà qui est inélégant, déloyal face à l’ancien employeur qui lui sert une retraite confortable, et inquiétant quant à l’état délétère du climat politique.

Mais l’ancien Chef de l’Office fédéral de l’environnement a aussi demandé la démission d’Alain Berset avec une virulence effrayante. Le conseiller fédéral a peut-être été maladroit dans sa communication, mais au bout du compte il n’a pas moins le droit que M. Roch d’exprimer un point de vue un peu carré.

C’est triste de voir un ancien serviteur de l’État piétiner ainsi la civilité du débat démocratique.

Mais il y a, à mon sens, encore plus affligeant. C’est la réponse évasive donnée par Philippe Roch aux liens que certains des initiants cultivent avec les initiatives Schwarzenbach. Le militant écologiste a déclaré ne pas pouvoir se prononcer, ayant un souvenir trop flou de cette période. Ah bon ? Cet homme qui a fait une partie de sa carrière dans l’administration fédérale a zappé un des débats majeurs qui ont agité la Suisse au tournant des années 1970. Il n’était pourtant pas un gamin à l’époque des faits. Né en 1949, celui qui se proclame humaniste n’a rien à dire sur la vague de xénophobie que les textes lancés par James Schwarzenbach ont suscitée ?

Il est troublant ce trou de mémoire.

Elle est gênante cette incapacité à prendre clairement ses distances avec ceux qui pensent que l’immigration est la cause de tous les « maux » suisses, aujourd’hui comme hier.

Philippe Roch défend son soutien à Ecopop en arguant que le texte pose de bonnes questions. Cette ritournelle sur «les bonnes questions» devient dangereuse. Dans une société démocratique, on peut bien sûr débattre de tout. Mais ce qui compte vraiment ce sont les réponses apportées, leur faisabilité et leur efficacité.

Il faut en finir avec les initiatives outil marketing qui ne servent qu’à capter des voix ou des émotions et qui n’amènent aucune solution.

On ne peut pas inscrire dans la Constitution des bouts de « débats » pour soulager la conscience de quelques uns ou satisfaire leur « ego », notre charte fondamentale ne devrait contenir que des principes et de grandes orientations.

Philippe Roch qui a été si proche des pouvoirs exécutif et législatif devrait le savoir plus que d’autres.

Lire aussi la réaction de Michel Guillaume « Berset contre Roch: l’escalade verbale »

Ecopop: rebelote?

Le 9 février dernier, 1’463’854 Suisses ont accepté l’initiative « Contre l’immigration de masse ». Que feront-ils le 30 novembre prochain ? La question donne des sueurs froides au Conseil fédéral, aux partis, à économiesuisse.

Le sentiment que la croissance n’est pas maîtrisée s’est déjà exprimé lors des votations sur les résidences secondaires en 2012 et sur l’aménagement du territoire en 2013. La loi défendue par Doris Leuthard était d’ailleurs un contre-projet indirect à l’initiative qui voulait geler les surfaces à bâtir pour 20 ans.

La conviction que la « surpopulation étrangère » alimente cette croissance non maîtrisée est légèrement majoritaire dans la population (50,3 %), comme on l’a vu en février.

Dès lors ceux qui ont voté oui en début d’année ont-ils des raisons de rejeter Ecopop, qui souhaite limiter le solde migratoire à 17 000 personnes afin de préserver les ressources naturelles ? Qu’est ce qui a été entrepris pour rassurer ces Suisses qui se sentent oppressés par le spectaculaire développement économique de ces dernières années ?

Rien. Pire que cela, on ne sait toujours pas précisément comment sera appliqué le nouvel article constitutionnel 121a. Le Conseil fédéral consulte, essaie de voir si un mécanisme d’application est possible sans dénoncer l’accord bilatéral sur la libre-circulation des personnes avec l’Union européenne. Mais il ne peut pas prendre l’engagement que le solde migratoire baissera à un niveau (lequel d’ailleurs?) jugé acceptable.

Il le peut d’autant moins que dans l’incertitude sur leurs possibilités d’engager à terme, les entreprises ne se sont pas privées de recruter abondamment sur le marché du travail européen depuis février dernier. Face à la demande de qualification que requière une économie de pointe comme la nôtre, la préférence nationale peine à s’imposer comme un impératif dans les services de « ressources humaines ».

Lors de la votation de février, un solde migratoire annuel de 80 000 était considéré comme inacceptable. Il va flirter avec les 100 000 d’ici la fin de l’année.

On peut bien sûr observer que l’UDC a menti au peuple en prétendant que son initiative contre l’immigration n’aurait pas d’impact sur les accords bilatéraux, garantissant un accès harmonieux des Suisses aux marchés européens. On peut aussi dire que Ecopop est un texte néocolonial raciste. Tout cela est vrai.

Mais il y a fort à parier que ces arguments rationnels ne convainquent pas. Ecopop pourrait ravir la double majorité du peuple et des cantons. Ce sera « rebelote », et ce sera économiquement, diplomatiquement, mais aussi pour les valeurs humanistes de la Suisse, une catastrophe. A force de jouer la montre, de ne pas traiter les problèmes, et de ne pas s’entendre, les milieux politiques et économiques ont pris le risque de voir les bombes tomber à répétition.

* Texte peru en italien dans Il Caffè du 26 octobre

Le Gothard au nom de la cohésion nationale

On n’a pas fini de parler de cohésion nationale. Le vote du Conseil national en faveur d’un deuxième tunnel au Gothard ouvre la voie du referendum. Nous serons donc appelés l’an prochain à décider si nous voulons encore dépenser des milliards pour fluidifier le trafic Nord-Sud.

Il y a de bons arguments pour un deuxième tube, comme la sécurité. Mais il y en a un autre, qui était agité dès mercredi soir, qui n’est pas aussi bétonné qu’il en a l’air.

« Ce second tube, c’est une question de cohésion nationale, ont martelé maints élus tessinois. On ne peut pas couper le canton du reste de la Suisse pendant les trois ans que dureront les travaux. »

Permettez quelques obervations délicates et non politiquement correctes. Si le Tessin est excentré, ce n’est la faute de personne, c’est dû à la géographie et à l’histoire. Les Tessinois ont tort de tenter de culpabiliser les autres Confédérés, et de jouer les Calimero. La volonté de vivre ensemble a au contraire surmonté les contingences physiques, qui était autrement plus rudes au XIXème siècle qu’aujourd’hui.

J’ai écrit « les Tessinois ». Le problème avec le second tube au Gothard est qu’il n’a pas le soutien de tous les Tessinois. Dans la votation qui s’annonce, ce manque d’unanimité affaiblira les appels à dire oui « au nom de la cohésion nationale ». A cet égard, il sera intéressant de surveiller le nombre de signatures que les référendaires obtiendront au Sud du massif.

Quand les Suisses s’expriment en scrutin populaire sur le Gothard, il ne s’agit pas d’un banal objet comme les autres. Le Gothard joue un rôle particulier puisqu’il est considéré comme le berceau de l’identité nationale. Ce statut de mythe ou de paradis perdu l’emporte dans les consciences sur sa fonction d’axe Nord-Sud d’envergure continentale. C’est ce qui explique le résultat en 1994 de l’initative des Alpes, celui de 1998 sur le financement des transversales ferroviaires et celui d’Avanti en 2004. Par trois fois déjà, le souci des Confédérés de protéger la montagne d’un trafic trop intense a terrassé les exigences des automobilistes. 2015 marquera-t-il un tournant ?

La cohésion nationale invoquée est désormais perçue autrement. Dans le grand pot commun, chaque canton a pris l’habitude de regarder très précisément ce qu’il gagne ou perd. Les régions urbaines ont fait le désagréable constat suivant : des dizaines de milliards ont été investis au Gothard sans que toutes les promesses de fuidifier le trafic d’agglomération soient honorées. Il y a certes de spectaculaires bouchons au Gothard pendant les vacances et les jours fériés, mais le reste de la Suisse souffre d’engorgement tous les jours ouvrables. Au nom d’un mythe ne fausse-t-on pas les priorités ? Le débat s’annonce féroce.

*Chronique parue en italien dans l’hebdomadaire dominical tessinois Il caffè

Berset-Maillard: fin du duel

La méthode Berset aurait-elle triomphé de la méthode Maillard, a-t-il été demandé au conseiller fédéral? Le Fribourgeois a répondu habilement détester la personnalisation des enjeux.

Comme conseiller fédéral, Alain Berset a gagné. Comme socialiste, c’est un peu moins sûr, et comme Romand pas du tout, puisque l’idée d’une caisse publique progresse dans tous les cantons romands (voir l’analyse de Michel Guillaume ici).

Mais un conseiller fédéral est celui de tous les Suisses, s’il est en porte-à-faux avec ses camarades et une majorité des Romands, Alain Berset est en phase avec la majorité des Alémaniques. Pour un ministre romand, ce n’est pas un mal: il ne pourra pas passer pour le « Welesch de service » dans les prochains combats qu’il annonce pour réformer le système de santé.

Pierre-Yves Maillard a gagné du côté romand, et dans son canton en particulier. Le problème de la caisse publique, c’est qu’elle ne disposait pas d’un Maillard en Suisse alémanique, notait un assureur avant le scrutin. Le PS n’a pas de personnalité du calibre de Maillard Outre-Sarine. Jacqueline Fehr était bien seule pour défendre l’initiative.

Alain Berest et Pierre-Yves Maillard ont été chacun dans son rôle. Leur duel sur la caisse publique était programmé avant l’élection du premier au Conseil fédéral. Ils vont maintenant pouvoir passer à autre chose.

Les problèmes de gestion et de financement du système de santé restent entiers. Leur talent à tous les deux ne sera pas de trop pour imaginer de nouvelles réformes.

Le danger Ecopop

Après le Conseil des Etats, le Conseil national a refusé cette semaine l’initiative Ecopop sèchement.* Un verdict attendu, un scénario écrit d’avance. Ce texte veut limiter l’accroissement de la population à 0,2% sur une moyenne de trois ans. Cela signifierait que seuls 16 000 étrangers pourraient s’installer en Suisse chaque année. Alors que le solde migratoire a été de 81 000 personnes en 2013 ou qu’un canton comme Vaud estime son besoin en permis de travail à 55 000. Ecopop veut aussi que 10% du budget de l’aide au développement soit affecté à des mesures de planification familiale volontaire. Les parlementaires ont jugé ces propositions irréalistes, égoïstes, néo-colonialistes.

Ils auraient dû aller plus loin et invalider cette initiative. Mais ils ont refusé de le faire par 120 voix contre 45. Un manque de courage consternant.

Le texte ne respecte pas l’unité de la matière, il mêle immigration en Suisse et aide au développement dans le tiers monde. Mais dans le doute, l’habitude a été prise à Berne de confier au peuple le choix de trancher. La manœuvre a souvent servi d’exutoire sans conséquence.

Lors d’un colloque à Neuchâtel sur la compatibilité entre les droits populaires et le respect des droits humains qui s’est tenu récemment à Neuchâtel, le sénateur Filippo Lombardi a noté humour que «l’unité de la matière» est un concept «chewing gum» et que les critères d’invalidation des initiatives populaires gagneraient à être clarifiés.

C’est un travail de Titan que devront entreprendre le gouvernement et le parlement. Il faudra lutter contre le sentiment qui s’est installé que la démocratie directe est supérieure à la démocratie représentative. «Elire tous les quatre ans est aussi noble que de voter tous les trois mois», a souligné très justement Lombardi.

En attendant cette évolution nécessaire de notre système institutionnel (les normes de droit international supérieur vont se multiplier, pas seulement pour les droits humains ou l’eurocompatibilité, mais aussi dans le domaine environnemental), il va donc falloir combattre Ecopop devant le peuple. La votation pourrait avoir lieu cette année encore.

Ce ne sera pas facile.

Selon le sondage Sophia 2014, publié par L’Hebdo en mai dernier, 74% des Suisses pensent qu’il faudra profondément changer leur mode de vie pour des raisons écologiques. La croissance démographique inquiète également. La tendance est là, les thèses d’Ecopop recueillent une approbation très large, beaucoup plus large que le contingentement de la main d’œuvre étrangère. Reste donc à montrer que la solution n’est pas adéquate. La campagne sera compliquée par la discussion sur la mise en œuvre de l’initiative «contre l’immigration de masse» qui s’annonce tout sauf consensuelle.

* texte paru en italien dans Il Caffè. 

Salaire minimum: les jeunes socialistes meilleurs que les syndicats

Sur le salaire minimum, la défaite des syndicats est sèche.

Avec 77% de refus, ils ont fait moins bien que les jeunes socialistes et leur 1:12 en novembre dernier (65% de non).

Le mythe du partenariat social a été plus fort, même si un employé sur deux n’est pas couvert par une CCT. L’attachement à un état libéral, qui ne se mêle pas de l’économie, est une caractéristique de fond dans les choix de votations des Suisses.

Après Minder et le 9 février, les milieux économiques ont retrouvé un moyen de convaincre de ne pas casser les conditions-cadre qui font le succès de la Suisse. Ce n’est pas encore la grande réconciliation, mais c’est un premier pas.

La question de l’équité salariale reste entière. Ce vote sec ne l’enterre pas, on peu même craindre une radicalisation.

Si la stratégie de l’initiative a échoué, alors restera celle de la grève pour amener certains patrons à mieux redistribuer les fruits de la croissance.

Salaire minimum: restez pauvres!

Cette semaine, l’avènement il y a un an du Pape François a été salué. Voilà un pape qui a décidé de s’appeler comme Saint-François d’Assise et de faire de la lutte contre la pauvreté son combat.

Qui connaît la vie du Saint né en Ombrie se souvient qu’il était issu d’une famille de marchands matériellement à l’aise avant de se sentir appelé à rénover l’église et à vouer sa vie aux plus démunis.

Le pape réussira-t-il à remettre la solidarité avec les plus faibles au centre des valeurs contemporaines ? C’est trop tôt pour le dire.

Mais ce défi n’est assurément pas celui d’un seul homme, fut-il Pape. C’est le moment de ses demander ce que nous faisons en Suisse pour lutter contre la précarité. Nous votons le 18 mai prochain sur l’introduction d’un salaire minimum de 4000 francs par mois.

Nous avons un système d’aide sociale qui empêche la misère, mais ces dernières années il a été beaucoup critiqué pour son coût et quelques cas d’abus. Les procédures et les contrôles sont plus sévères.

Cette évolution vers plus d’intransigeance constitue un argument en faveur du salaire minimum à 22 francs de l’heure. Lorsque l’on dispose d’un revenu correct, on a moins besoin de mendier des subventions, donc de se justifier, et de rentrer dans un système de dépendance aussi inquisitoriale qu’humiliante.

Que les collectivités aident, que les citoyens soient solidaires des plus pauvres via leurs impôts, c’est bien, c’est la marque d’un Etat moderne, mais le respect de la dignité, c’est encore mieux.

Dans la campagne en cours, il y a une chose insupportable, c’est d’entendre toutes sortes de gens, ministres cantonaux ou fédéraux, parlementaires, patrons, fonctionnaires de lobbies, experts,…. autant de personnes  qui gagnent très bien leur vie, souvent plus de 2,3,4,10 fois le salaire minimum indiqué par l’initiative,  expliquer qu’il serait dangereux pour l’économie suisse que ceux qui ne touchent par 4000 francs par mois soient payés mieux. Ils devraient être plus clairs et oser dire : vendeuses, sommelières, coiffeuses, femmes de chambre, restez pauvres !

Si les 330 000 personnes qui travaillent pour moins de 4000 francs par mois, dont deux tiers de femmes, voient leurs salaires augmenter, les besoins de financement de l’aide sociale seront moindres. Le café, la blanchisserie, la chambre d’hôtel coûteront un peu plus cher, et cela aura un impact sur le pouvoir d’achat des classes moyennes, dénoncent les experts et plein de gens qui ne savent pas ce que sait que de vivre avec moins de 4000 francs par mois. C’est vrai. Cet impact sera réel, mais minime, mais c’est le prix de la solidarité et de la dignité. Si le message du Pape François vous interpelle, faites en sorte d’y répondre avec votre bulletin de vote. 

* Texte paru dans Il Caffè, en italien. 

http://www.caffe.ch/stories/il_punto/46313_per_il_salario_minimo_impariamo_dal_papa/

1:12 : L’USAM meilleure qu’économiesuisse?

L’initiative 1:12 rejetée, l’USAM qui a mené la campagne est dans le camp de gagnants et a réussi là où économiesuisse a failli à contrer la proposition de Minder. Victoire symbolique des petits patrons contre les grands?

De fait l’argumentaire de l’USAM n’a pas été très différent de celui utilisé par Economiesuisse ce printemps. Ont été beaucoup brandies les craintes de casser un modèle économique actuellement performant et d’encourager les délocalisations.

Mais la solidarité affichée par les responsables de PME envers les multinationales exportratrices a touché les Suisses. L’économie est un tissu, le succès des uns dépend du succès des autres, les sous-traitants dépendent de grands groupes, les fournisseurs locaux vivent des sociétés internationales.

On se demande si l’image aura la même efficacité en février prochain, lorsqu’il s’agira de voter sur l’initiative « contre l’immigration de masse ».

Alors l’USAM meilleure qu’Economiesuisse? Ce n’est pas certain, puisque si le casting a changé les arguments étaient similaires. Simplement, avec leur oui au texte de l’entrepreneur Minder, les Suisses estiment avoir déjà tancé les hauts managers aux salaires stratosphériques.

J’ai personnellement un regret par rapport à la campagne: que la vénalité de ceux qui touchent des salaires à plusieurs millions n’ait pas été plus soulignée, ou au moins questionnée. Qu’est-ce qui justifie vraiment ces hauts salaires? La capacité de prendre des décisions courageuses? Mais décider ne nécessite-t-il pas parfois de douter? Et donc comment se remettre en cause quand votre salaire indique que vous êtes le meilleur? Comment oser douter quand on vaut des millions? Et comment susciter l’adhésion des employés à un changement de cap, quand on est si déconnecté des réalités humaines? Ces objections sont restées sans réponses.

Le bon score relatif de l’utopie 1:12 (qui n’avait aucune chance face à l’écueil de la double majorité du peuple et des cantons) annonce par contre que le débat sur le salare minimum à 4000 francs n’est pas gagné d’avance. Ni pour l’USAM, ni pour Economiesuisse.

http://www.hebdo.ch/news/politique/dimanche-de-votations-lhebdo-est-sur-le-pont