D’un Secrétaire d’Etat à l’autre…

Après Rossier, Balzaretti… le Conseil fédéral va bientôt manquer d’ambassades de prestige pour écarter / recycler ses hauts diplomates talentueux mais incompris…

Dans sa politique européenne, le Conseil fédéral a 3 options: changer de négociateur, changer de stratégie, changer d’objectif. Puisse-t-il choisir le plus ambitieux! Le sacrifice d’un Secrétaire d’Etat est inutile si on ne change pas au moins un des deux autres paramètres .

Ignazio Cassis dit compter sur la « créativité » diplomatique de la nouvelle secrétaire d’Etat. C’est vrai que Livia Leu est très expérimentée. Mais le Conseil fédéral semble oublier que l’UE est une construction qui repose sur le droit et laisse peu de place à l’interprétation…

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LA RELATION UE-SUISSE UNE NOUVELLE FOIS SUR LA SELLETTE

Interview réalisée par Théo Boucart du site Le Taurillon et publiée le 27 septembre 2020

ENTRETIEN. Les électeurs suisses votent aujourd’hui sur un ensemble de textes, dont l’un porte sur « l’initiative de limitation » visant à remettre en cause la liberté de circulation entre la Suisse et l’Union européenne garantie par les accords bilatéraux. Si cette votation est acceptée, c’est l’ensemble de la relation entre Berne et Bruxelles qui serait remise en cause. Nous avons interviewé Chantal Tauxe, journaliste suisse spécialisée dans les questions européennes. Pour elle, le débat souffre du fait que ni les médias, ni la classe politique suisses, ne souhaitent se positionner clairement vis-à-vis de l’UE.

Le Taurillon : En décembre 1992, la Suisse a refusé par référendum son adhésion à l’Espace Économique Européen (EEE). Depuis lors, Berne souhaite développer une relation bilatérale avec l’UE. Pouvez-vous nous expliquer la nature de ces relations bilatérales et le contexte dans lequel elles ont été mises en place ?

Chantal Tauxe : Le refus de la Suisse d’intégrer l’EEE provient largement de la campagne menée par Christoph Blocher, à l’époque conseiller national. Toutefois, l’échec du référendum a engendré des négociations pour établir une relation bilatérale entre Berne et Bruxelles, conclues en juin 1999 avec le vote du premier paquet d’accords bilatéraux. D’autres accords ont ensuite été signés, avec un deuxième paquet en 2004, mais également les accords de Schengen et de Dublin.

Les années 1990 ont été marquées par une conjoncture défavorable, et cela se voit encore actuellement. En comparant le chemin de la Suisse à celui de l’Autriche, un pays de taille semblable, nous voyons que ce dernier pays, qui a intégré l’EEE puis l’Union européenne, a connu une croissance beaucoup plus importante. La Suisse n’a jamais récupéré ce qu’elle a perdu lors des années 1990.

De plus, le gouvernement suisse a promis que l’immigration allait rester modérée. Toutefois, alors que les accords bilatéraux ont apporté une grande prospérité à la Suisse, l’immigration a été jugée excessive par une partie des citoyens. Cela s’est traduit en 2014 par l’acceptation d’une première initiative « contre l’immigration de masse » de l’UDC (l’Union démocratique du centre, le parti de droite radicale ndlr).

La Suisse connaît de nombreux problèmes en termes d’occupation du terrain, d’accès à la propriété et d’engorgement du réseau de transport, des problèmes que l’on associe souvent avec l’immigration facilitée par les accords bilatéraux. Ce ressenti n’est pas nouveau, car dès les années 1970, des votations contre l’immigration dite « massive » se sont tenues. La perception de la relation Suisse-UE est donc une véritable « salade russe », entre les bienfaits liés à l’intégration économique, et la crainte liée à l’immigration. Le débat sur la meilleure manière de garantir notre souveraineté, à la base du refus de l’EEE, est désormais inexistant.

LT : Les électeurs suisses votent aujourd’hui sur « l’initiative de limitation » qui prévoit la remise en cause de la liberté de circulation entre la Suisse et l’UE. Pouvez-vous nous présenter le contexte dans lequel cette votation intervient, ainsi que les conséquences, notamment économiques, que la Suisse pourrait connaître si cette initiative était acceptée ?

CT : Concernant d’abord la votation de 2014, le Parlement a voté une certaine mise en œuvre de celle-ci, jugée toutefois insuffisante par l’UDC. Les autres partis politiques suisses ont alors réagi en disant « si vous voulez faire tomber les accords bilatéraux, posez la question aux électeurs en des termes plus clairs ». Et c’est ce que l’UDC a choisi de faire avec cette initiative de limitation. Dans le texte, il est stipulé clairement que si le pays n’arrive pas reprendre le contrôle des flux d’immigration, l’accord sur la libre-circulation devra être résilié. Or, cela signifierait que les autres accords bilatéraux seraient caducs, en vertu de la clause « guillotine » introduite par des négociateurs européens devenus méfiants.

Même si les sondages prédisent encore aujourd’hui que l’initiative sera rejetée, le Conseil fédéral, mais également les syndicats et les milieux économiques, estiment que la résiliation des accords bilatéraux serait très dommageable pour l’économie suisse, notamment car ces accords prévoient un accès au marché unique et une reconnaissance des normes industrielles. La Suisse gagne un franc sur deux grâce à ses exportations, ce qui représente un volume d’échanges avec l’UE d’un milliard de francs par jour. Alors si tout d’un coup, les produits sont discriminés ou si les industries suisses ne sont plus les sous-traitantes dans des chaînes de production impliquant les Allemands, les Italiens ou d’autres pays, ce serait très dommageable pour l’économie.

Il faut savoir également que c’est la douzième fois que les Suisses votent sur un enjeu européen depuis 1992, et le discours alarmiste qui prédit la fin de l’économie suisse en cas de « Non à l’UE » ne convainc plus personne. Le Conseil fédéral, les partis contre l’initiative et les milieux économiques ne disent plus que ce serait une « catastrophe », mais que ce serait très dur d’inciter l’UE à revenir à la table des négociations, d’autant plus dans le contexte du Brexit, où chaque concession consentie pour la Suisse pourrait être exploitée par le Royaume-Uni. La marge de manœuvre pour faire tomber la clause « guillotine » est donc très faible, et certains ne veulent pas rajouter de l’incertitude économique dans une période perturbée par la COVID-19.

LT : En parlant des partis politiques et des Conseillers fédéraux, quelle est leur position par rapport à l’Union européenne ? Lors d’un séminaire tenu à Berne début septembre, vous avez notamment dit que la plupart des Conseillers fédéraux avait peur de s’exprimer sur la question, même lorsqu’on leur promet le « off » (non publication des propos).

CT : Durant les années 1990, lorsqu’on a commencé à se poser la question de l’adhésion à l’UE, plusieurs partis politiques y étaient favorables. Le parti libéral suisse (qui a fusionné en 2009 avec le parti radical pour donner naissance au parti libéral-radical ndlr), le parti démocrate-chrétien et le parti socialiste étaient en faveur d’une adhésion. Le parti radical n’était pas contre, car le dossier était porté par l’un de ses ministres. A cette époque-là, le gouvernement affirmait même que la Suisse allait adhérer à terme à l’UE.

Et puis Christoph Blocher est arrivé au Conseil fédéral en 2004, ce qui a renforcé le lobbying de l’UDC pour retirer la demande d’adhésion. Cela s’est produit finalement en 2016, même si le processus était gelé auparavant. Cette décision a profondément agacé les Européens car un certain nombre de concessions lors des négociations bilatérales ont été faites parce que la Suisse était une candidate potentielle à l’adhésion et une potentielle contributrice nette au budget européen.

La voie bilatérale est donc considérée par les partis politiques (sauf l’UDC) comme une solution pragmatique qui serait bonne pour la Suisse. Ces partis s’empêchent donc de penser autrement l’intégration européenne et de réfléchir aux bénéfices apportés par l’adhésion à l’UE, qui nous permettrait d’élaborer le droit européen avec les autres, plutôt que de le reprendre passivement. Nous sommes dans une sorte de vase clos où l’on ne parle que des enjeux bilatéraux, sans voir les évolutions de l’UE et l’évolution de sa réflexion sur de grands défis comme le numérique ou la fiscalité. En plébiscitant la voie bilatérale, tous les partis politiques ont reculé sur la question, seul le PS soutient encore l’adhésion dans son programme. Même l’Accord-cadre Suisse-UE dont la négociation doit être finalisée dans les prochains mois n’arrive pas à rassembler la classe politique suisse.

Par conséquent, le sentiment pro-européen a fortement reculé en Suisse. Actuellement, les enquêtes d’opinion montrent que seulement 20% de la population serait favorable à l’adhésion. Là aussi, on voit une différence marquée entre les cantons francophones et Bâle, traditionnellement favorables à l’ouverture, et les cantons alémaniques et le Tessin bien plus réservés. Il y a également une grande différence entre les villes plutôt cosmopolites et pro-européennes, et les campagnes.

LT : A l’inverse, la Suisse est souvent considérée en Europe comme un modèle de démocratie et de fédéralisme. Êtes-vous d’accord ?

CT : Les élites politiques et intellectuelles suisses aiment bien penser cela. Selon eux, la Suisse est une Europe en miniature et une source d’inspiration pour l’intégration du continent, via notamment notre expérience de démocratie semi-directe. Pour moi, c’est un état d’esprit empreint d’arrogance et l’idée selon laquelle notre démocratie serait parfaite m’énerve beaucoup. Dans l’Union européenne, de nombreux autres pays usent de l’outil référendaire. En outre, la montée du populisme en Suisse est antérieure à bien des pays membres. Plus de consultations du peuple ne signifie donc pas pour autant la neutralisation des amalgames populistes.

Concernant le fédéralisme, il est vrai que nous avons, ou du moins nous avions, une tradition assez réussie de gestion de conflits, des différences cantonales et linguistiques. Toutefois, cette expérience réussie de fédéralisme existe aussi en Allemagne, et dans une bien moindre mesure en Belgique. La Suisse aurait donc quelque chose à apporter à l’UE concernant la subsidiarité, sans toutefois être trop arrogante. L’UE comporte des pays aux histoires très différentes qu’il faut respecter et qu’il ne faut pas analyser sous un angle purement suisse.

Je dirais également que le fédéralisme suisse est un moyen de neutraliser les débats et d’affaiblir l’État. Notre système politique ne permet pas de donner de grandes impulsions politiques et il faut sans cesse négocier pour parfois parvenir à des compromis modestes. Je pense que l’UE a besoin à ce stade de son histoire de dirigeants courageux qui osent exprimer des ambitions qui ne se réduisent pas au plus petit dénominateur commun.

LT : Depuis la fermeture du journal L’Hebdo en 2017, il ne semble plus y avoir de médias suisses avec une ligne éditoriale clairement pro-européenne. Comment la sphère médiatique suisse traite l’actualité européenne actuellement ? Est-ce qu’il y a des différences linguistiques et cantonales ?

CT : L’Hebdo était un journal à la ligne éditoriale pro-européenne. Ce positionnement éditorial n’a été repris par aucun média en Suisse romande. J’ai appris récemment qu’un quotidien de Fribourg, La Liberté (considéré comme le média suisse le plus crédible, selon un sondage mené en août dernier ndlr), se posait la question de donner une recommandation de vote contre l’initiative de limitation. Du temps de L’Hebdo, qui avait une certaine influence sur le débat public en Suisse romande, la tendance majoritaire était plutôt en faveur de l’ouverture à l’Europe. Les médias n’ont plus ce positionnement et sont devenus plus sensibles au discours dominant de l’UDC. Il y a désormais plus de doutes et moins de convictions. A l’instar des partis politiques, les médias s’interdisent d’analyser en profondeur le dossier européen et de structurer le débat.

Pour décrypter un enjeu, il faut d’abord le connaître. Il y a très peu de correspondants suisses à Bruxelles et certains travaillent pour plusieurs médias. La connaissance de l’actualité européenne et des arcanes bruxelloises est donc moindre par rapport à ce qu’elle était il y a 10 ou 15 ans. En outre, les enjeux européens ne sont pas ce qui passionnent le plus l’opinion publique suisse, très centrée sur l’enjeu des accords bilatéraux, et convaincue par ailleurs que les négociateurs européens ne veulent faire aucun cadeau à la Suisse. C’est encore pire au Tessin (le seul canton suisse entièrement italophone ndlr) : le journal Il mattino della domenica, contrôlé par la Lega dei Ticinesi, le pendant tessinois de la Lega de Matteo Salvini, publie tous les dimanches des diatribes dégradantes destinées à la classe politique et aux militants pro-européens.

Je vais être ironique, mais la Suisse aime bien être « neutre ». Or, l’information neutre et équilibrée sur le débat européen n’est pas forcément mise à disposition du public. Sur les plateaux de télévision, ce sont toujours les mêmes personnes qui sont invitées, ceci participe au rétrécissement du débat autour des seuls accords bilatéraux. Quand on considère la couverture médiatique de la campagne présidentielle aux États-Unis, on constate que les médias en Suisse s’efforcent bien plus de suivre le « feuilleton Trump » que de décrypter les enjeux européens.

LT : Comment voyez-vous l’avenir du débat européen en Suisse ?

CT : Le monde médiatique suisse subit actuellement une crise profonde qui n’est certainement pas terminée. Le Parlement discute actuellement de la possibilité de fournir aux médias une aide structurelle, et pas seulement conjoncturelle liée à la COVID-19. Toutefois, les intérêts divergent, entre ceux de la presse écrite, en ligne, la radio et la télévision, cette dernière étant financée en Suisse par une redevance (qui a failli disparaître en 2018 avec l’initiative « No Billag » ndlr). Certaines rédactions ont également moins de ressources publicitaires et moins de journalistes, ce qui peut aller parfois jusqu’à la disparition de titres de presse.

J’ai pensé que la mort de L’Hebdo allait provoquer un électrochoc, et pourtant, Le Matin a suspendu son édition papier dès l’année suivante. Des sites internet ont été créés, comme Republik en Suisse alémanique ou Bon pour la tête en Suisse romande. Toutefois, personne n’a réussi à trouver un nouveau modèle économique et le mécénat, pourtant bien développé en Suisse, n’a pas encore massivement investi la sphère médiatique.

Globalement, je constate une détérioration du traitement de l’actualité européenne en Suisse. Pourtant, les médias doivent vraiment jouer leur rôle, notamment dans l’analyse des négociations autour de l’accord-cadre qui doit régler des questions d’interprétation du droit européen en Suisse en cas de différend avec l’UE. Il s’agit d’un thème très technique et il y aura peut-être un besoin d’explication pour l’opinion publique qui pourrait revitaliser la couverture des enjeux européens. Cette meilleure couverture pourrait même être permise par le discours sur l’état de l’Union prononcé par Ursula von der Leyen le 16 septembre : on voit que l’UE passe à la vitesse supérieure et avance des propositions concrètes. Tout cela va peut-être réveiller l’attention des Suisses et de leurs médias.

Néanmoins, je pense tout de même qu’il y a un « paradoxe suisse » : nous passons en Europe pour des Eurosceptiques et des profiteurs, mais nous sommes le seul pays qui vote autant sur l’Europe. Malgré la chiche couverture rédactionnelle de notre presse, le citoyen suisse a quand même plus d’opportunités de réfléchir sur les enjeux européens que dans d’autres pays membres de l’UE.

Et si c’était oui…

Dans son bureau bernois, Karin Keller-Sutter croit d’abord à une mauvaise blague de son staff. Puis le sang-froid de la conseillère fédérale saint-galloise l’emporte sur l’incrédulité : l’initiative de limitation lancée par l’UDC a obtenu une majorité populaire de justesse, mais l’aval de 14 cantons et 4 demi-cantons. L’analyse Vox montrera dans quelques mois que l’impact du COVID19 sur l’humeur des Suisses a été complétement sous-estimée dans les sondages. *

La Berne fédérale est en état de choc. Des dizaines de professeurs des deux écoles polytechniques annoncent qu’ils vont quitter la Suisse, par peur d’être déconnectés des réseaux de recherche européens. Cet exode des cerveaux gagnera également les hautes sphères managériales des grandes entreprises. Pour les migrants très qualifiés, la Confédération cesse d’être « the place to be ».

Après une houleuse séance de crise, le Conseil fédéral décide d’envoyer Simonetta Sommaruga négocier à Bruxelles. Mais avec quelles cartes ?

Le Conseil fédéral mise sur un atout maintes fois utilisés par le passé. Il sort son chéquier, annonçant une contribution extraordinaire de 2 milliards de francs de la Suisse au plan de relance européenne, décidé en juillet par les 27 (qui accueillent poliment, mais ne promettent rien en échange).  

La présidente de la Confédération essaie ensuite de faire admettre aux Européens que la Suisse est un cas particulier en termes d’immigration et que cela vaut dérogation à une stricte application du principe de libre-circulation. La Commission n’entre pas en matière sur ce raisonnement jésuitique et rappelle qu’en cas de résiliation de la LCP, la clause guillotine sera appliquée.

Pour montrer sa bonne volonté aux 27, le gouvernement paraphe alors l’accord cadre. L’UDC hurle à la trahison et exige la démission du collège.

Fin décembre sortent les premiers chiffres sur l’impact du oui: le PIB, qui avait d’abord montré des signes de reprise après la première vague du COVID19, a définitivement décroché.

Avec l’utopie du désespoir devant tant d’incertitudes, quelques voix dans les milieux économiques réclament que le Conseil fédéral réexamine le scénario de l’adhésion de la Suisse à l’Union européenne.

En janvier 2021, Guy Parmelin est obligé de consacrer son premier voyage présidentiel à une tentative de réconciliation avec Bruxelles. Ses sourires crispés face à une Ursula von der Leyen affable mais inflexible deviennent le symbole de l’enlisement diplomatico-commercial dans lequel la Suisse est tombée pour longtemps.

Ce qui précède n’est qu’un vilain cauchemar. Ce 27 septembre, Karin Keller-Sutter a triomphé avec plus de 60% de non à l’initiative de l’UDC. Le Conseil fédéral peut dès lors lancer une double offensive. Sur le plan interne, il réunit les partenaires sociaux, qui ont assuré la victoire, et leur propose d’élaborer de nouvelles mesures d’accompagnement. Celles-ci entreront en vigueur si les Suisses acceptent l’accord-cadre institutionnel. Sur le plan extérieur, fort de clarifications obtenues à Bruxelles, mais restées secrètes, le gouvernement paraphe le texte négocié avec l’UE, et qui va fluidifier la gestion quotidienne des accords bilatéraux. Impressionnés par l’ampleur du non, les 27 proposent aux Suisses de les associer à leur projet d’Europe de la santé. Ignazio Cassis reprend le lead du dossier européen tout en s’appuyant sur la méthode de concertation de KKS.

*Article paru dans l’hebdomadaire Il Caffè le 27 septembre 2020

Petite réflexion pour ceux qui vitupèrent l’accord-cadre…

Si l’accord-cadre ne convainc pas et qu’on pense qu’il faut tout reprendre à zéro, je suggère de ré-examiner les avantages d’une adhésion à l’Union européenne. Du point de vue de la souveraineté et de l’influence sur les décisions ( que la Suisse finit toujours bon gré mal gré par adopter) cette solution est beaucoup plus satisfaisante…

Un effet Cassis au Tessin?

Le chef du Département des affaires étrangères ramènera-t-il son canton dans le giron des partisans des accords bilatéraux? Le libéral-radical est en effet en charge du dossier européen dans son ensemble, même si c’est sa collègue Karin Keller-Sutter qui dirige la campagne contre l’initiative dite de limitation. Conjonction intéressante, le no 2 du DFAE, le Secrétaire d’Etat Roberto Balzaretti, est lui aussi Tessinois, donc capable de convaincre dans leur idiome ses concitoyens, qui ont souvent eu le sentiment d’être les grands oubliés de Berne, lors des campagnes de votation. Un précédent historique existe.*

C’était il y a un siècle. Le 16 mai 1920, les Suisses acceptaient l’adhésion à la Société des Nations, la nouvelle organisation multilatérale de l’après-Première guerre mondiale, à 56,3%. Parmi les cantons les plus enthousiastes figure le Tessin, avec 84,8% de oui, à égalité avec Neuchâtel. Un score plus élevé que celui de Genève, où la SDN s’installera, mais quand même inférieur à celui de Vaud où le oui atteint 93,2%.

Le poids décisif des Latins 

Il y a un siècle donc, les Tessinois étaient favorables à la coopération internationale. On explique ce plébiscite en faveur de la SDN par le fait que le conseiller fédéral en charge des affaires étrangères (à la tête du Département politique comme on disait à l’époque ) était le Tessinois Giuseppe Motta, précédé à ce poste par le Grison Felix Calonder, qui avait préparé le dossier, et dont le canton donna lui aussi une majorité favorable au projet. Lors de ce vote historique, les Latins ont clairement fait pencher la balance du côté de l’ouverture au monde.  

Depuis, le canton italophone a basculé dans le camp isolationniste. En 1992, il refuse l’Espace économique européen à 61,5%. En 2000, alors que le conseiller fédéral Flavio Cotti, en charge du DFAE de 1994 à 1999, a été l’un des artisans des accords bilatéraux, le Tessin repousse également cette solution laborieusement inventée pour éviter la marginalisation du pays après le refus de l’EEE.

En charge de notre politique étrangère depuis 2017, Ignazio Cassis devrait être en première ligne dans la défense des accords bilatéraux que l’initiative de l’UDC, sur laquelle nous votons le 27 septembre, menace. Si le principe de la libre-circulation des personnes est récusé, tout l’édifice de nos relations particulières avec les 27 prendra l’eau. L’enjeu est de taille.

Le choix de Karin Keller-Sutter

Pourtant, la politique d’accueil des étrangers étant du ressort du Département de justice et police, c’est Karin Keller-Sutter qui a la direction de la campagne. Par le passé, sur les enjeux européens, le Conseil fédéral avait pris coutume de s’afficher lors des conférences de presse officielles à plusieurs. En cette année 2020, la libérale-radicale est montée au front sans ses collègues, leur préférant les partenaires sociaux. Un choix stratégique assurément judicieux pour démontrer à quel point les accords bilatéraux avec l’UE ont le soutien des syndicats et du patronat, mais qui n’empêche pas de s’interroger: il est bizarre que sur le point le plus crucial de notre politique étrangère, mais aussi de notre politique économique, MM. Cassis et Parmelin se montrent si discrets.

Guy Parmelin en porte à faux

L’élu UDC vaudois a l’excuse, si c’en est une, d’être en porte à faux avec son parti, qui a mal pris qu’il défende, à titre collégial mais aussi à «titre personnel», le non à l’initiative dite de limitation «pour une immigration modérée». Comme chef du Département de l’économie, il est par ailleurs très accaparé par la gestion des conséquences de la crise du COVID-19.

Ignazio Cassis ne peut invoquer la même posture. Son parti, le PLR, combat le texte de l’UDC sans ambiguïtés. Partisan d’un reset de nos relations avec l’Union européenne, le Tessinois devrait avoir à cœur de convaincre son canton de la justesse de sa politique.

Une place pour l’«italianità»

La défiance des Tessinois lors des votations sur l’intégration européenne a souvent été expliquée par le fait qu’aucun membre du collège gouvernemental n’avait pris la peine de venir plaider Outre-Gothard, d’autant plus que la plupart des ministres sont peu à l’aise en italien. Cet argument tombe évidemment, le choix d l’Assemblée fédérale d’élire Ignazio Cassis ayant été vu comme une volonté de se réconcilier avec la part d’ «italianità» de la Confédération.

Roberto Balzaretti, un des meilleurs praticiens du dossier

Un autre Tessinois aurait la pleine capacité de retourner l’opinion de son canton. Secrétaire d’Etat à la tête de la Direction des Affaires européennes, Roberto Balzaretti est un des meilleurs connaisseurs et praticiens du dossier, un de ceux qui sait à la virgule près de quoi il en retourne. Roberto Balzaretti a maintes fois pu mesurer l’exacte épaisseur de la marge de manœuvre que les Européens sont déterminés à accorder aux Helvètes.

Interpellé, le service de communication du DFAE nous a fourni les indications suivantes: «Le conseiller fédéral Ignazio Cassis s’engagera dans la campagne en lien avec la votation du 27 septembre dans les différentes régions linguistiques du pays. La présence du chef du DFAE à plusieurs événements a été planifiée, mais la réalisation est encore incertaine en raison de l’épidémie de COVID-19 et des mesures sanitaires en cours, notamment en ce qui concerne les rassemblements publics. Différentes options (intervention par vidéo) sont envisagées. Différentes interviews sont également prévues. En ce qui concerne le Secrétaire d’Etat Roberto Balzaretti, il est prévu qu’il participe lui aussi à des événements, dont la réalisation dépend (elle aussi) de l’évolution de l’épidémie.»

Quel plan B après le plan B ? 

On devrait donc voir, dans les semaines à venir, l’implication de ces deux hommes-clé dans la campagne. Même si la bataille est incarnée par la populaire Karin Keller-Sutter, les deux Tessinois jouent une part de leur destin politique le 27 septembre. L’acceptation de l’initiative de l’UDC rendrait leur volonté de consolider la voie bilatérale grâce à un accord-cadre (qu’ils n’ont pas encore signé) quasi impossible. Les accords bilatéraux étant le plan B de l’EEE, on n’imagine guère ce que pourrait être le plan B du plan B, dans le contexte compliqué du Brexit. 

A contrario, une victoire leur redonnerait une marge de manœuvre et un rôle de premier plan, à un moment où les 27, secoués par la crise, prennent un nouvel élan. Et une victoire au Tessin démontrerait à la Berne fédérale qu’il n’était pas inutile de placer à nouveau un italophone à la tête du DFAE après 18 ans de règne des Romands.

*Article paru le 14 juillet 2020 sur le site Bon pour la tête

Quand Guy Parmelin voudra bien nous parler de notre principal marché…

Nos conseillers fédéraux se sont concertés avec les ministres européens pour gérer la crise sanitaire et la réouverture des frontières. Mais sur les enjeux économiques, pas de coordination, alors que nous votons sur le maintien des accords bilatéraux avec l’UE en septembre prochain, et que Bruxelles attend depuis fin 2018 que la Suisse se détermine sur l’accord-cadre. Comme si l’évolution en cours du marché unique ne nous concernait pas. Mais que fait le ministre de l’économie?*

«L’Europe ne va pas passer un temps infini à renégocier les mêmes choses». Cet avertissement est celui de l’ambassadeur de France en Suisse. Frédéric Journes répondait aux questions de Darius Rochebin dans l’émission «Pardonnez-moi» sur l’accord-cadre, ce chapeau que l’Union européenne et la Suisse ont convenu de mettre sur les relations bilatérales, mais qui est resté suspendu en l’air depuis fin 2018.  

Genève, futur cul de sac?

Tout au long de l’entretien, diffusé le dimanche 30 mai sur la RTS, le diplomate a été empathique mais est sorti de la langue de bois. Sur la fermeture des frontières, que le confinement a permis d’expérimenter, et qui adviendrait si l’initiative de l’UDC dite «de limitation» était acceptée le 27 septembre prochain, il a noté que la France n’allait certainement pas remettre des centaines de douaniers à ses confins pour gérer les flux. Plus imagé, il a brandi le risque que des villes comme Genève, Bâle et Schaffhouse deviennent des culs de sac, tels Lubeck naguère aux portes de la RDA. L’UDC minimise ce risque, mais si nous décidions de nous couper des principes de la libre-circulation au cœur du fonctionnement du marché unique européen, nous deviendrions une périphérie, peu à peu délaissée parce que trop compliquée d’accès, non seulement pour les individus, mais aussi pour les marchandises.

Dedans ou dehors? Pour les Suisses, la marge de manœuvre face à l’UE se réduit. Le Brexit a prouvé que personne n’était obligé de rester, mais qu’il est difficile de se décoller du marché unique sans en perdre les avantages. Surtout, le plan de relance post Covid-19, actuellement en cours de négociation, démontre que l’UE compte s’aventurer sur de nouveaux terrains: l’Europe sociale, la transition énergétique et numérique, et un budget commun plus étoffé pour financer ces nouvelles ambitions. Consciente que les équilibres géopolitiques changent, l’UE envisage de revoir ses règles en matière de concurrence, qui se sont révélées particulièrement favorables aux concurrents non européens, afin de permettre l’émergence de nouveaux champions industriels.

Des taxes à la frontière

Autres changements coperniciens, la Commission pourra s’endetter, et elle songe également de prélever de nouvelles taxes à ses frontières. Voilà qui devrait réveiller l’attention des Suisses: de quel côté de cette nouvelle frontière serons nous? Thierry Breton, commissaire au marché intérieur, imagine une taxe carbone ou une taxe numérique. Cette nouvelle fiscalité toucherait les entreprises d’une certaine taille: environ 70’000 entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros.  

Dedans ou dehors?  Les sociétés suisses, qui ont créé des antennes dans les pays européens pour bénéficier en plein des avantages du marché unique, tout en gardant une fiscalité helvétique, devront dans tous les cas revoir leurs calculs.

Si le marché unique déploie son effet normatif dans de nouveaux domaines, la Suisse sera contrainte de s’y conformer pour rester compétitive. En cas de divergence de vue, elle aurait tout intérêt à pouvoir bénéficier des mécanismes prévus dans l’accord-cadre pour régler les conflits. Mais des avantages que nous procurerait cette nouvelle évolution des relations bilatérales, on en n’entend pas parler.

L’accord-cadre est vu comme une énième contrainte bruxelloise, alors que c’est au départ une idée suisse. Il n’est pas présenté comme un moyen de rester dans la course et d’éviter une marginalisation des secteurs économiques les plus prometteurs à l’avenir.

Il est tout de même curieux que nos conseillers fédéraux aient pris la peine de se coordonner avec les ministres européens pour gérer la pandémie ou la réouverture des frontières de l’espace Schengen, mais que les plans de relance annoncés par le couple franco-allemand et Bruxelles ne soient pas ouvertement commentés par Guy Parmelin comme des opportunités de fortifier nos liens avec nos principaux partenaires commerciaux. Un chef du Département de l’économie ne doit-il pas avant tout se préoccuper de la sûreté de nos débouchés commerciaux, et plus précisément du principal? M. Parmelin est-il trop occupé à supporter les foudres de son parti pour avoir dit qu’il ne soutenait pas l’initiative de limitation de la libre-circulation? 

Le confort de la zone grise, c’est fini!

Dedans ou dehors? En actant le divorce avec la Grande-Bretagne, l’UE, construction juridique, s’oblige à des clarifications qui ne souffriront pas la moindre ambiguïté. Nos accords bilatéraux nous ont installés dans une zone grise. Pas aussi bien intégrés au marché unique que les pays membres de l’espace économique européen, mais quasiment traités comme tels, eu égard à notre position géographique, et à nos liens historiques.

Il serait fâcheux que par un vote émotionnel irréfléchi sur la libre-circulation des personnes en septembre prochain, nous nous projetions de nous-mêmes dans le cercle des états tiers, pas interdits de pénétrer dans le marché unique, mais à des conditions beaucoup moins favorables que celles qui ont nourri notre prospérité depuis vingt ans.

Si l’UE décide de mieux protéger ses frontières, nous ne devons pas tarder à affirmer de quel côté nous voulons être. Pour éviter de mauvaises surprises, le conseil fédéral, sorti du droit d’urgence, devrait s’engager avec vigueur contre l’initiative de l’UDC, et commencer à marquer de l’intérêt pour la dynamique européenne qui émerge de la crise. Tout autant que la votation de septembre ou de l’accord-cadre, il en va de la pérennité de notre arrimage au grand marché du Vieux-Continent. 

Focalisation sur la Chine dépassée

Dans le grand jeu géopolitique actuel, la focalisation sur la Chine et les Etats-Unis, qui a été la nôtre ces dernières années, est devenue vaine, ringardisée par les impératifs de la crise climatique. La poursuite de cette alternative chimérique à nos attaches naturelles avec nos voisins nous conduira à de grandes déceptions. Dans les rapports de force brutaux que les deux puissances mondiales veulent imposer, notre souveraineté sera plus sûrement bafouée que dans nos liens renforcés avec une Union qui se fonde, elle, sur la primauté du droit. 

Pour paraphraser l’ambassadeur de France: L’Europe ne va pas indéfiniment attendre que nous nous décidions à agir dans notre propre intérêt. 

*Article paru le 3 juin 2020 sur le site Bon pour la tête

Des petites phrases de Merkel et von der Leyen que les Suisses devraient entendre….

Le chancelière allemande comme la présidente de la Commission européenne balisent l’après-COVID-19, et donnent de nouvelles ambitions au marché unique dont nous sommes partie prenante. Les Suisses feraient bien d’y prêter attention, eux qui ne voient les accords bilatéraux avec l’UE que sous leur univoque focale.*

Dans le brouhaha du déconfinement, dans l’inquiétude d’une deuxième vague, la politique, celle qui ne découle pas de la gestion immédiate de la crise, peine à se faire entendre. Ainsi les Suisses n’ont guère prêté attention à deux petites phrases prononcées par Angela Merkel et Ursula von der Leyen, ces derniers jours. Décryptons.

Devant le Bundestag, le 13 mai, la chancelière allemande a lâché qu’il était temps de repenser au projet d’union politique, corollaire de l’union monétaire. Au sein des 27, une plus forte intégration politique a la figure de l’Arlésienne. La déclaration d’Angela Merkel fait suite au pataquès créé par les juges de la cour constitutionnelle allemande qui s’en sont pris à la politique de rachat des obligations publiques de la Banque centrale européenne (BCE). La cour, logée à Karlsruhe dans le Bade-Wurtemberg depuis 1951, jouit d’un très grand crédit auprès des Allemands: elle est la garante des droits fondamentaux et des principes de l’Etat de droit dans un pays où ceux-ci ont été anéantis par les nazis. Ses jugements passent pour parole d’Evangile.  

Flou juridique

L’arrêt rendu le 5 mai met du vinaigre sur un point mal tranché dans l’ordre juridique de l’Union: la supériorité du droit européen sur les décisions des cours constitutionnelles nationales. Les traités sont restés dans le flou sur ce sujet ô combien délicat afin de ménager les susceptibilités. On vous passe les interprétations technico-juridiques. La position très souverainiste de la Cour reflète l’inquiétude des épargnants allemands. La politique de la BCE d’injections de liquidités et de taux bas, menée à la suite de la crise financière de 2008, menace leurs avoirs. Les juges ont trouvé que tout cela n’est pas très proportionné et ils demandent des explications. Potentiellement, cet arrêt pourrait gravement entraver les efforts actuels de la BCE pour sauver les économies de la zone euro, en interdisant à la banque centrale allemande de participer aux programmes de rachat d’obligations publiques.  

La première riposte est venue de la présidente de la Commission, le 10 mai. Ursula von der Leyen a gentiment rappelé aux juges de son pays d’origine que, in finec’est la cour de justice de l’Union européenne, sise à Luxembourg, qui a le dernier mot sur l’interprétation du droit européen. Elle a également menacé l’Allemagne d’une procédure d’infraction si la dispute devait s’envenimer.

La référence à Jacques Delors 

La chancelière Angela Merkel a ensuite habilement donné à cette embrouille juridico-financière une dimension politique. Devant le Bundestag, elle a évoqué l’idée de passer à une union politique plus approfondie et fait référence à Jacques Delors, ancien président de la Commission et un des concepteurs de l’euro: «une union monétaire ne suffira pas, il faut une union politique».  

Les 27 ont en effet un peu perdu de vue que l’union économique et monétaire, lancée à la fin du siècle dernier, devait faire converger les économies des états-membres, réduire les disparités entre régions. Les fonds de cohésion – auxquels la Suisse participe – n’ont pas suffi. Après la crise de la zone euro et des dettes souveraines, celle du COVID-19 risque d’aggraver les inégalités de développement.

Dit autrement, il y a une grande logique à ce que la réalisation du marché unique soit suivie d’une monnaie unique qui elle-même entraîne une gouvernance commune. Or cette gouvernance ne peut exister sans un vrai budget et une vraie volonté politique des chefs d’Etat de donner à la Commission un pouvoir d’impulsion et de réalisation.

Une ambition pour la présidence allemande

Dès le 1er juillet, Angela Merkel disposera d’une belle opportunité de monter plus concrètement ce que sa petite phrase signifiait. L’Allemagne prend la présidence de l’Union européenne. La chancelière, en fin de mandat, devrait avoir à cœur de proposer des réformes et d’attacher son nom à une avancée de l’histoire européenne. Elle contenterait ainsi enfin son sparring partner préféré, le président français Emmanuel Macron. On pourrait dire alors de l’union politique: Paris en a rêvé, Berlin l’a faite.

Une manière d’endiguer la politique de la BCE, qui donne des boutons aux juges de Karlsruhe, serait justement de permettre à la Commission d’agir à sa place pour voler au secours des pays les plus éprouvés économiquement par le COVID-19. Donc de doter celle-ci d’un budget plus conséquent lui permettant de mener une politique d’aide, de subventions plutôt que d’agir sur la dette. Le fonds de relance, en cours d’élaboration au sein des instances européennes, serait l’outil idéal pour ce changement de méthode et d’ambition. Annoncé à hauteur de 1000 milliards d’euros, il pourrait être encore augmenté.

Green New Deal, et nous et nous…  

C’est ici qu’il convient de s’intéresser à une autre petite phrase, prononcée par la présidente de la Commission. L’ancienne ministre d’Angela Merkel, Ursula von der Leyen, a précisé ses intentions post COVID-19: « Tôt ou tard, nous trouverons un vaccin contre le coronavirus. Mais il n’existe pas de vaccin contre le changement climatique. C’est pourquoi l’Europe doit dès maintenant investir dans un avenir propre.» Bruxelles s’active ainsi à la fois à lancer son fonds de relance pour aider les pays à faire face aux conséquences de la crise sanitaire sans perdre de vue l’objectif initial de la Commission annoncé lors de son entrée en fonction en décembre dernier, un Green New Deal, réorientant les soutiens européens vers la transition énergétique et le développement durable.  

Rattachés que nous sommes, nous autres Suisses, au marché unique, nous ne devrions pas perdre de vue qu’il risque de passablement évoluer. Une plus grande attention aux problèmes environnementaux sera raccord avec nos propres préoccupations. Mais de nouveaux standards, auxquels il faudra se conformer, pourraient émerger. Surtout, nous ne devrions pas zapper la dimension politique de la situation, comme nous en avons pris la fâcheuse habitude: une plus grande intégration politique au sein de l’UE, mobilisant plus de moyens financiers, aura un impact sur les relations bilatérales et le contenu de futurs accords. Pour continuer à profiter du marché des 27, et de quelques autres programmes de recherche ou de formation, il nous faudra payer plus, à l’image des membres du club, appelés à augmenter leurs contributions. Y-aura-t-il un conseiller fédéral pour prendre publiquement la mesure des récentes déclarations d’Angela Merkel et de Ursula von der Leyen, et les commenter positivement à l’intention de l’opinion publique helvétique?

Le risque de s’automarginaliser 

Dans l’approche de la relation avec l’UE, la Suisse est focalisée sur son propre calendrier interne: voter sur l’initiative de résiliation, lancée par l’UDC, en septembre, puis si l’écueil est surmonté, reprendre le dossier de l’accord-cadre, le signer, le faire adopter par le Parlement et convaincre le peuple et les cantons. On en a au minimum pour un an. Pendant ce temps, l’UE risque d’accomplir de nouveaux pas. Gare aux conséquences de notre sur-place: dans un mode post COVID, où les chaînes de production et les relations commerciales vont se redéfinir, nous devrions veiller à ne pas nous marginaliser nous-mêmes.  

*Article paru le 17 mai 2020 sur le site Bon pour la tête

L’Union et les mille milliards d’euros

Comme dans chaque période difficile, l’Union européenne est critiquée pour son impuissance. Pourtant, les 27 viennent de se mettre d’accord en un temps record sur un fonds de reconstruction d’une ampleur inédite. Ils sont soudés plus qu’il n’y paraît par leur marché intérieur. Et dans la géopolitique tourmentée qui nous attend, leurs divergences étalées au grand jour valent mieux que les mensonges chinois.*

Chaque nouvelle crise est l’occasion pour les détracteurs de l’Union européenne de clamer que celle-ci lui sera fatale. Le coronavirus ne fait pas exception bien que l’UE aurait déjà dû succomber à la crise financière, à la crise des migrants, à la montée du populisme et au Brexit.

Cette référence quasi constante à la crise fatale tient à plusieurs facteurs. Les plus chauds partisans de l’intégration du Vieux Continent dramatisent toujours les tensions afin d’encourager la Commission européenne et le Conseil européen à se montrer audacieux dans la résolution du problème. Ils sont certainement inspirés par la fameuse citation de Jean Monnet, l’un des pères de l’Europe, invoquée à chaque émergence d’un nœud gordien: «J’ai toujours pensé que l’Europe se ferait dans les crises, et qu’elle serait la somme des solutions qu’on apporterait à ces crises.»

Les pourfendeurs de l’UE voient évidemment les catastrophes comme le révélateur des dysfonctionnements de la machine communautaire. Pour eux l’UE, c’est-à-dire la coopération entre Etats, ne constitue jamais le bon instrument de gestion, puisqu’ils croient dur comme fer que toute difficulté se résout mieux tout seul dans son coin, à l’abri des frontières nationales, dans une affirmation tautologique du principe de souveraineté.

Dans ce procès en impuissance, l’UE souffre de la comparaison avec ses principaux concurrents géopolitiques: les Etats-Unis et la Chine. Elle n’est pas une seule nation, puisque composée de 27 Etats, mais on lui reproche de ne pas être aussi puissante que les deux autres.

Surprise comme tout le monde par le coronavirus, l’UE n’a pas eu d’emblée l’attitude parfaite que l’on attend toujours d’elle. Elle a d’abord étalé ses hésitations et ses différences d’appréciation de la situation, avant de serrer les rangs.

De quatre ans à quatre semaines

Pourtant, comme l’observe sur Twitter Enrico Letta, ancien président du Conseil italien, il y a un gros progrès depuis la crise de 2008. Avant que Mario Draghi n’indique en 2012 que la Banque centrale européenne ferait tout ce qui est nécessaire pour sauver l’euro, l’Union avait déjà enduré quatre ans de tortures sur les marchés financiers. Cette fois-ci, il n’a fallu que quatre semaines pour qu’elle se mette en ordre de marche, et lance un fonds de reconstruction doté de 1000 milliards d’euros. Une jolie performance, même si tous les détails ne sont pas arrêtés (les précisions de la Commission sont attendues pour le 6 mai).  Il y aura encore quelques batailles sémantiques, notamment sur l’usage du mot coronabonds, dérivé des eurobonds synonymes d’une mutualisation des dettes qui fait frémir les pays du Nord. Mais cahin-caha, à coups de subventions, de prêts et d’augmentation de leur budget commun, les Européens vont arriver à agir de manière coordonnée pour relever un défi qui n’est désormais plus seulement sanitaire, mais social et économique.

Sur ce point, la commission von der Leyen vient d’accomplir un grand pas avec la création du dispositif SURE de financement du chômage partiel dans les Etats-membres, doté de 100 milliards d’euros. Jusqu’ici toute avancée de l’Europe sociale avait été bloquée par les Britanniques. La commission a aussi autorisé les pays à accorder toutes sortes d’aides d’Etat à des secteurs en difficultés, alors que ce type de soutien direct est en général prohibé au nom de la concurrence.

Le ciment du marché intérieur

Vu de Suisse, où l’on devrait voter cet automne sur la poursuite de nos liens privilégiés avec l’UE, scellés par les accords bilatéraux, il n’est pas inutile de se demander pourquoi, malgré les réticences des Néerlandais et dans une bien moindre mesure des Allemands, la raison solidaire s’est imposée aux 27.

Si l’on anticipe une récession mondiale à la suite de la pandémie, alors chaque Etat doit se soucier de la solidité de ses relations commerciales. La Chine était l’usine du monde, mais la confiance aveugle dont jouissaient ses produits bon marché est perdue. La pandémie a montré que le régime n’est pas fiable, dans la gestion des risques comme dans la communication de données.

Les relations économiques vont se tendre avec la Chine. Elles n’étaient pas au beau fixe avec l’Amérique de Trump. Les Européens vont donc beaucoup compter sur la dynamique de leur propre marché intérieur pour conjurer l’apocalyptique récession qui s’annonce. Et leur marché unique ne pourra plus être la poule aux œufs d’or si trop de pays s’enfoncent dans la crise. Une image résume ce destin commun: les Néerlandais ont besoin de consommateurs au Sud pour écouler leurs tulipes.

Mais le marché intérieur, petite mondialisation à l’échelle continentale, a développé un autre effet: la chaîne de création de valeur y joue à saute-frontières, chaque pays ayant développé ses compétences dans un certain type de produits. Ainsi une fière voiture allemande comme Mercedes n’existerait pas sans les pièces usinées en Italie. Dans ce jeu de vases-communicants qu’est le marché intérieur, aider le voisin, c’est s’aider soi-même. Par idéalisme ou par réalisme, les Européens sont condamnés à se montrer solidaires.  

Priorités légitimées 

La pandémie est survenue à un moment où l’UE cherchait à réorienter ses priorités sur la sauvegarde de l’environnement et le développement du numérique. La crise du coronavirus légitime a posteriori ces axes de développement: après la catastrophe, il n’y a plus guère de doutes sur le fait qu’il faut relocaliser un certain nombre de productions stratégiques (y compris agricole), qu’il faut encourager les circuits plus courts de distribution, et qu’il faut promouvoir des technologies numériques compatibles avec la préservation des libertés individuelles. 

L’avantage d’une gouvernance multiple

Les comparaisons économiques et démographiques des analystes géopolitiques donnent souvent l’Europe perdue d’avance, pas assez innovatrice, trop vieille. Le Covid-19 met désormais en concurrence la manière dont les puissances gèrent la crise. Par rapport à la Chine et aux Etats-Unis, la comparaison systémique avantage l’UE, malgré tous les défauts que l’on prête à sa gouvernance multiple: personne ne se demande si elle ment, les statistiques sur le nombre de morts ou de personnes contaminées sont fiables (même si pas harmonisées), les erreurs d’évaluation y sont débattues ouvertement, la doxa officielle de tel ou tel responsable politique y est d’autant plus critiquée que les citoyens ont le loisir de comparer avec ce qui se passe chez les autres pays membres.  

Dans un mélange de stratégies coordonnées et de libertés laissées aux pouvoirs de proximité (les Etats-membres mais aussi les régions), l’UE démontre en même temps son caractère profondément démocratique, et la nécessité de partager les souverainetés pour gagner en efficacité. Contre les fléaux quels qu’ils soient, les démocraties, parce qu’elles n’ont pas peur de confronter les opinions et les solutions, sont toujours mieux armées que les pouvoirs centralisés et dictatoriaux.

*Article paru sur le site Bon pour la tête le 28 avril 2020

Réélection du Conseil fédéral: Ignazio Cassis peut-il dormir tranquille ?

Les résultats des élections fédérales de 2019 sont les plus spectaculaires depuis l’introduction de la proportionnelle il y a un siècle : vagues verte et féminine, reflux des nationaux populistes. On ne peut donc pas exclure que ce mouvement des plaques tectoniques de la politique suisse crée des répliques lors de l’élection du Conseil fédéral le 11 décembre. Certes l’UDC a dû attendre longtemps pour obtenir son second siège au gouvernement. Mais l’argument « il faudra confirmer la tendance gagnante » ne vaut guère pour les Verts. L’UDC disposait de longue date d’un siège, donc d’un vecteur d’influence. La revendication des Verts est légitime.  Le scénario le plus prisé jusqu’ici, et qui concerne en première ligne le Tessin, c’est que le conseiller fédéral Ignazio Cassis ne serait pas réélu et qu’un-e Vert-e prendrait sa place.

Regardons en profondeur « fino in fondo  » ce scénario pour mieux voir ce qui est vraiment possible.

Lorsque un parti veut attaquer un siège au Conseil fédéral, l’ordre de ré-élection compte. C’est plus facile de s’en prendre au dernier élu. Arrivé en 2017, le chef du Département des affaires étrangères n’est pas le dernier. S’il n’était pas réélu par les Chambres fédérales, ses partisans pourraient tenter de l’opposer à Viola Amherd, arrivée l’an dernier en même temps que Karin Keller-Sutter – on voit mal les libéraux-radicaux s’en prendre à leur autre conseillère fédérale.

Cela signifie que pour être sûr de ne pas être le dindon de la farce, le parti démocrate-chrétien demandera des garanties sur la réélection de sa ministre. Avant de participer à une attaque contre le PLR, il voudra peut-être aussi l’assurance que, lors de la répartition des départements, Viola Amherd ne sera pas lésée – c’est-à-dire condamnée à rester contre son gré au Département de la défense.

Mais admettons que le PDC puisse poser ses conditions, cela voudrait dire que l’élu vert à la place de Ignazio Cassis se retrouverait soit à la tête des affaires étrangères, soit à la tête de l’armée. Pour influencer la politique climatique, il y a mieux comme département. En l’occurrence, le Département de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication, où règne depuis un an la socialiste Simonetta Sommaruga. On voit mal la socialiste et son parti s’effacer pour faire plaisir à un-e Vert-e.

Pour que le ou la nouvelle élue puisse traduire dans les choix du Conseil fédéral la vague verte, il faudrait lui attribuer alors le département de l’économie, de la formation et de la recherche. Donc déloger Guy Parmelin, qui n’y brille guère, mais qui est tout de même un élu UDC, le parti qui demeure le premier de Suisse. Au coup contre le PLR s’ajouterait alors une crise majeure avec l’UDC, du même genre revanchard et quérulent que le parti a pratiqué après la non réélection de Christoph Blocher en 2007.

Ce scénario explosif suppose une alliance d’airain entre les Verts, les socialistes, les Vert’libéraux et les démocrates-chrétiens. Or, les nouveaux équilibres qui ont émergé des urnes ne signifient pas automatiquement qu’une coalition peut s’installer et durer.

Sorti revigoré des urnes, malgré quelques revers, le PDC voudra jouer son rôle d’arbitre, et ne pas se laisser figer dans un camp. La non réélection d’un PLR ou le déclassement d’un UDC marquerait une rupture profonde, avec des effets systémiques aux niveaux cantonal et communal.

Bref, pour tenir, une coalition anti-Cassis devrait comporter un volet programmatique, des engagements fermes sur un certain nombre de décisions à prendre au cours de la législature. Cela signifierait, avant le 11 décembre, un très intense travail de tous les présidents de partis et des chefs de groupes concernés. Tout ce petit monde voudra-t-il se lier les mains pour quatre ans ? Ceci n’est pas impossible, mais serait très inhabituel. La politique suisse connaîtrait alors un saut quantique.

Ignazio Cassis peut-il dès lors dormir tranquille ? Il y a encore d’autres objections à sa non-réélection. Premièrement, si on part du principe que l’on doit désormais traduire en décembre les résultats des élections d’octobre et novembre, alors il faudra le faire à chaque fois : la stabilité du gouvernement, qui passe pour une vertu, en prendra un sacré coup. Les candidats à la fonction suprême pourraient se faire plus rares : comment prendre le risque de se faire jeter au bout de 1 ou 2 ans ? A terme, les élections au Conseil fédéral en cours de législature disparaîtraient peu à peu. De valse lente un peu répétitive, la politique suisse se transformerait en tango mélodramatique.

Secundo, si on veut vraiment tenir compte du poids électoral des partis, alors ce devrait être le siège de Karin Keller Suter qui devrait être visé. Le PLR est en effet plus fort dans les régions latines qu’en Suisse alémanique. Mais il semble impensable de déboulonner celle qui paraît la plus capable d’assumer un leadership dans l’actuel collège.

Terzio, le développement durable, au nom duquel on interromprait le mandat du Tessinois,  comprend le principe d’une société inclusive qui ne maltraite pas les minorités, au nom de la diversité culturelle. La question latine, si importante en 2017, ne peut pas être gommée. Certes, sous la Coupole fédérale, Ignazio Cassis déçoit : sa politique étrangère s’inscrit en rupture avec la tradition humanitaire de la Suisse, le reset de la politique européenne a fait long feu. Mais son éviction après deux ans enverrait aux Tessinois un message scandaleux : vous ne comptez pas vraiment, votre représentation au plus haut niveau relève de l’anecdote.

Qui voudra vraiment prendre ce risque ?

Ce texte est paru en italien dans Il Caffè le 17 novembre 2019:

http://www.caffe.ch/stories/politica/64343_la_rielezione_di_cassis_non__in_pericolo/

 

 

La section vaudoise du NOMES, un terreau fertile

Commémorera-t-on l’an prochain le centenaire du vote d’adhésion de la Suisse à la Société des Nations (SDN), le 16 mai 1920? Le scrutin est fondateur, il permet de comprendre pourquoi la Suisse romande livre des résultats plus favorables à l’intégration européenne. Dans ce premier après-guerre mondiale, perçue alors comme la «der des ders», on s’enthousiasme pour le projet de paix universelle, articulé en quatorze points par le président américain Wilson. Les cantons romands plébiscitent l’adhésion à la SDN: 76% de oui en Valais, 76,7% dans le canton de Fribourg, 83% pour Genève, 84,8% pour Neuchâtel et même 93,2% dans le canton de Vaud! Sur le plan national, l’acceptation est plus mesurée à 56,3%. Le Tessin, Berne et les Grisons jouent un rôle décisif.*

En concurrence avec Bruxelles, Genève obtient le siège de la nouvelle organisation internationale, grâce aux bonnes relations personnelles entre le président Wilson et Gustave Ador, président du Comité international de la Croix-Rouge et conseiller fédéral. L’ancrage multilatéral de la Suisse, malgré sa neutralité, et malgré les vicissitudes que connaîtra ensuite la SDN, vient de là, tout comme la vocation de havre diplomatique de l’arc lémanique.

D’autres facteurs expliquent bien sûr les votes plus «ouverts sur le monde» des Romand·es: la tradition protestante, le souvenir du refuge, la francophilie, l’influence de certains conseillers fédéraux, une attitude décomplexée de minoritaire face au pouvoir.

Pour le canton de Vaud, mentionnons la présence à Lausanne de la Fondation Jean Monnet pour l’Europe, depuis 1978, qui promeut les valeurs de l’intégration européenne, indépendamment des échéances de la politique extérieure de la Suisse.

Sur la longue durée, le terreau romand, et vaudois en particulier, reste ainsi fertile pour les pro-européen·nes. A cet égard, on peut estimer que les sondages sont un trompe-l’œil: focalisés sur la question des bilatérales, ils font de l’adhésion à l’Union européenne (UE) une option en soi qui exclurait le ralliement à l’accord institutionnel. Gageons que si celui-ci devait capoter, et que de facto l’adhésion redevienne la seule alternative au repli nationaliste prôné par l’UDC, la flamme des Romand·es pour l’adhésion, endormie par le feuilleton des bilatérales, ressurgirait rapidement.

C’est consciente de cette histoire longue qu’œuvre la section vaudoise du Nomes. Elle privilégie un travail de sensibilisation en réseau. Elle organise quatre à six fois par année des déjeuners, lors desquels des personnalités vaudoises ou suisses sont interpellées sur leurs convictions européennes et/ou leurs connaissances d’une thématique liée à l’UE.

Les quelque 300 membres de la section sont naturellement conviés à ces rencontres, également ouvertes aux non-membres. Une collaboration s’est instaurée avec la Fondation Jean Monnet qui diffuse l’invitation à son propre réseau. Parmi les récent·es oratrices et orateurs, citons la rectrice de l’Université de Lausanne Nouria Hernandez, le professeur Etienne Piguet, spécialiste des migrations, ou Christophe Reymond, directeur du Centre patronal. Enfin, une fois l’an, le Nomes Vaud organise un forum qui offre l’occasion aux militant·es d’approfondir un thème complexe, de se forger des arguments afin de prendre part au débat public avec force.

Ce printemps, deux experts du populisme ont analysé le phénomène qui aura marqué l’année électorale, tant au niveau européen que national.

*Article paru dans le magazine europa.ch 2/2019