Salaire minimum: restez pauvres!

Cette semaine, l’avènement il y a un an du Pape François a été salué. Voilà un pape qui a décidé de s’appeler comme Saint-François d’Assise et de faire de la lutte contre la pauvreté son combat.

Qui connaît la vie du Saint né en Ombrie se souvient qu’il était issu d’une famille de marchands matériellement à l’aise avant de se sentir appelé à rénover l’église et à vouer sa vie aux plus démunis.

Le pape réussira-t-il à remettre la solidarité avec les plus faibles au centre des valeurs contemporaines ? C’est trop tôt pour le dire.

Mais ce défi n’est assurément pas celui d’un seul homme, fut-il Pape. C’est le moment de ses demander ce que nous faisons en Suisse pour lutter contre la précarité. Nous votons le 18 mai prochain sur l’introduction d’un salaire minimum de 4000 francs par mois.

Nous avons un système d’aide sociale qui empêche la misère, mais ces dernières années il a été beaucoup critiqué pour son coût et quelques cas d’abus. Les procédures et les contrôles sont plus sévères.

Cette évolution vers plus d’intransigeance constitue un argument en faveur du salaire minimum à 22 francs de l’heure. Lorsque l’on dispose d’un revenu correct, on a moins besoin de mendier des subventions, donc de se justifier, et de rentrer dans un système de dépendance aussi inquisitoriale qu’humiliante.

Que les collectivités aident, que les citoyens soient solidaires des plus pauvres via leurs impôts, c’est bien, c’est la marque d’un Etat moderne, mais le respect de la dignité, c’est encore mieux.

Dans la campagne en cours, il y a une chose insupportable, c’est d’entendre toutes sortes de gens, ministres cantonaux ou fédéraux, parlementaires, patrons, fonctionnaires de lobbies, experts,…. autant de personnes  qui gagnent très bien leur vie, souvent plus de 2,3,4,10 fois le salaire minimum indiqué par l’initiative,  expliquer qu’il serait dangereux pour l’économie suisse que ceux qui ne touchent par 4000 francs par mois soient payés mieux. Ils devraient être plus clairs et oser dire : vendeuses, sommelières, coiffeuses, femmes de chambre, restez pauvres !

Si les 330 000 personnes qui travaillent pour moins de 4000 francs par mois, dont deux tiers de femmes, voient leurs salaires augmenter, les besoins de financement de l’aide sociale seront moindres. Le café, la blanchisserie, la chambre d’hôtel coûteront un peu plus cher, et cela aura un impact sur le pouvoir d’achat des classes moyennes, dénoncent les experts et plein de gens qui ne savent pas ce que sait que de vivre avec moins de 4000 francs par mois. C’est vrai. Cet impact sera réel, mais minime, mais c’est le prix de la solidarité et de la dignité. Si le message du Pape François vous interpelle, faites en sorte d’y répondre avec votre bulletin de vote. 

* Texte paru dans Il Caffè, en italien. 

http://www.caffe.ch/stories/il_punto/46313_per_il_salario_minimo_impariamo_dal_papa/

Traité avec la Chine: deux poids deux mesures

Je ne suis pas sûre de bien comprendre l’attitude du Conseil national qui refuse d’ouvrir la possibilité d’un referendum facultatif sur le traité de libre-échange avec la Chine. Ce sont pourtant  les mêmes députés, outrés, qui ont refusé la Lex USA l’été dernier.

Je mélange tout? Je ne crois pas.

Face aux prétentions des grandes puissances, la Suisse devrait avoir un comportement plus cohérent. En cette année 2013, l’indignation de nos élus est vraiment trop « à géométrie variable ». 

L’été dernier la Lex USA était dénoncée comme une ingérence insupportable dans notre secteur bancaire. Les conditions de travail des Chinois qui produisent des biens que nous allons consommer ne nous sont pas moins indifférentes, tout comme le respect de certaines normes environnementales ou d’hygiéne. Le soucis de défendre nos valeurs et nos intérêts devrait être plus constant.

On peut parfaitement soutenir l’accord de libre-échange avec la Chine pour des motifs de raisons économiques. Mais pourquoi fermer d’avance tout débat populaire. Redoute-t-on de ne pas savoir convaincre?

Les Suisses discutent à intervalles réguliers des règles du grand marché européen, pourquoi seraient-ils incompétents pour se prononcer sur l’accès au méga-marché chinois?

Un tel accord de libre-échange a évidemment une nature politique, comme notre arrimage aux 28 pays de l’Union européenne. Choisir avec qui et comment on commerce est éminement un choix politique. Au moment où la planète rend hommage à Nelson Mandela et où les Suisses s’interrogent sur le soutien de certains milieux économiques au régime de l’apartheid, est-il nécessaire de l’expliquer?

La neutralité économique n’existe pas.

Servir la Suisse

On votera en septembre sur l’abrogation de l’obligation de servir. Un beau débat en perspective. Personnellement, j’aime beaucoup l’obligation de servir, j’aime l’idée que notre état nous doit protection et assistance, mais que nous lui devons aussi respect, loyauté et participation.

Pour défendre l’obligation de servir, il sera abondamment dit que c’est un pilier de la société suisse, le décalque du système de milice. Cela a été peut-être vrai par le passé, mais cet argument souffre d’un gros défaut : la moitié de la population – les femmes comme moi – est exclue. Et transformer nos maternités et le temps que nous consacrons à l’éducation des enfants en équivalent de l’obligation de servir est une autre idée fallacieuse : il est loin le temps où il fallait produire de la chair à canon.

L’obligation de servir réduite à l’armée est très trompeuse. Si l’on prend en considération 100 jeunes de 20 ans vivant en Suisse, il y a 40% de femmes, 19% d’étrangers, 9% d’inaptes au service, 9% qui choisissent le service civil, 7% qui vont à la protection civile, et donc plus que 16% de recrues. Dans ces très maigres 16%, il faudrait encore savoir combien terminent leur école, et aussi quelle est la part des jeunes naturalisés.

L’obligation de servir est donc déjà morte, bien que la Constitution la stipule. Il faut donc réfléchir à une autre forme d’engagement pour le pays. Il y a tant à faire: des aides aux anciens ou aux populations fragilisées, des travaux d’utilité publique en faveur de l’environnement… Le service à la communauté pourrait se dérouler dans une autre région linguistique pour amener tous les jeunes, hommes et femmes, à pratiquer les autres langues nationales concrètement. Un investissement exceptionnel dans la cohésion nationale.

Un politicien, très prometteur, le jeune conseiller d’Etat genevois Pierre Maudet, porte cette proposition depuis plusieurs années, mais il n’a pas été écouté. Jusqu’ici tous les débats bernois sur le sujet ont buté sur le mythe de l’obligation de servir l’armée seulement. L’instauration du service civil a certes ouvert le jeu, mais sans étendre la réflexion aux besoins de l’ensemble de la société, et bien sûr, sans englober les jeunes femmes.

Les sondages donnent le Groupement pour une Suisse sans armée, qui a lancé l’initiative, perdant. A quand un vrai lobby pour une Suisse au bien de laquelle tous les jeunes de 20 ans apportent leur contribution?

*texte paru en italien dans Il Caffé du 21 juillet