Vignette à 100 francs: pourquoi il faut suivre Doris Leuthard

C’est confirmé, on votera le 24 novembre sur le passage du prix de la vignette de 40 à 100 francs. Le référendum a été signé par plus de 100 000 mécontents. Cette colère impressionne. Elle témoigne du sentiment éprouvé par maints automobilistes d’être des «vaches à lait», toujours appelés à payer plus pour rouler moins bien, mais aussi d’une érosion du pouvoir d’achat des classes moyennes que la statistique et les doctes études d’Avenir Suisse ne captent guère.

Dès lors, la question fuse, un brin assassine: Doris Leuthard, la conseillère fédérale la plus populaire du pays, a-t-elle perdu d’avance cette votation? On ne prendra pas ce pari.

D’abord, la cheffe du Département de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication est pugnace. C’est une ministre qui ne roule pas à l’économie lorsqu’il s’agit de faire campagne. Elle s’engage à fond, et dispose d’une réelle capacité de conviction. Ce printemps, la LAT (loi sur l’aménagement du territoire) a été approuvée par 63% des votants. Tous les cantons, sauf le Valais, ont dit oui à l’Argovienne.

Sur le fond, Doris Leuthard pourra pointer les incohérences du regroupement hétéroclite qui combat sa proposition. Face à elle, il y aura en effet les «docteurs Yaka», emmenés par l’UDC, qui veulent que chaque franc versé au compte routier retourne au bitume, et une autre sorte de «docteurs Yaka», fondamentalistes écologistes, qui contestent au contraire la nécessité d’investir le moindre centime supplémentaire pour les chaussées.

La conseillère fédérale pourra aligner maints arguments rationnels et raisonnables. La nécessité de dégager des moyens additionnels pour entretenir et développer les réseaux routiers et ferroviaires se fait chaque jour plus urgente.

Pour le rail, le besoin de financement, actuellement de 4 milliards de francs par an, va monter à 5 milliards jusqu’en 2030. Pour la route, le montant annuel des travaux d’entretien et d’extension du réseau national est de 3,8 milliards, mais le produit des taxes censé le couvrir

ne cesse de diminuer, d’où la nécessité de revoir le prix de la vignette, mais aussi la surtaxe sur les huiles minérales. Si rien n’est entrepris, les routes auront une lacune de financement estimée entre 1,1 et 1,2 milliard de francs par an pour la période 2016-2030.

Manifestement, les enveloppes budgétaires actuelles ne suffiront pas pour supprimer les bouchons routiers et les trains bondés.

La Suisse sort d’une décennie pendant laquelle non seulement ses collectivités publiques (Confédération et cantons) se sont désendettées, mais où les impôts ont été baissés. Il est donc assez logique que l’argent manque pour développer les infrastructures à la hauteur des

besoins d’une population et d’une économie en pleine croissance.

Soyons conséquents: préférons-nous relever les taxes ou les impôts?

L’augmentation de la vignette est certes spectaculaire, mais même au tarif de 100 francs, le coût journalier pour emprunter les autoroutes restera inférieur à 30 centimes. Alors que les péages aller et retour vers les plages italiennes ou françaises dépassent allégrement le montant contesté.

Enfin, la démocrate-chrétienne pourra jouer la carte romande. Les nouvelles recettes de la vignette seront notamment affectées à l’amélioration des tronçons suivants: Martigny-Expo – jonction du col du Grand-Saint-Bernard, Morat – Thielle, Delémont-Est – Hagnau, et Neuchâtel – Le Locle-Col des Roches. Auxquels est venu s’ajouter le contournement de Morges. Du très concret face aux référendaires qui prétendent raser gratis.

* Chronique parue dans L’Hebdo le 18 juillet 2013