Si elle pouvait influencer les élections européennes de ce dimanche, que devrait se souhaiter la Suisse ?
Levons une illusion: un trop gros poids des populistes dans le futur hémicycle de Strasbourg n’aidera pas nos affaires. Les nationalistes n’aiment pas les privilèges concédés à d’autres pays que le leur, et la Suisse, comme l’a montré une récente étude de la Fondation Bertelsmann, profite du marché unique plus que certains états membres !
Nous avons tout intérêt à un statu quo voire à un glissement à gauche. Le parlement européen fonctionne grâce à une ample majorité de chrétiens sociaux et de sociaux démocrates. Même s’ils ne sont de loin pas d’accord sur tout, les groupes du PPE, des socialistes et des Verts partagent un même idéal de faire avancer l’Union. Nos partis suisses sont connectés à ces grandes familles politiques de droite et de gauche. Ces liens nous sont utiles, ils permettent d’être informés et de faire remonter des messages. Une victoire écrasante des populistes nous priverait de ces contacts ou les rendrait moins opérants.
Mais pourquoi nous souhaiter que le parlement vire à gauche – ce qu’aucun sondage ne laisse penser compte tenu de l’affaiblissement des partis socialistes français et italiens ? Parce que ce qui sera essentiel pour nous, c’est la personnalité du nouveau président de la commission européenne. On s’attend à ce que le successeur de Jean-Claude Juncker soit Manfred Weber, tête de liste pour le PPE. Or ce Bavarois ne nous aime pas du tout. Il considère les Suisses comme des pique-assiettes. Il ne parle qu’allemand et anglais et n’a pas d’expérience gouvernementale. En face, le «Spitzenkandidat» des sociaux-démocrates, le néerlandais Frans Timmermans parle sept langues et a été ministre des affaires étrangères. Il a une plus grande expérience internationale et pourrait avoir plus de compréhension pour la position singulière d’un petit pays. Comme vice-président de la Commission, il a été un proche de Juncker et se souviendra des égards que le Luxembourgeois avait pour nous.
Mais, il se dit que les chefs d’Etat et de gouvernement pourraient vouloir choisir eux-mêmes le président de la Commission. Emmanuel Macron estime que le système des Spitzenkandidat a déçu. Ceux qui croient que le président français pourra imposer son point de vue misent sur Michel Barnier. En charge du Brexit, Barnier a beaucoup impressionné les Européens. Ce Savoyard connaît bien la Suisse, mais après s’être montré intransigeant avec les Britanniques, il risque d’être agacé par un Conseil fédéral qui semble ne pas savoir s’il veut ou non de l’accord-cadre, patiemment négocié pour fluidifier les relations entre la Confédération et les 27.
Dans tous les cas, ce que nous devons nous souhaiter en ce dimanche de vote continental, c’est que les élus soient déterminés à préserver la qualité de vie des Européens, c’est-à-dire de donner un cours plus social, environnemental et démocratique à l’UE, et que, galvanisés par la perspective de tenir tête aux Américains, aux Russes et aux Chinois, ils se souviennent que les Suisses partagent avec eux une communauté de valeurs et de destin. Il serait injuste de nous traiter comme n’importe quel état-tiers alors que nous sommes la meilleure preuve historique que le mariage de minorités culturelles et linguistiques dans un plus grand ensemble peut fonctionner durablement.
- Article paru en italien sur le site Il Caffè le 26 mai 2019 http://epaper2.caffe.ch/ee/ilca/_main_/2019/05/26/002/