– 06. décembre 2007
Ausgaben-Nr. 49, Page: 26
Une formalité ou un coup de théâtre? Comment se déroulera la réélection des sept membres du gouvernement? « L’Hebdo» présente le casting, les scénarios et même quelques bonus inédits.
C’est le dernier acte d’une trop longue campagne. Le 12 décembre prochain, l’Assemblée fédérale désignera les sept conseillers fédéraux pour la 48e législature depuis 1848. D’habitude, le rituel fastidieux qui voit se succéder les scrutins individuels à bulletins secrets occupe deux petites heures du deuxième mercredi de la première session des Chambres fédérales réunies, sans autre intérêt que de gloser sur le score mérité ou irrévérencieux dont on gratifie tel ou tel candidat. Mais, depuis le 10 décembre 2003, depuis l’éviction de Ruth Metzler et surtout l’avènement de Christoph Blocher, il n’y a plus d’habitudes qui tiennent en politique. L’ébranlement de la formule magique gouvernementale, qui avait tenu quarante-quatre ans, ne peut rester, considéré de manière systémique, sans réplique. Ou du moins sans tentatives de réplique.
Car, c’est le paradoxe. Depuis une année, tout ce que la Berne fédérale comprend d’acteurs, d’observateurs, d’initiés et de bavards divers s’accorde sur un point: il ne se passera rien. Impression renforcée par le résultat des élections fédérales: le rapport de force gauche-droite au Parlement ne s’est pas fondamentalement modifié. Il n’empêche, depuis des mois, la réélection de Christoph Blocher fait débat et suscite, dans un brouillard savamment entretenu, contre-propositions et scénarios alternatifs plus ou moins sérieux, et même, c’est nouveau et inquiétant, des théories du complot. Dans ce tourbillon, l’affaire Roschacher n’a pas constitué l’arme décisive pour faire tomber le tribun. Le choix d’élire ou de ne pas réélire un conseiller fédéral reste avant tout un acte politique, laissé à la libre appréciation des 246 grands électeurs. Ce n’est ni une obligation polie ni une fatalité, mais une responsabilité. Tout en élaborant de nombreux scénarios pour se faire peur, les parlementaires semblent remettre à plus tard l’heure d’un vrai choix. Le grand chambardement du Collège aura lieu lors de prochaines vacances, attendues en cours de législature, alors que rien n’oblige un conseiller fédéral à partir tant qu’il ne le décide pas lui-même. Quoi qu’il en soit, le script final ne sera révélé que le 12 décembre vers midi et, d’ici là, le suspense reste entier. | scénographie Dans le rôle du metteur en scène, l’Assemblée fédérale: 246 parlementaires qui ne se sont pas encore mis d’accord sur le scénario.
Un dossier réalisé par Michel Guillaume, Pierre-André Stauffer, Chantal Tauxe et Julie Zaugg
Moritz Leuenberger
Il promettait tant, et il n’a rien donné
61 ans
Elu au Conseil fédéral le 27 septembre 1995
Le socialiste zurichois était entré au Conseil fédéral sur un tapis de grâces, légèrement planant, radieux visage de l’urbanité en marche. Avec lui, on allait voir ce qu’on allait voir: le triomphe de la jeunesse, l’accent mis sur la défense des villes, l’adieu aux campagnards qui empêchent la Suisse de bouger. En réalité, personne n’a rien vu. Personne n’a rien entendu, ou alors des murmures, des pensées délicates susurrées par un intellectuel, qui répugne à fréquenter les bas-fonds de la politique quotidienne. Visage fermé comme un verrou sur une anxiété. Ses visions ne sont que brouillard coloré devant deux yeux à moitié fermés. Même son histoire de taxe CO2 ne convainc pas. Non qu’elle soit forcément condamnable. Mais comment voulez-vous croire à ce que Moritz Leuenberger cherche à défendre?
Et pourtant, c’est le ministre qui détient dans son département toutes les clés de l’avenir du pays: transports, énergie, communication, défense de l’environnement. Le plus faible de tous les ministres en charge des responsabilités les plus importantes. Il faut être Suisse pour s’y résigner. Il a bel et bien accompagné quelques réformes structurelles importantes, notamment La Poste, les télécommunications et les chemins de fer, mais justement il n’a rien fait de plus que de les chaperonner. Comme le montre sa manière de se cramponner au pouvoir, il se croit irremplaçable. Il serait temps que les Chambres lui prouvent le contraire. |
Pascal Couchepin
Le rempart
65 ans
Elu au Conseil fédéral le 11 mars 1998
L’un des premiers candidats au Conseil fédéral, sinon le seul, qui a osé, sans vaines précautions oratoires, étaler ses ambitions gouvernementales. En Valais, il a mûri dans l’opposition au PDC, l’ennemi héréditaire, mais depuis quelques années déjà, en véritable précurseur, il plaide pour un rassemblement au centre des forces de droite non conservatrices, mouvement qui devrait conduire à terme à une fusion entre radicaux et démocrates-chrétiens. Au Conseil fédéral, il marche sur la crête d’une autorité parfois insolente, avec la sûreté d’un vieil équilibriste. Une pensée lucide, d’une intelligente férocité. D’abord ministre de l’Economie, Pascal Couchepin a repris en 2003 le Département de l’intérieur après la démission de Ruth Dreifuss. Un bilan honorable dans les deux ministères, surtout dans le second où, malgré quelques échecs et une impopularité grandissante, il a imposé une politique de la santé et de la culture, où jouent aussi les forces du marché. Responsable de l’Education, il a réussi à conduire une réforme ambitieuse, quoique difficile, des hautes écoles.
Mérite sa réélection, ne serait-ce qu’à cause d’une personnalité hors du commun, rempart de la droite libérale contre les dérives de la droite conservatrice et ultranationaliste. |
Samuel Schmid
Préservons- nous des UDC trop accom- modants
60 ans
Elu au Conseil fédéral le 6 décembre 2000
Antiblochérien, consensuel, il tire sa légitimité d’avoir été choisi par tous ceux qui rêvent de roses sans épines, de politique sans confrontation et d’un tigre UDC à qui l’on aurait enlevé toutes ses griffes. Pas d’élan, aucune chaleur, la pochette blanche du notable. Elu il y a sept ans par défaut, parce que l’Assemblée fédérale a récusé les deux candidats officiels de l’UDC, soupçonnés de blochérisme avancé.
Prédécesseur de Samuel Schmid à la Défense, Adolf Ogi voulait réorienter l’armée sur l’étranger, en faire une initiatrice de sécurité à l’extérieur des frontières suisses, là où naissent et perdurent les conflits. Une véritable révolution culturelle que Samuel Schmid, pressé par son parti et les casques à boulons de l’armée, a cherché à ralentir. Avec toute la force d’inertie dont il est capable. Opération réussie, dans la mesure où personne ne sait plus vraiment, aujourd’hui, à quoi sert encore l’armée et ce qu’elle tente de faire. Samuel Schmid ressemble à un général qui aurait horreur de prendre des décisions sur le champ de bataille. Sous ses yeux, ses propres généraux, Keckeis et Fellay, se sont entre-égorgés avant qu’il ne comprenne ce qui se passait vraiment. Relique d’une époque révolue, curiosité archéologique d’une civilisation disparue, celle d’une UDC agrarienne, terrienne et modérée, il profite indûment du triomphe électoral de Christoph Blocher. Il serait temps qu’il s’en aille. |
Micheline Calmy-Rey
Et si elle se repliait sur les Affaires intérieures?
62 ans
Elue le 4 décembre 2002
Un ministre suisse des Affaires étrangères de modèle courant a la sagesse de ne rien dire qui soit suffisamment précis pour être critiquable. Toujours plus ou moins au garde-à-vous, avec l’air de retenir son souffle, comme s’il craignait de faire tomber un bibelot. Avec la socialiste genevoise, intronisée cheffe de la diplomatie helvétique après le retrait de Joseph Deiss, un grand vent a soufflé, et les fenêtres du département ont claqué. On a presque eu l’impression que la politique étrangère suisse commençait enfin à exister. Mais, contrairement à certaines attentes, elle ne s’et jamais montrée outrageusement proeuropéenne. Ce n’est assurément pas sous sa direction que l’adhésion reviendra au goût du jour. Dans le dossier sur la fiscalité des entreprises, elle a toujours été aussi étroitement patriotique que le ministre radical des Finances, Hans-Rudolf Merz. Le patriotisme est devenu d’ailleurs sa grande affaire, presque son leitmotiv, depuis l’épisode du Grütli, où elle l’a pratiquement réinventé en public, fermant du même coup le mausolée blochérien où il reposait depuis trop longtemps. Mais son influence sur les affaires intérieures du pays reste marginale.
Peut-être devrait-elle mettre son audace et sa ténacité au service d’autres combats, dans un autre département. Quitter le DFAE ne serait pas un désaveu, plutôt l’occasion de rebondir et d’agir pour le bien «des Suissesses et des Suisses», selon l’une de ses expressions favorites. |
Christoph Blocher
Vainqueur en sursis
67 ans
Elu au Conseil fédéral le 10 décembre 2003
Elu à la suite d’un ultimatum, «ce sera moi et, si vous ne voulez pas de moi, l’UDC entrera dans l’opposition», Christoph Blocher a très vite montré qu’il resterait toujours un chef de bande. Mieux: une figure idéologique si parfaitement identifiée à son parti que celui-ci fonctionne comme une caisse d’enregistrement où les conversations du chef avec lui-même se poursuivent sur une base plus large. La droite libérale, qui a contribué à l’élection de Christoph Blocher en 2003, pensait naïvement le neutraliser en l’intégrant. Toute la législature démontre le contraire. Christoph Blocher n’est pas neutralisable. Son accès au gouvernement ne l’a pas rendu plus sage, ni plus respectueux des institutions. Ses contacts avec l’étranger ne l’ont pas rendu plus réceptif à la complexité du monde, ni ont atténué sa méfiance à l’égard de la construction européenne. Parle de lui à la troisième personne, comme Alain Delon, ce qui n’est jamais bon signe. Il n’est peut-être pas xénophobe, mais il en a les accents. Disons plutôt qu’il sait quand il faut l’être un peu, ou un peu moins. Question de circonstances. A la tête du Département de justice et police, il n’a rien fait, ou alors très peu, sous prétexte de fédéralisme, pour renforcer la sécurité intérieure du pays.
Un homme du passé qui n’imagine le monde et son pays que palissadés de frontières nationales. Une écharde dans la chair de la politique suisse. Cet homme est dangereux, il faut s’en débarrasser. |
Hans-Rudolf Merz
Bonsaï émancipé
65 ans
Elu au Conseil fédéral le 10 décembre 2003
Elu par la droite le même jour que Christoph Blocher, ce comptable rigoureux et lettré sorti des profondeurs radicales appenzelloises n’est pas le «bonsaï», comme on l’a dit, de l’UDC zurichois. Au contraire, le chef du Département des finances s’en distancie volontiers. La preuve, les attaques dont il est périodiquement victime dans les colonnes de la Weltwoche, connue pour son dévouement à la cause blochérienne. Un jour, Hans-Rudolf Merz s’est estimé suffisamment fâché pour réagir en pleine séance du Conseil fédéral. Christoph Blocher s’est contenté de regarder ses chaussettes, en feignant de penser à autre chose.
Hans-Rudolf Merz a réussi ses deux programmes d’assainissement des finances fédérales, mais celui que l’on croyait être son directeur de conscience lui reproche sans cesse de laisser courir les dépenses et de faire traîner depuis deux ans la redéfinition des tâches de l’administration.
On n’est pas totalement convaincu de la pertinence de sa réélection. Mais il mérite qu’on n’identifie plus sa cause à celle d’un homme qu’il a appris à détester. |
Doris Leuthard
De quel bois se chauffe-t- elle?
44 ans
Elue au Conseil fédéral le 14 juin 2006
Les fruits n’ont pas vraiment suivi la promesse des fleurs. L’Argovienne était une star lorsqu’elle présidait le PDC, elle ne l’est plus qu’à moitié depuis qu’elle s’est mise à l’exercice ingrat des responsabilités gouvernementales, suite à la démission inopinée de Joseph Deiss. Bien sûr, elle a réalisé de l’excellent travail dans ses tentatives répétées de promouvoir les femmes dans l’économie, comme dans sa volonté de mieux concilier vie privée et professionnelle, mais très franchement c’est le moins que l’on pouvait attendre d’elle.
Accepter unilatéralement le principe du Cassis de Dijon était sans doute une erreur. L’objectif, sans doute, était louable – faire baisser les prix -, L’écologiste vaudois, qui vient de faire son entrée au Conseil des Etats, se présente contre Christoph Blocher «au nom de la défense des valeurs républicaines». Il a estimé – citant Kant – que chasser Blocher du gouvernement était «un impératif catégorique». Il s’agit aussi d’inciter un démocrate-chrétien à sortir du bois; dans ce cas, il a déjà annoncé qu’il s’effacerait.
Cet avocat, ingénieur EPFL, qui siège au Conseil d’administration de la Banque cantonale vaudoise, a un parcours politique original. Il a milité dans les rangs d’Alternative socialiste verte dès 1989. C’est sous cette étiquette qu’il a été élu au Grand Conseil vaudois et à la Municipalité de la très bourgeoise commune de Jouxtens-Mézery en 1990. Vert depuis la fusion de son mouvement avec le Groupement pour la protection de l’environnement en 1997. |
mais en même temps il équivalait à faciliter la vente des produits européens en Suisse, sans contre-partie reconnue pour les produits suisses vendus en Europe.
On ne sait pas de quel bois la cheffe du Département de l’économie se chauffe, on suppute qu’elle n’ose pas vraiment entrer en conflit avec ses collègues ministres, Blocher en particulier. Elle a moins de scrupules à heurter les Romands, comme on l’a vu dans les dossiers des HES et l’arrêté Bonny.
Il vaut la peine de lui laisser le temps de s’affirmer. Donc de la réélire. |
Luc Recordon
La brèche Verte
52 ans
Candidat officiel des Verts au Conseil fédéral
L’écologiste vaudois, qui vient de faire son entrée au Conseil des Etats, se présente contre Christoph Blocher «au nom de la défense des valeurs républicaines». Il a estimé – citant Kant – que chasser Blocher du gouvernement était «un impératif catégorique». Il s’agit aussi d’inciter un démocrate-chrétien à sortir du bois; dans ce cas, il a déjà annoncé qu’il s’effacerait.
Cet avocat, ingénieur EPFL, qui siège au Conseil d’administration de la Banque cantonale vaudoise, a un parcours politique original. Il a milité dans les rangs d’Alternative socialiste verte dès 1989. C’est sous cette étiquette qu’il a été élu au Grand Conseil vaudois et à la Municipalité de la très bourgeoise commune de Jouxtens-Mézery en 1990. Vert depuis la fusion de son mouvement avec le Groupement pour la protection de l’environnement en 1997. |
candidat surprise
Y aura-t-il à la dernière minute un candidat surprise pour attaquer le siège de Christoph Blocher? Outre une improbable candidature UDC dissidente et sollicitée, deux noms sont cités: celui du conseiller aux Etats fribourgeois Urs Schwaller (55 ans), chef du groupe, et celui du conseiller national valaisan Christophe Darbellay (36 ans), président du parti. En osant ce Blitzkrieg, Urs Schwaller aurait de bonnes chances d’être élu, et un risque non négligeable de casser son image de parfait parlementaire, en cas d’échec. Christophe Darbellay a un profil plus joueur, il est jeune, et aurait le temps de rebondir pour être candidat lors du départ de Pascal Couchepin, ou en 2011 ou en 2015? |
Les scénarios
En six titres de films, ce qui pourrait se passer le 12 décembre.
La réélection du Conseil fédéral est un rituel à nul autre pareil. On ne trouve pas une autre démocratie où les grands électeurs choisissent les ministres en fonction de leur ordre d’ancienneté et constituent l’équipe gouvernementale au cours de sept scrutins successifs à bulletins secrets, sans s’inquiéter de la compatibilité de leurs projets politiques.
Ce déroulement rend le système autobloquant. Il est difficile de sanctionner ou de démettre un ministre sans avoir soigneusement préparé la man?uvre. Il faut compter les voix, et donc informer et consulter plusieurs dizaines de conjurés en toute discrétion. Tout coup d’éclat menace même de se retourner contre ses auteurs. Dès le tour suivant, le groupe parlementaire dont le candidat aurait été éconduit peut se venger en attaquant un autre siège. En cas d’attaque contre Christoph Blocher, les deux suivants, Hans-Rudolf Merz et Doris Leuthard pourraient être menacés. A contrario, les premiers dans l’ordre protocolaire Moritz Leuenberger, Pascal Couchepin et Samuel Schmid, dont la non-réélection a parfois été évoquée, ne risquent pas grand chose.
En 1983, la droite avait réussi à refuser la candidate officielle des socialistes, Lilian Uchtenhagen, pour placer dès le premier tour Otto Stich. La preuve historique qu’une surprise reste toujours possible. Mais depuis cette lointaine époque, il n’est pas certain que l’extrême médiatisation autour de la réélection de Christoph Blocher autorise encore pareille audace.
Ce qui est sûr, c’est que pour avoir une chance de réussir, le tir contre le ministre agrarien devrait être affûté en secret, et dévoilé à la dernière minute. A Berne, nombre de parlementaires veulent conclure de ces considérations techniques qu’«il ne se passera rien». Tous les partis se tiennent. D’autres ne désespèrent pas d’écrire l’histoire. Inventaire des scénarios possibles.
Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil
Les sept membres sortants du collège sont réélus. Christoph Blocher fait un score médiocre, mais il est tout de même désigné à la vice-présidence du Conseil fédéral. Un vieux parlementaire radical justifie ce choix en évoquant le cas d’Elizabeth Kopp: la Zurichoise avait été élue à la vice-présidence, ce qui n’avait pas empêché sa démission quelques jours plus tard. Machiavélique, il ajoute que «Christoph Blocher a une année pour prouver qu’il est digne d’être président, donc il devra faire profil bas».
La Chancellerie échoit à la démocrate-chrétienne Corina Casanova. Le grand chambardement au sein du collège est remis à plus tard. Les spéculations commencent sur une triple vacance en cours de législature.
Cette journée ordinaire sous la Coupole a les faveurs de la cote.
Les pleins pouvoirs
Le triomphe de l’UDC est total. La candidature verte de Luc Recordon n’a même pas fait le plein des voix à gauche, Christoph Blocher a été réélu tout comme ses collègues. L’UDC place également Nathalie Falcone-Goumaz à la Chancellerie. Commentant son accession à la vice-présidence, Christoph Blocher ironise: contrairement à d’autres, il ne tient pas tant que cela à être président de la Confédération en 2009, car en Suisse c’est le peuple qui est souverain.
Le PDC a choisi son camp, personne ne pourra lui instruire un procès en gauchisme, comme le redoutaient certains de ses dirigeants s’ils avaient cédé aux appels de la gauche. Les radicaux craignent désormais de perdre un siège lorsque Pascal Couchepin décidera de s’en aller, mais il se murmure que le parti a obtenu des garanties de loyauté de l’UDC.
Ce scénario a un défaut pour de nombreux parlementaires, il fait la part trop belle à l’UDC. La chancellerie en chantilly s’est décidément beaucoup pour un parti qui n’a pas le triomphe modeste.
Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages
Les sept sont réélus, mais Christoph Blocher n’est pas désigné pour la vice-présidence. La Chancellerie a aussi échappé à l’UDC. Le parti agrarien encaisse sans trop faire d’histoires.
Ce scénario ménage une certaine conception du respect de la volonté populaire (l’UDC est en suffrages le premier parti de Suisse et a droit à deux conseillers fédéraux) et la volonté de nombre de parlementaires de ne pas passer pour des béni-oui-oui face à un ministre qui n’a pas ménagé ses critiques contre le Parlement, et a osé critiquer à Ankara une loi votée par le peuple suisse.
Ce scénario est d’autant plus prisé que l’élection à la vice-présidence est la dernière de la journée.
L’?uf du serpent
Les sept sont réélus, mais Blocher n’est pas désigné pour la vice-présidence. La Chancellerie a aussi échappé à l’UDC. Le chef du Département de justice et police ne parvient pas à cacher sa déception et réagit très mal à l’affront. L’UDC annonce qu’elle pratiquera une politique d’opposition dure. On se demande si Blocher va démissionner.
Certains ont esquissé ce scénario qui révélerait au grand jour le vrai visage de Christoph Blocher, revanchard. Mais, mardi dans les pas perdus du Palais fédéral, Yvan Perrin assurait: «La non-élection de Blocher à la vice-présidence du CF? Ce n’est pas une préoccupation majeure pour l’UDC. Blocher n’en fera pas une jaunisse.»
Pour qui sonne le glas
Les chambres fédérales ont osé mettre fin à la concordance mathématique au profit d’une concordance politique. Christoph Blocher n’a pas été réélu. C’est Christophe Darbellay qui a mené l’assaut victorieux, après le retrait du Vert Luc Recordon. Scellée dans le plus grand secret depuis des mois, l’alliance entre la gauche, le PDC et la majorité du groupe radical se révèle aussi programmatique. Le front républicain a trouvé des points d’accord minimaux sur la poursuite de la voie bilatérale, l’assainissement de l’AI, et l’âge de la retraite. La Chancellerie a aussi échappé à l’UDC.
L’UDC annonce son départ dans l’opposition. Samuel Schmid reste en place.
Ce scénario des anti-blochériens a peu de chances de devenir réalité. Il n’est pas certain que l’entier du groupe PDC se soude derrière un candidat surprise, et qu’assez de radicaux dissidents s’y rallient. Mais sur le papier, il est jouable, et c’est bien ce qui embarrasse le PDC qui ne pensait pas si tôt se retrouver maître du jeu.
Le jour le plus long
L’Assemblée fédérale a préféré un candidat surprise à Christoph Blocher. L’UDC demande une suspension de séance, qui lui est accordée. Une interruption peut en effet être demandée par n’importe quel membre des Chambres fédérales ou décidée par le président du Conseil. Le groupe UDC, auquel appartiennent tant le président du Conseil national que celui du Conseil des Etats, ne réintègre pas la salle. La confusion est totale. L’élection des trois derniers membres du collège n’a pas lieu.
Ce scénario chaotique est le plus invraisemblable de tous. Mais compte tenu du flou réglementaire, il ne peut être totalement exclu. | CT