Le 9 février, je rigole

Il y a deux ou trois éléments de langage des promoteurs de l’initiative de l’UDC contre l’immigration de masse qui m’énervent.

Je préviens. Ceux que ça énerve d’avance que ça m’énerve devraient peut-être cesser la lecture ici.

«L’UDC seule contre tous»

D’abord l’UDC n’est pas seule à soutenir son texte, il y a aussi la Lega dei Ticinesi, les Verts tessinois, l’ASIN…

Mais, la liste des gens qui s’y opposent est impressionnante, lisez-la ici.

Il conviendrait peut-être d’imaginer que l’UDC se trompe si autant de gens, qui vont des boulangers aux chercheurs en passant par tous les gouvernements cantonaux, repoussent sa proposition.

«L’UE n’osera pas rompre avec la Suisse»

C’est probable, car il est fort douteux qu’elle prenne le temps d’y penser.

«Si l’initiative est acceptée, ce ne sera pas la catastrophe»

Si on entend par catastrophe une sorte de tsunami qui engloutirait la Suisse le 10 février à midi de Romanshorn à Genève, alors oui, certes, elle n’aura pas lieu.

Mais ce 10 février sera un peu comme la chute de Rome. Les vandales avaient pris possession de la ville et de l’empire, mais les gens ont continué à vivre, naître, aimer, travailler,…  Ce n’est que bien plus tard que les historiens ont mis une césure. Les habitants de l’époque avaient le sentiment que l’empire continuait autrement : rien ne s’est arrêté, mais tout était en train de changer sans que les contemporains s’en aperçoivent.

«La catastrophe annoncée durant la campagne de l’EEE en 1992 n’a pas eu lieu»

C’est faux, les années suivantes ont été celles de la stagnation économique, ce n’est qu’à partir des accords bilatéraux que la Suisse a renoué avec un chemin de croissance. Il y a eu une décennie de perdue, ce n’est pas rien.  Le refus de l’EEE (Espace économique européen) a aussi mis notre compagnie aérienne Swissair, fierté de la nation, dans une telle impasse, qu’elle s’est lancée dans une stratégie de survie et de diversification si foireuse qu’elle en est morte

Et si la voie bilatérale est anéantie par la résiliation de la libre-circulation des personnes, je me demande bien ce que l’on inventera comme substitut à la voie bilatérale, qui était elle-même un substitut à l’EEE ou à l’adhésion à l’Union européenne?

A cet égard, il y a un scénario qui me tord de rire d’avance. Si l’UE se fâche méchant après un oui au texte de l’UDC (ce qui n’est pas certain, j’en conviens), si elle se montre intransigeante dans de nouvelles négociations, savez-vous l’unique porte de sortie qui s’offrira à nous au bout de deux ou trois ans de marasme diplomatico-bureaucratico-juridique, afin de garantir notre accès au marché européen?

Je vous le donne en mille:

L’exacte inverse de ce que souhaite l’UDC.

Ce qu’elle veut éviter à tout prix:

Une demande d’adhésion à l’Union européenne.

Comique, non? Votez non, le 9 février.

Tessin: que Calimero se prenne en mains

Mes collègues du Caffè m’ont demandé de répondre à la question suivante: est-il vrai que Berne traite mal le Tessin ou les Tessinois sont-ils de petits Calimeros qui se plaignent tout le temps?

Ma réponse:

Berne traite-t-il mal le Tessin ? Oui, la faute en incombe principalement au Parlement incapable d’élire un conseiller fédéral tessinois, et trop hésitant dans l’introduction d’un gouvernement à 9 membres, qui permettrait de contenter partis et régions, de mieux répartir la charge de travail interne et externe du gouvernement, et donc de mieux répondre aux attentes de toute la population.

Le Tessin a-t-il raison de se plaindre ? Oui, face à Zurich et à Berne, nous sommes tous des petits calimeros. Et même le canton de Berne souffre du manque de considération des autres, et même celui de Zurich s’agace de toujours être critiqué et jalousé.

Le fédéralisme, c’est la concurrence, c’est la loi de la jungle: pour survivre, il faut bousculer les autres, crier un bon coup.

Car si on veut que cela change, si on veut obtenir quelque chose (une prise en compte des besoins, des subventions, de l’attention,…), il ne faut pas craindre de s’exprimer.

Problème, sous la Coupole fédérale, il y a de moins en moins de gens qui comprennent l’italien. On pourrait se dire que ce n’est pas grave, car les Tessinois sont de très doués multilingues qui peuvent exprimer leurs désirs en allemand ou en français. Mais, derrière l’incapacité linguistique se cache un profond désintérêt culturel de la part de la majorité alémanique. Pascal Couchepin l’avait dénoncé : il n’est pas bon que la politique nationale soit pensée et gouvernée seulement en allemand, le génie du français et de l’italien sont indispensables à l’élaboration de solutions «suisses», pas uniquement alémaniques. Les Romands se plaignent comme les Tessinois de leur sous-représentation dans les hauts postes de l’administration fédérale, une lacune insupportable que le Conseil fédéral ne combat que très mollement.  Les minorités latines ne sont perçues qu’au travers de clichés : Tessin = grotto + Merlot, Suisse romande = vin blanc + salon de l’auto.

Les Romands, justement, sont-ils encore les meilleurs alliés des Tessinois ? Hélas, la solidarité latine est à géométrie variable. Une profonde divergence de vue sur l’avenir du pays sépare les deux entités. Jusqu’ici, les Romands ont été de chauds partisans de la libre-circulation des personnes et de la voie bilatérale avec l’Union européenne alors que le Tessin s’est rangé dans le camp des Neinsager. On s’aime, mais on ne se comprend plus.

Le Tessin a raison de se plaindre, mais geindre et protester n’est jamais l’unique attitude recommandée. Il faut aussi agir en fonction de ses possibilités et de ses responsabilités propres. Le Tessin est envahi quotidiennement par des  frontaliers et les travailleurs détachés « voleurs de travail » et qui nourrissent le dumping salarial. Qui  les engage, si ce n’est des Tessinois eux-mêmes ? Le canton n’a-t-il pas aussi un problème de cohésion économico-sociale qu’il pourrait entreprendre de résoudre par lui-même en favorisant le partenariat entre employeurs et main d’œuvre locale?


 

Tous contre l’initiative « contre l’immigration de masse »

Il est tout à fait inhabituel que le gouvernement vaudois se présente in corpore à une conférence de presse. Mais la solennité et l’importance de l’enjeu valait bien que les sept soient présents, a expliqué son président Pierre-Yves Maillard.

Au moment où les citoyens recoivent leur enveloppe de vote, le Conseil d’Etat leur recommande de:

– refuser l’initiative contre l’immigration de masse et l’initiative « financer l’avortement est une affaire privée »

– d’accepter FAIF, le fond de financement de l’aménagement de l’infastructure ferroviaire.

En cas d’acceptation du texte de l’UDC sur la réintroduction des contingents, le gouvernement vaudois redoute un retour des temps difficiles comme ceux que le canton a traversés dans les années 1990: chute de l’immigration, hausse du chômage, crise des finances publiques. Une période dépressive dont il est sorti à partir de 2002, date de l’entrée en vigueur de la libre-circulation des personnes.

Pierre-Yves Maillard a noté la conjnction de forces qui proposent, lors des votations du 9 février, des retours en arrière en refusant le développement des tansports publics, en voulant stopper l’immigration, ou en voulant pénaliser les femmes qui souhaitent avorter.

Historien de formation, le président du Conseil d’Etat souligne que les courbes de croissance comme celle de l’immigration ne montent jamais indéfiniment vers le haut, il arrive toujours un moment où elles se retournent. C’est pourquoi il faut profiter des périodes fastes comme celle que connaît le canton de Vaud pour investir dans les infrastructures, renforcer la protection des travailleurs et raffermir la cohésion sociale, cela permettra d’affronter les crises lorsqu’elles surviendront.

Depuis l’entrée en vigueur de la libre-circulation des personnes, Vaud a fait fondre sa dette iniatialement de 9 milliards de francs, il a doublé les subsides à l’assurance-maladie, et enregistré la création de 5500 emplois nouveaux par an.

Pourquoi prendre position sur des objets fédéraux? Les conseillers d’Etat notent qu’une fois les résultats et les conséquences concrètes de certains votes connus, des citoyens se plaignent parfois de ne pas avoir été suffisamment renseignés. Les Vaudois, qui ont toujours largement vité en faveur de la libre-circulation des personnes jusqu’ici, ne pourront pas dire qu’ils n’avaient pas été avertis.

Trois socialistes, trois libéraux-radicaux, une Verte, tous se sont exprimés sur les trois objets soumis au vote le 9 février, et sont sur la même longueur d’onde. Ils en ont profité pour détaillé  des mesures d’accompagnement « cantonales » comme un meilleur contrôle des sous-traitants notamment, et ont annoncé pour le premier trimestre un plan des mesures pour accroître le nombre de logements.

Sur le même sujet, dans L’Hebdo

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