Comme dans les films catastrophe américains, il y avait des hélicoptères qui tournoyaient dans un ciel d’après orage au dessus d’un camp de réfugiés.
Il y avait des présidents et des premiers ministres qui donnaient des ordres, mais remerciaient aussi les gens qui s’activaient pour secourir ceux qui en avaient besoin.
Après des années, des mois, des semaines d’indifférence, il y avait eu un sursaut.
Les réfugiés, on avait trop pris l’habitude de les voir dans le poste de télévision, hagards, désorientés, fuyant la Syrie et tant d’autres cercles de l’enfer …. Comme dans un film de science fiction, ils étaient soudain sortis du poste et avaient déboulé dans nos salons, à nos frontières, dans nos gares, dans nos villes.
Angela Merkel avait dit qu’il fallait les accueillir, et l’on s’était organisé pour le faire, comme si une météorite était tombée au cœur de l’Europe, comme si un accident chimique ou nucléaire avait chassé des millions de gens de leurs maisons.
On s’était aperçu que, de fait, il y avait dans nos territoires européens plein d’édifices abandonnés, écoles, hôpitaux, casernes, et on les avait peu à peu retapés pour y loger les migrants.
La Croix Rouge, qui avait un siècle plus tôt développé ses structures pour faire face à la catastrophe de la première guerre mondiale en Europe, avait été appelée par Jean-Claude Juncker pour aider les Européens à concevoir et mettre en œuvre le plus grand plan d’accueil de migrants de l’histoire.
On réquisitionna d’abord les forces armées. Puis, un matin avaient débarqué ce que l’on nomma très vite les « nouvelles brigades internationales de volontaires ». L’élan était venu d’un jeune architecte italien au chômage, il avait appelé une copine espagnole, connue lors d’un Erasmus. Chacun était venu avec une dizaine de potes. Suivis bientôt par des centaines d’autres, venus offrir leurs compétences autant que leur compassion active.
C’était cela l’autre miracle de cette prise de conscience : les jeunes Européens au chômage s’étaient mis à disposition pour aider les ONG à aménager l’accueil des réfugiés, jouer avec les enfants, soigner les malades, servir à manger, enseigner une langue, organiser l’administration, …
C’était comme au temps des cathédrales, une ferveur venue des foules, le sens d’un destin commun, le besoin d’apporter sa pierre et de contribuer ensemble à une lumineuse évidence de fraternité.
Tout cela avait coûté, mais on avait tant actionné la planche à billets pour sauver des banques, que l’on fut soudain heureux, soulagés, de pouvoir la faire fonctionner pour sauver du monde et l’âme de l’Europe.
2015 avait commencé avec l’effroi des attentats contre CharlieHebdo, une mobilisation citoyenne sans précédent dont les cyniques dirent qu’elle ne durerait pas, l’année s’achevait dans la conviction et l’affirmation morale que les terroristes, quel que soit leur degré de barbarie, ne gagneraient pas. Car leur mode de vie ne faisait envie à personne, alors que la solidarité européenne était redevenue une valeur universelle.