La gestapo et les banquiers suisses

L’Hebdo
– 28. février 2008
Ausgaben-Nr. 9, Page: 31
Suisse
grâce et disgrâce
La gestapo et les banquiers suisses
Les références historiques sont toujours délicates à manier. Les Suisses, qui n’ont été que des témoins de la Seconde Guerre mondiale et n’ont connu ni l’invasion, ni les combats ni les bombardements massifs, devraient spécialement faire attention. Par décence. Par respect des victimes.
Après le fâcheux «Mörgele» de Pascal Couchepin, voilà Pierre Mirabaud, président de l’Association suisse des banquiers, qui compare les méthodes des services secrets allemands avec celles de la Gestapo. Cette maladresse, dont l’auteur s’est rapidement excusé, rappelle celle de Robert Studer, alors directeur d’UBS, qualifiant les avoirs juifs en déshérence dans les coffres suisses de «peanuts». On croyait les banquiers prudents, par tradition, et vaccinés contre les comparaisons hasardeuses, par expérience, il n’en est rien. Convoquer l’Histoire sans en tirer quelque leçon, voilà qui est pour le moins paradoxal!
L’Allemagne actuelle traîne comme un boulet les comparaisons historiques inspirées par son passé nazi. Chaque fois que la principale puissance économique européenne agit un peu abruptement, le «Blitzkrieg», mené en vain par Hitler pour épouvanter les villes anglaises, revient sous la plume des commentateurs. Les amalgames sont d’autant plus pénibles que l’Allemagne d’après-guerre est le pays qui s’est le plus confronté aux pages indignes de son histoire. Entre déni et ellipses, ceux qui ressortent sempiternellement les images éculées n’ont souvent pas eu ce courage, alors que leurs responsabilités dans le désastre étaient souvent moindres!
A toutes fins utiles, je rappelle que la «Grosse Bertha» est un canon utilisé par les Prussiens pendant la Première Guerre mondiale. Le rapprochement est aussi cliché, mais moins scandaleux que celui fait avec la Gestapo. Il est admis que les métaphores guerrières ont passé du champ militaire au champ économique. Mais, laissons les références aux déportations, aux tortures et au génocide à des événements autrement plus graves que des cachotteries fiscales. |
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Chantal Tauxe cheffe de la rubrique suisse