Quelques mots en italien à la tribune, ça ne suffit pas

Je ne suis pas Tessinoise, mais italophone. Je ne sais pas vous, mais moi je n’en peux plus d’entendre nos autorités fédérales délivrer en italien un ou deux paragraphes de leurs discours à la tribune. C’est un rituel helvétique : on commence en allemand ou en français, et puis hop, quelques phrases en italien et deux ou trois mots en romanche. C’est ainsi dans notre pays que l’on est « confédéralement correct ».

Je trouve que c’est un peu court. Je trouve que en matière de défense des minorités il y a beaucoup mieux à faire que ces figures de style. On devrait généraliser les échanges linguistiques à tous les étages de la formation, obligatoire, post-obligatoires, professionnelle. Rien de tel que l’immersion dans le monde « des autres » pour les comprendre, mais aussi éprouver plus de respect pour leurs positions de minoritaires. Donnons nous les moyens d’être une nation de plurilingues, comme le sont la plupart des Tessinois, et n’abdiquons pas cette ambition sous prétexte que les compétences n’ont pas été acquises à l’école. On a toute la vie pour apprendre.

Je trouve qu’il faut aussi cesser d’écorcher la langue des autres, donc flanquer les moins doués de nos politiciens de traducteurs attitrés. Est-ce respecter une minorité que de massacrer sa langue ? On peut en douter. La SSR devrait plus systématiquement traduire les émissions politiques en direct – comme le Conseil national parvient à le faire – afin que la subtilité des réflexions des uns et des autres puisse être captée. Et puis, cette traduction simultanée serait un exercice national au moins hebdomadaire de plongée dans les idiomes des autres – un grand laboratoire de langue géant. J’écoute, je réécoute, je checke que j’ai bien compris en prenant la traduction.

Troisième mesure urgente, se donner les moyens d’avoir un conseiller fédéral tessinois avant 2050. Avec le système électoral actuel, il y aura toujours des raisons partisanes ou d’équilibre hommes-femmes pour barrer la route à un candidat tessinois. Il faut donc décupler les chances en faisant passer le nombre de conseillers fédéraux à 9. Je suis sûre qu’il se trouvera 100 000 Tessinois pour signer une telle initiative populaire et même quelques autres Confédérés qui se demandent pourquoi on reste accrochés à un système conçu au milieu du XIXème siècle !

Avec 9 élus, le gouvernement serait plus représentatif, plus efficace, plus musclé pour affronter les défis. Le fétichisme autour de 7 conseillers fédéraux n’a plus lieu d’être, surtout quand il désespère une région entière du pays et lui fait sentir, qu’au fond, la prise en compte de ses intérêts n’est jamais une priorité. La Suisse est trop petite pour tolérer la marginalisation d’une communauté qui fonde, à l’égale des deux autres, et indépendamment de leur taille respective, son identité singulière.  

* texte paru en italien dans Il Caffè le 20 décembre 2015

Le vote de l’Assemblée fédérale comparé à la volonté populaire

L’Asssemblée fédérale a réélu dans l’ordre:

– 1. Didier Burkhalter

– 2. Doris Leuthard

– 3. Alain Berset

– 4. Johann Schneider-Ammann

– 5. Simonetta Sommaruga

– 6. Ueli Maurer

Notre sondage publié le 19 novembre donnait un classement un peu différent. Si le peuple avait pu voter, il aurait assuré la première place à Didier Burkhalter, la seconde à Alain Berset, la troisième à Doris Leuthard, la quatrième à Simonetta Sommaruga, la cinquième à Ueli Maurer. Et il n’aurait pas réélu Johann Schneider-Ammann.

http://www.hebdo.ch/hebdo/cadrages/detail/la-cote-d%E2%80%99amour-du-conseil-f%C3%A9d%C3%A9ral

Conseil fédéral: boule de cristal et tentation

Qui sera élu au Conseil fédéral ? Que voyons nous dans notre boule de cristal ? Si il est vrai que Christoph Blocher veut l’élection de Thomas Aeschi, alors, il faut rappeler que cet homme rate rarement ses coups.

Lors des deux premiers tours de l’élection, les députés UDC auront le droit d’exprimer leur préférence. Mais ensuite, fini de rire, ce sera du sérieux:  ils recevront la consigne de voter Aeschi. Au sein du plus grand groupe de l’Assemblée fédérale, même si certains n’ont pas aimé le résultat de mois de manœuvres internes pour désigner les candidats, la discipline de vote est de fer. Comment d’ailleurs ne pas obéir au principal bailleur de fonds du parti ? Le tribun d’Herrliberg ne laissera rien au hasard.

Chez les libéraux-radicaux, Norman Gobbi n’a pas la cote : trop étatiste pour ces gens épris de libéralisme. Guy Parmelin ne soulève pas l’enthousiasme.  Thomas Aeschi avec ses belles manières de consultant devrait y recueillir le plus de voix.

On ne sera alors plus très loin de la barre de la majorité : 124 voix – si tous les parlementaires sont présents.

Paradoxalement, c’est le parti socialiste qui va jouer les faiseurs de roi, et départager les trois candidats officiels.  La probabilité qu’il soutienne Norman Gobbi est faible – le Tessinois paie là les outrances populistes de la Lega. Le PS pourrait décider d’embêter l’UDC en votant pour le Vaudois Parmelin, cédant à cette triste manie de certains politiciens de porter au Conseil fédéral une personnalité plutôt fade pour ne pas avantager son parti d’origine.

Les stratèges de gauche, tentés par une vendetta contre Blocher, devraient réfléchir à deux fois. La dernière fois qu’ils ont redouté l’avènement d’un profil acéré au gouvernement, lors de la succession de Hans-Rudolf Merz en 2010, ils ont donné la victoire à Johann Schneider-Ammann au détriment de Karin Keller-Sutter, au prétexte que l’entrepreneur de Langenthal était épris de partenariat social. Ils ont même renié leur penchant féministe. Or le chef du Département de l’économie s’est révélé très décevant, particulièrement au chapitre de nouvelles mesures d’accompagnement à la libre-circulation des travailleurs réclamées à cor et à cri par la gauche et les syndicats.

Elire Parmelin juste pour barrer la route de Aeschi et contrarier Blocher serait un mauvais calcul. Tôt ou tard, et malgré toute la bonne volonté qu’il mettra à accomplir sa tâche, le Vaudois sera répudié par son parti, traité de demi conseiller fédéral comme ce fut le cas pour Samuel Schmid. L’UDC jouera les martyrs et réclamera un  troisième fauteuil au Conseil fédéral pour être vraiment « correctement représentée.»

Le système politique suisse est parvenu à un point où il peut, où il doit, oser la confrontation avec les idées blochériennes que Thomas Aeschi incarne sans fard et avec une sincérité désarmante. 

texte paru en italien dans Il Caffè de ce dimanche 6 décembre