Bas salaires et vénalité d’en haut

La semaine dernière, le Conseil des Etats a examiné l’initiative de l’Union syndicale suisse (USS) qui vise l’introduction d’un salaire minimum de 4000 francs par mois (22 francs de l’heure).

Le refus d’entrer en matière sur le problème posé fut net: 31 voix contre 13. Les sénateurs de droite ont perdu l’occasion de couper l’herbe sous les pieds des Jeunes socialistes, dont le texte 1:12 est soumis au vote le 24 novembre. En mettant un frein à la sous-enchère salariale, ils leur auraient enlevé de la munition et pris un acompte positif pour les 3 votations de l’an prochain qui mettront en jeu sur la libre-circulation des personnes.

La droite s’accroche au libre marché des salaires, elle ne veut pas voir qu’il est impossible pour un père – plus souvent une mère – de famille de vivre avec moins de 4000 francs par mois. Elle sous-entend toujours que les gens concernés n’ont qu’à être mieux formés pour gagner plus. Mais, on aura toujours besoin de femmes de chambre dans les hôtels, de serveurs dans les restaurants, de coiffeurs et de coiffeuses, de nettoyeurs, de femmes de ménage, de jardiniers, de vendeurs… On devrait donc revaloriser leurs salaires pour qu’ils ne quittent pas ces professions obligeant ainsi à recruter à l’étranger de nouveaux employés pour les remplacer.

En plus, ces bas revenus contraignent les collectivités publiques, cantons et communes, à augmenter leurs aides sociales. Est-ce vraiment à l’Etat de compenser les manquements du secteur privé?

Ceux qui prétendent cela sont pourtant aussi ceux qui veulent limiter les impôts, et donc priver l’Etat des moyens de mener des politiques sociales. C’est totalement incohérent.

Ce manque de lucidité finira par avoir des conséquences dans les urnes. Le principe de 1:12  pour les hauts salaires – que personne au sein de la même entreprise ne gagne en un mois ce que les autres mettent une année à encaisser – est d’ailleurs curieusement combattu. On nous parle de cotisations AVS perçues en moins (ce qui reste à démontrer puisque on peut imaginer que la masse salariale restera inchangée mais mieux répartie), de danger pour la place économique (lequel, exactement?), mais les opposants n’argumentent pas  sur le fond : en quoi ces hauts salaires sont-ils justifiables? N’y aurait-il vraiment personne de compétent pour diriger UBS ou Novartis pour 1 million de francs par an seulement plutôt que 20? Pourquoi la vénalité est-elle devenue un critère d’embauche ? Qui peut démontrer scientifiquement sur au moins deux décennies qu’il y a un lien entre performance économique de l’entreprise et rémunérations stratosphériques?

* Cette chronique est parue en italien dans Il Caffè du 29 septembre.

 

Des primes impayables

C’est fou comme en matière d’assurance-maladie, on s’est habitué au scandale. Dans la valse des statistiques que nous vaut la publication ce jour du montant des primes pour l’an prochain, ce chiffre: 2,3 millions d’assurés bénéficient d’une réduction.

Comme ces choses-là sont joliment dites! Un tiers des assurés ne pourrait pas payer ce qu’il « doit » aux caisses sans l’aide de l’Etat.

Et on veut doucement continuer comme cela? A coup de petites hausses chaque année resserrant le noeud jusqu’à étrangler toujours un peu plus les familles et les foyers âgés?

La proportion des « subventionnés » reste la même ces dernières années, nous dit-on. Cela ne me rassure absolument pas. On s’est habitué au scandale.

Une victoire pour Ueli Maurer?

Que penser du haut taux de refus de l’initiative du Groupement pour une Suisse sans armée (GSsA) sur l’abrogation de l’obligation de servir?

Une défaite pour les pacifistes et les antimilitaristes, assurément.

Une victoire pour le système de milice, assurément.

Un triomphe du mythe, à l’évidence, qui risque de compliquer la tâche de ceux qui veulent réformer l’armée pour la rendre plus apte aux défis du XXIième siècle.

Mais une victoire pour Ueli Maurer? J’en doute. Les Suisses ont plébiscité une certaine idée d’eux-mêmes, un peu datée, mais rassurante. Quant au pouvoir de conviction du chef du DDPS au près de la population, on en reparlera prochainement quand on votera sur le Gripen.

Luxe à Fribourg

Pas d’élu au Conseil d’Etat aujourd’hui. 478 voix séparent le PDC Jean-Pierre Siggen du socialiste Jean-François Steiert. Un mouchoir de poche, mais un second tour quand même déclenché par la présence d’un indépendant inconnu, Alfons Gratwohl, qui a élevé le seuil de la majorité absolue.

On ne sait pas s’il faut en rire ou en pleurer.  Est-ce l’honneur ou la négation de la démocratie de permettre à des inconnus sans parti de jouer les trouble-fête? L' »ego trip » du candidat inconnu va coûter cher aux contribuables, un luxe pour rien.

Seul avantage de la manoeuvre, les deux camps qui se font face peuvent espèrer un résultat plus net. Rater le Conseil d’Etat pour moins de 500 voix ou basculer à gauche pour si peu, ce serait trop terrible pour le perdant.

A noter: une participation maigre, même pas un Fribourgeois sur deux pour trancher le duel. Le sort de l’école fribourgeoise indiffère-t-il autant la population?

Gagnera le 13 octobre prochain le camp qui sera le plus motivé et le plus uni. Avantage Steiert, donc.

Shops: victoire en trompe-l’oeil

Avec près de 56% de oui, les partisans d’un assortiment complet dans les  shops ont fait mieux que ce qu’indiquaient les sondages. L’argument de l' »absurdité administrative » a porté. Mais, justement, 56% seulement pour mettre fin à une petite absurdité administrative ne concernant que quelques consommateurs noctambules, ce n’est pas gigantesque.

Que la droite se méfie de cette victoire en trompe-l’oeil, la libéralisation des heures d’ouverture des magasins n’est pas gagnée d’avance. Le vote négatif de cinq cantons (dont trois romands) atteste d’une sensibilité à fleur de peau sur le sujet. L’aversion des Suisses pour les normes bureaucratiques a parlé, mais leur attachement aux valeurs traditionnelles de la famille et de la pause dominicale reste intact.

Didier Burkhalter: « Au DFAE, j’ai pu ouvrir les fenêtres »

Jacques de Watteville: enfin un diplomate qui connaît l’UE

Enfin une bonne nouvelle sur le front extérieur! Enfin un diplomate, aguerri, qui connaît Bruxelles et l’UE comme sa poche pour négocier avec les Européens sur les questions fiscales. Jacques de Watteville sera dès le 1er novembre le nouveau Secrétaire d’Etat aux questions financières internationales.

Et on ajoutera: enfin un Romand nommé aux plus hautes responsabilités dans le Département d’Eveline Widmer-Schlumpf.