Genève, l’art de la division

 

Genève vient de vivre sa première législature de cinq ans. * Cette plus longue durée a-t-elle permis à l’un des plus riches cantons de résoudre ses problèmes ? Pas vraiment : à 5,2%, le taux de chômage y reste le deuxième plus élevé du pays derrière Neuchâtel, la mobilité et le logement sont toujours des casse-tête.

Face à ses difficultés récurrentes, la République peine à jouer l’union sacrée. Le paysage politique est plus fractionné qu’ailleurs : cinq partis sont représentés au Conseil d’Etat, mais obtenir une majorité au Grand Conseil relève de la prouesse. Celui-ci est divisé en sept partis (et une poignée de hors-parti) qui constituent trois blocs de poids à peu près égal, gauche, droite et populiste.

Dès lors, un des principaux enjeux des élections du 15 avril est de savoir si l’organe délibérant demeurera indomptable. Trois listes se disputent le vote populiste et contestataire : l’UDC, le Mouvement citoyen genevois et une dissidence du MCG, lancée par son tonitruant fondateur Eric Stauffer, Genève en marche.

Paradoxalement, le MCG peut se targuer d’un beau succès : son conseiller d’Etat, élu il y a cinq ans, l’ancien conseiller national Mauro Poggia, est très estimé, notamment pour le combat contre le coût prohibitif des primes d’assurance-maladie, qu’il mène en tandem avec son collègue vaudois, et socialiste, Pierre-Yves Maillard. Son score pourrait toutefois pâtir des déboires de son parti, englué dans des problèmes de personnes.

C’est un trait de cette campagne, plutôt que de parler des problèmes de fond, et de leurs solutions, il fut beaucoup questions d’affaires. La conseillère d’Etat socialiste Anne-Emery-Torracinta, seule femme du gouvernement, est contestée, pour avoir mal géré les révélations de harcèlement suite à l’affaire Tarik Ramadan, naguère prof dans un collège genevois.  Et, c’est là, un autre enjeu des élections. Par le passé, les Genevois ne se sont pas privés de renvoyer à la maison des conseillères d’Etat au bilan respectable, mais à la communication maladroite. Dans un canton qui a offert deux conseillères fédérales, le risque existe qu’au soir du second tour, le 6 mai, il n’y ait qu’une seule élue au gouvernement.

En 2013, le PDC avait imposé à la surprise générale deux  des siens. Leur posture gouvernementale est diamétralement opposée : Luc Barthassat (ancien conseiller national) est hypercommuniquant mais peu efficace, alors que Serge Dal Busco est un chef du Département des finances discret mais respecté, d’autant qu’il a su réduire l’importante dette genevoise d’un bon milliard de francs.

Le PLR doit, lui, remplacer le président sortant, François Longchamp, qui quitte le gouvernement après trois législatures. La présidence est promise à Pierre Maudet, candidat malchanceux au Conseil fédéral contre Ignazio Cassis. Comme Pierre-Yves Maillard, qui avait concouru au gouvernement fédéral quelques mois avant les élections cantonales, le désormais quadragénaire Maudet devrait enregistrer un score canon et parvenir en tête des résultats.  A défaut d’être soudé pour gérer son insolente richesse, le canton tient au moins son champion.

* Texte paru dans l’hebdomadaire Il Caffè ce 8 avril 2018

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