Primaire socialiste vaudoise: de l’art délicat de distinguer les mérites

On ne dira jamais assez à quel point l’exercice de la primaire est délicat pour un parti. Distinguer les mérites des candidats à l’investiture implique inévitablement d’avoir l’air de dénigrer l’un lorsque l’on met en avant les qualités de l’autre.

Aux Etats-Unis, le déroulement de la primaire démocrate a nourri le fiasco final.

En France, l’actuelle primaire de gauche relève de l’inspection d’un champ de bataille après les combats pour tenter de sauver quelques survivants vaillants.

Dans le canton de Vaud, la primaire socialiste s’avère un exercice hautement délicat, après la pénible éviction d’Anne-Catherine Lyon. La « campagne » se joue à huis clos, dans l’intimité du parti. L’égalité de traitement qu’exige ce type de consultation ne peut toutefois masquer indéfiniment l’inégalité des talents.

Dans l’exercice de comparaison des trois candidates, trois éléments me semblent ne pas avoir été assez mis en avant:

  • il appartient au parti socialiste vaudois de choisir une personnalité qui a de bonnes chances de devenir conseillère d’Etat. Cela plaide pour celle qui a le plus d’expérience de la politique et de la complexité des dossiers. Avantage Cesla Amarelle.
  • les études historiques montrent que, dans les exécutifs, les élus ayant une formation en droit sont sur-représentés. Ce n’est pas un hasard. Le job consiste à écrire des lois, les mettre en oeuvre, surveiller leur bonne application,… Des compétences techniques en la matière sont un plus, même si le Conseil d’Etat peut s’appuyer sur l’expertise de ses services juridiques. Actuellement, le gouvernement vaudois peut compter sur l’oeil avisé de quatre juristes de formation: Anne-Catherine Lyon, Jacqueline de Quattro, Béatrice Métraux et Philippe Leuba. Avec le départ d’Anne-Catherine Lyon, les socialistes perdent leur caution juridique propre. Là encore l’avantage est pour Cesla Amarelle, professeur de droit et membre influente de la Commission des institutions politiques du Conseil national.
  • un des tabous de la politique cantonale est le poids pris par les activités intercantonales et la concertation avec l’échelon fédéral. On aime à penser dans les cantons que nos conseillers d’Etat sont de petits rois souverains investis d’un fort pouvoir de proximité. Tout n’est pas faux dans cette vision fédéraliste idyllique, mais selon les secteurs ou les thèmes, le travail commun avec les chefs de départements des autres cantons absorbe de plus en plus d’énergies. Sous cet angle, un candidat rompu aux subtilités et aux manoeuvres de la politique fédérale est un gage d’efficacité. Là encore, l’avantage est pour Cesla Amarelle qui dispose d’un réseau de contacts plus étoffé que les deux autres candidates de la primaire, Fabienne Freymond Cantone et Roxane Meyer Keller.

Une dernière remarque: depuis 2002, après une décennie de crises politique, institutionnelle et financière, les Vaudois ont vu émerger un gouvernement solide, compétent, cohérent, que les autres cantons lui envient désormais. Ce « miracle », qui a survécu à une législature durant laquelle les majorités au Conseil d’Etat et au Grand Conseil étaient antagonistes, tient aux caractères bien trempés de toutes les personnalités qui composent le gouvernement, même si les femmes qui y siègent actuellement (en majorité) sont moins « Alphatier » que le tandem Broulis-Maillard.

Le caractère fort de Cesla Amarelle est bien connu des socialistes, puisqu’elle a présidé le parti cantonal.  L’Yverdonnoise n’aurait aucun problème à s’insérer dans une équipe aguerrie. Pour continuer de bien fonctionner, le collège gouvernemental a besoin d’une nouvelle collègue qui n’a pas l’habitude de se laisser intimider.  Pour maintenir son influence sur le dit collège, le parti socialiste vaudois a besoin d’une élue dont le profil et les compétences ne relèvent pas d’un gentil pari entre camarades.