Jacques de Watteville et sa mission impossible

Les Suisses qui n’aiment pas trop les enjeux de politique extérieure l’ignorent généralement : nous avons un corps diplomatique d’excellence, nous disposons de très bons diplomates. Sans eux, le rayonnement de la Suisse sur la scène internationale ne reposerait que sur les montres et le chocolat. *

Avec raison le TagesAnzeiger a donc qualifié Jacques de Watteville, nommé mercredi par le Conseil fédéral négociateur en chef pour toutes nos discussions avec l’Union européenne, un « Grand Seigneur de la diplomatie ».

Cette réputation ne doit à rien à sa particule patricienne : le Vaudois a une carrière de haut vol, après avoir passé quelques années aux CICR comme délégué, il entre au Département fédéral des affaires étrangères. Un de ses premiers postes a été Bruxelles, où il a notamment participé aux négociations sur l’Espace économique européen. Puis il a été ambassadeur  en Syrie, à Bruxelles, puis en Chine. C’est là que Eveline Widmer-Schlumpf est allé le chercher pour qu’il soit son Secrétaire d’Etat aux questions financières internationales.

Jacques de Watteville connaît donc les arcanes bruxelloises comme sa poche, il connaît toutes les postures et toutes les ruses que la Suisse a déployées par le passé pour signer des accords avec l’Union européenne. Mais, il maîtrise aussi les enjeux de la mondialisation, c’est lui qui était en poste à Pékin quand fut signé l’accord de libre-échange avec la Chine en juillet 2013, un petit exploit de la diplomatie suisse. Cet homme a remis également « en conformité » avec les standards internationaux notre chère place financière.

Mais dans les commentaires qui ont accompagné sa désignation, il a aussi beaucoup été question de « mission impossible »!

A dire vrai, pour un diplomate, il n’y a jamais de « mission impossible ». Tout est affaire de temps comme le montre l’accord sur le nucléaire iranien. Jacques de Watteville a le réseau et le savoir-faire pour réussir. Mais l’actuel mandat de négociation du Conseil fédéral lui laisse peu de marges de manœuvre. Son travail consistera donc à ouvrir des brèches autant dans le glacis bruxellois que sur le plan intérieur. Il devra se montrer créatif, audacieux, rentre-dedans, ce qui le conduira certainement à proposer de briser quelques tabous.

La votation du 9 février a fracassé les relations bilatérales avec l’UE contre le mur d’une impasse. Tout en respectant ce vote, il faut aussi admettre que l’on en sortira seulement en faisant des efforts et des concessions. Un diplomate, aussi talentueux soit-il, ne peut pas réussir tout seul. Le premier défi de Jacques de Watteville constitue paradoxalement à pacifier le front intérieur. 

* texte paru en italien dans il caffé du 16 août

Affaire Despot (suite)

L’UDC nous a habitué depuis un quart de siècle à animer la pause estivale de l’actualité par de tonitruantes polémiques. En français fédéral, on appelle cela un « Sommertheater ».

Cette année, la section vaudoise s’est surpassée avec l’ »affaire Despot », un sordide déballage qui a gravement dérapé dans l’étalage de la sphère privée des protagonistes impliqués.

Tous les partis connaissent des rivalités de personnes, donc de cruels petits meurtres entre amis. Mais là, l’arrière-fond privé de ces règlements de compte a donné la nausée.

Qu’est-ce que nous révèle cette sombre histoire, parfait condensé de rodomontades viriles et de petites lâchetés?

– Que l’éculé clivage entre UDC des champs et des villes n’explique décidément rien de ce qui se trame dans la section vaudoise du plus grand parti de Suisse.

Que le culte du chef, l’adoration de Christoph Blocher, n’a pas favorisé l’émergence d’une culture collective. Quand il n’y a pas de leader à suivre et à glorifier, la dynamique se casse, la discipline implose.

– Qu’à force de pratiquer un discours de détestation et d’exclusion, les membres de l’UDC n’arrivent même plus à s’aimer et se respecter entre eux.

– Que beaucoup d’élus UDC sont toujours là pour critiquer, mais jamais là pour assumer les conséquences de leurs propositions. Certains, comme le conseiller national Guy Parmelin, ont demandé le départ de Fabienne Despot, mais n’étaient pas prêts à reprendre le flambeau. C’est d’ailleurs une constante dans la carrière de M. Parmelin, chaque fois que son parti compte sur lui, il décline. On le voyait au Château, il refusa de concourir. Et dire qu’il figure encore et toujours sur les listes de « papables » pour le Conseil fédéral.

Tout ce qui ne tue pas rend, paraît-il, plus fort. Fabienne Despot, qui a affronté la tempête crânement et reçu l’absolution du congrès, est-elle sauvée ? Certainement pas. Si elle a montré qu’elle avait des nerfs, elle a prouvé qu’elle avait de bien piètres connaissances du droit, et qu’elle ne sait pas arbitrer les conflits de personnes ou se mettre au dessus de la mêlée, autant de qualités demandées à qui souhaite devenir Conseiller d’État.