La politique fédérale en 2018: une année de stress test

 

«Il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout.» Cette citation parfaite pour nos démocraties aux majorités improbables, écartelées entre les partis classiques de gauche et de droite et les mouvements populistes, on la doit à Henri Queuille, ministre de la III ème et de la IV ème République en France. Ce constat cynique pourrait être l’épitaphe de 2017. Sur beaucoup de sujets, la politique fédérale n’est guère parvenue à avancer.

Alors, pour 2018, on prend les mêmes et on recommence. N’en déplaise à Monsieur Queille ! Ainsi va la politique: aussi longtemps que l’on n’a pas trouvé de solution, il faut remettre l’ouvrage sur le métier. En Suisse, la tentation est toujours grande de procrastiner, de remettre à beaucoup beaucoup plus tard ce qui semble trop compliqué à résoudre. Mais là, on a trop attendu: l’effet boomerang menace. Les psychanalystes appellent aussi cela le retour du refoulé.

Vous n’avez pas voulu trouver une solution viable et consensuelle sur les relations avec l’Union européenne ou l’avenir de nos retraites ? Vous n’avez pas su adopter une fiscalité conforme aux nouveaux standards internationaux ? Comme à l’école, les mauvais élèves vont devoir reprendre leur copie!

Le problème en Suisse est qu’il est difficile de désigner les mauvais élèves. Le peuple qui n’a pas entériné les réformes proposées ? Impensable de formuler les choses de cette manière. Alors le Conseil fédéral et les Chambres? Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé. S’il faut désigner des coupables, la responsabilité des réformes avortées revient plutôt, à mon sens, aux partis et aux chefs de partis : incapables de s’entendre, incapables de trouver des consensus. Depuis 25 ans, la culture du compromis, c’est-à-dire d’une entente entre les forces de droite et de gauche qui toutes doivent accepter des concessions, a été vilipendée. On lui a préféré la polarisation, la confrontation stérile. Nous en payons le prix, une léthargie réformatrice (qui contraste avec une économie encore résiliente malgré les chocs de la révolution digitale).

L’année 2017 s’annonçait faste: le Parlement venait d’accoucher d’une solution de mise en œuvre de l’initiative contre l’immigration de masse, agrée par l’UE. Pour bien se défendre à l’extérieur, il faut être unis à l’interne. Mais l’année s’est mal terminée comme on sait. Dans le dossier européen, il y a eu festival de rodomontades : de la part de la présidente du PLR et, comme d’habitude, de la part de l’UDC. Tout est à refaire.

Un an avant le rush des élections fédérales, les douze mois de 2018 offrent de dernières opportunités pour trouver des solutions, afficher un bilan. Ce sera également un camp d’entraînement: comment le nouveau collège, présidé par Alain Berset, qui vient d’accueillir Ignazio Cassis mais qui pourrait perdre sa pierre angulaire en la personne de Doris Leuthard, va-t-il fonctionner ?  Va-t-il administrer les affaires courantes ou se montrer audacieux ? La formule 4 Alémaniques, 2 Romands, 1 Tessinois offre au gouvernement une légitimité rare. Elle devrait permettre d’avancer. Tout comme la présence de deux UDC devrait apparaître comme une force de proposition et non d’obstruction.  Sinon à quoi bon, lors des élections au Conseil fédérale, se soucier autant de la représentativité des forces et des sensibilités ? 2018 sera une année de stress test pour nos institutions.

Six noeuds à trancher: 

No Billag : grounding pour la SSR ? 

En temps normal, l’initiative extrémiste « Oui à la suppression des redevances radio et télévision » aurait dû être balayée d’avance, promise à un croupion de 25% de oui.  Les initiants s’y sont repris à trois fois pour récolter les 100 000 signatures valables. Mais nous ne vivons plus en des temps normaux, nous ne sommes plus naturellement vaccinés contre la démagogie et le populisme. De premiers sondages ont dessiné la possibilité d’une acceptation d’un texte destructeur pour la solidarité confédérale. Le 4 mars, il ne s’agira pas de supprimer une taxe : si No Billag passe, la SSR perdra ¾ de son financement et n’aura donc plus les moyens d’exercer sa mission. Elle devra mettre la clé sous la porte, licencier en masse ses employés, et se muer peut-être en chaîne d’informations en continu sur le web.  Avec elle, 60 radios et télévisions privées, qui bénéficient de la redevance, perdront une source de financement essentielle.

La SSR est la seule institution suisse linguistiquement décentralisée. Son abolition serait un séisme dans un paysage médiatique déjà ravagé par la baisse des recettes publicitaires. Elle signifierait la fin d’une certaine idée de la Suisse, solidaire grâce à un système bhdbdhbak marché audiovisuel mmmsuel aire gre dans un paysage médiatique déjà ravagé par la baisse des recettes publicitaires. Epéréquatif particlièrement favorable aux minorités latines. Question subsidiare : un oui précipitera-t-il le départ de Doris Leuthard, ou au contraire la motivera à rester pour gérer le chaos du grounding de la SSR et poser les bases d’une reconstruction ?

Projet fiscal 2017 : une nouvelle bataille de chiffres ?

Si Ueli Maurer veut réussir son coup, il devrait peut-être envisager de trouver un autre nom pour le projet de réforme fiscale des entreprises qui doit mettre la Suisse en conformité avec les standards internationaux prônés par l’OCDE et l’UE : « PF17 » donne un sentiment de « Retour vers le futur ». La Réforme des entreprises 3 (RIE3) a été refusée l’an dernier. Le Chef du Département des finances en proposera aux Chambres d’ici le printemps une version simplifiée. La procédure de consultation a montré un certain désappointement des cantons. La part des recettes de l’impôt fédéral direct, qu’ils devraient toucher comme compenser les pertes, a été abaissée à 20,5% alors qu’elle était de 21,2% dans RIE3.

Autre motif de discorde, la mise en œuvre de PF17 est prévue au plus tôt pour 2020 – ce qui va perpétuer l’agacement de nos partenaires européens. La Conférence latine des chefs des départements cantonaux des finances prie le Conseil fédéral d’accélérer le tempo et de viser 2019. Dans une conjoncture de reprise économique, alors que l’administration Trump vient d’annoncer de spectaculaires baisses d’impôts, il serait téméraire de laisser les entreprises établies en Suisse trop longtemps dans l’incertitude sur leurs perspectives fiscales. La fiscalité est traditionnellement une arme de la souveraineté nationale. Mais dans ce dossier comme dans tant d’autres, la Suisse ne peut s’abstraire de l’environnement international.

L’Europe : jusqu’où appuyer sur le « reset » ?

On fêtera en 2019 les 30 ans du discours de Jacques Delors appelant à créer un Espace économique européen pour gérer les relations entre les pays de l’Union et les autres occupants du Vieux Continent. Depuis ce big bang, les Suisses se sont habitués aux rounds de négociation avec la Commission, aux phases de gel et de dégel, aux crispations, aux crises de nerfs et aux embrassades conviviales. Réglées les modalités techniques d’accès réciproques aux marchés, la question de fond reste toujours la même : comment gérer les différends, quand ils surviennent, en ménageant la susceptibilité et le souverainisme des partenaires concernés ? La solution EEE a été refusée par les Suisses en 1992. Le modus vivendi des bilatérales, établi dès 1999, est jugé trop lourd depuis 2008 par l’UE qui réclame une solution institutionnelle plus simple. Didier Burkhalter a démissionné faute de soutien de ses collègues à sa proposition d’accord-cadre (même s’il s’est collégialement refusé à l’admettre aussi clairement), Ignazio Cassis hérite de ce sac de nœuds. On attend de lui qu’il donne un nouvel élan, tout en sachant que, sauf la cosmétique lexicale ou la rupture, il n’y a guère d’autre solution praticable que la voie bilatérale et la reprise quasi automatique du droit européen. A moins que par « reset », le nouveau chef du Département des affaires étrangères ait imaginé remettre l’adhésion à l’UE à l’ordre du jour ?

Sauvetage de l’AVS:  vers l’union sacrée ?

C’est LA question qui angoisse le plus les Suisses : de quoi leur retraite sera-t-elle faite ? Pour rassurer et avancer, le réputé tacticien Alain Berset avait lié le sort du premier et du deuxième pilier dans son paquet Prévoyance 2020. Ce petit chef d’œuvre de tractations parlementaires n’a pas convaincu le peuple. On recommence donc en ne s’occupant que de l’AVS, et en partant du principe que le relèvement de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans est inéluctable.

Le Chef du Département de l’Intérieur est aussi en charge d’un autre casse-tête, la LaMal : avec des primes mensuelles moyennes de 460 francs par mois, le système atteint la limite du supportable, plus d’un assuré sur quatre déclare avoir des difficultés à s’en acquitter. Le vieillissement de la population et la sophistication grandissante de la médecine ne vont pas arranger la facture. Les dossiers sont plus liés qu’on ne le perçoit : quels montants de retraite digne permettront à l’avenir de se payer des soins de santé ? Le manque de terrain d’entente sur ces points cruciaux entre les principaux partis gouvernementaux est un handicap sérieux pour Alain Berset : l’alliance PS-PDC n’a plus assez de poids, il faudrait que le PLR joue à leurs côtés un rôle plus constructif.  Une sorte d’union sacrée pour assurer à long terme l’avenir de l’institution sociale la plus prisée des Suisses, qui fête cette année ces 70 ans d’existence.

 

Juges étrangers : en finir avec le mythe ?  

Que faire des textes d’initiatives en contradiction avec des engagements pris dans des traités internationaux ? Depuis un bon quart de siècle, les Suisses se torturent avec cette question. Toutes sortes de révisions des droits populaires ont été discutées, en vain. Dans le doute, il appartient au peuple de trancher. En 2018, les deux Chambres vont examiner l’initiative intitulée « Le droit suisse au lieu de juges étrangers » dite initiative pour l’autodétermination, lancée par l’UDC. Notez le marketing politique qui convoque un des éléments les plus lourds de la mythologie nationale: «les juges étrangers».

Il y a peu de doutes sur l’issue du débat:  le National les Etats vont recommander de rejeter ce texte qui mettrait la Suisse au banc des nations civilisées. Leurs discussions permettront de peaufiner les arguments en vue de la votation populaire (en 2019). Les fameux « juges étrangers » ne sont mentionnés nulle part dans la Constitution de 1848, ni dans sa dernière révision totale de 1999, ni même dans le texte de l’initiative.  Dans le concert des nations, un pays petit comme le nôtre ne peut qu’invoquer le droit international pour défendre ses intérêts :  il serait pour le moins périlleux de s’en abstraire. Les juges disent le droit. Plus que leur nationalité comptent leur intégrité et leurs compétences. Au fait, combien de médecins étrangers en Suisse, à qui nous confions nos vies ou celles de nos proches ?

Egalité : des paroles aux actes, enfin ?

L’année 2017 avait bien commencé pour les femmes avec le succès public du film «L’ordre divin» qui rappelait combien les Suissesses ont dû lutter pour obtenir le droit de vote. Elle s’est mal terminée avec, dans la foulée du scandale Weinstein, l’affaire Buttet révélatrice du peu de respect que certains élus sous la Coupole ont pour leurs consoeurs parlementaires. Le combat pour l’égalité reste un travail de Sisyphe. Cette prise de conscience encouragera peut-être les deux Chambres du Parlement à accepter le projet de Simonetta Sommaruga visant à obtenir au minimum 30% de femmes dans les Conseils d’administration. La Cheffe du Département de justice et police veut inciter les entreprises cotées en bourse à se montrer plus vertueuses : au bout de cinq ans, elles devront expliquer dans un rapport pourquoi elles ne sont pas parvenues à remplir cet objectif raisonnable. Pas de quotas contraignants, mais un enjeu de bonne réputation et d’image. Même méthode douce avec l’égalité salariale: les sociétés enployant plus de 50 personnes devront contrôler tous les quatre ans si elles respectent ce principe constututionnel et rendre les résultats publics.

On ne peut pas fustiger les discriminations dont les femmes sont encore victimes et rester les bras croisés. Hasard du calendrier législatif, les majorités masculines du Parlement auront en 2018 l’occasion de passer de la parole aux actes.

  • Article paru dans Il caffè du 14 janvier 2018: 

http://caffe.ch/stories/politica/59500_sei_nodi_da_sciogliere_nella_berna_federale/

 

 

L’hypocrisie, une règle de la politique suisse

 

Bilan du SECO sur la libre-circulation, congé-paternité, égalité salariale, les collisions dans l’actualité de cette semaine sont particulièrement inspirantes.

Reprenons dans l’ordre. Le SECO a tiré un bilan « globalement positif » de quinze années d’application du principe de la libre-circulation des personnes. Ce satisfecit agace beaucoup. Trop de gens connaissent des quinquagénaires que personne ne veut engager malgré leurs qualités, trop de gens n’ont guère senti leur salaire progresser, bien au contraire, et trop de gens s’inquiètent de voir les jeunes bardés de diplômes enchaîner les stages mal ou non rémunérés. Le sentiment populaire ne partage pas l’optimisme officiel.

Un exemple ? Il y a plus de 40 000 demandeurs d’emploi entre Genève et Vaud.  Cela fait du monde, d’autant que le nombre de frontaliers continue à croître dans l’arc lémanique. Malgré le coup de semonce du 9 février 2014,  tout se passe comme si le concept de « responsabilité sociale » restait totalement étranger à nombre d’employeurs.

Car, quel que soit le contenu des ordonnances du Conseil fédéral sur l’application de l’article 121 a de la Constitution, rien n’empêche les entreprises d’engager des Suisses ou de la main  d’œuvre déjà présente sur notre territoire. Elles peuvent pratiquer la préférence nationale sans même le dire en décidant d’engager des gens qui ont un CV peut-être un chouïa moins idéal qu’espéré. Mais dans certains services de ressources humaines, on se la joue un peu trop facilement « grand groupe qui recrute à l’échelle européenne », alors que pour suppléer aux prétendues carences de la main d’œuvre d’ici, un peu d’investissements dans la formation continue suffirait. Le principe de la libre circulation des personnes, avec son label européen, est un trop commode bouc émissaire.

Le  solde migratoire s’est divisé par deux depuis la votation fatidique. Des 80 000 agités pendant la campagne, on est passé à  35 000. La conjoncture demeure le meilleur des régulateurs. Toutefois, comme l’UDC promet de nouveaux scrutins sur l’immigration,  il vaudrait mieux que les employeurs se montrent plus soucieux des humeurs de l’opinion.

Les hasards du calendrier ont amené les partisans d’un congé-paternité de 20 jours à déposer leur initiative, cette semaine également.  Les milieux patronaux ont accueilli fraîchement cette proposition devisée à 350 millions de francs par année.  Cette mesure serait pourtant bienvenue pour encourager l’égalité entre hommes et femmes, la conciliation entre vies privée et professionnelles.  Elle constitue surtout une manière bon marché de redistribuer un peu des fruits de la croissance générée par les accords avec l’Union européenne, et dont trop de salariés estiment ne pas profiter.

Dans le grand débat sur l’optimisation des forces de travail à disposition, les femmes et les « seniors » sont en première ligne. Qui souhaite la diminution de notre dépendance à la main d’œuvre extérieure devrait s’enthousiasmer pour le congé-paternité – qui rendra les mères plus disponibles puisque pouvant compter sur des pères plus impliqués dans la prise en charge des enfants. Les mêmes tenants de la préférence nationale devraient applaudir le plan Sommaruga pour vérifier l’égalité salariale au sein des entreprises. Présenté mercredi, celui-ci est délicieusement non-contraignant et compte sur la responsabilité sociale des employeurs pour appliquer un principe constitutionnel. Aucune sanction n’est prévue.

Imaginons que cela marche :  les femmes aux salaires enfin réhaussés dépenseront plus , paieront plus d’impôts, cotiseront plus à l’AVS et seront à terme moins dépendantes de l’aide sociale. Que des bénéfices.  Pourtant, l’idée de devoir procéder à des contrôles réguliers indispose les milieux patronaux. Là encore, ils se privent d’une solution bon marché pour s’attirer la sympathie.

Il est une constante de la politique suisse que l’on n’aime guère énoncer.  C’est le règne de l’hypocrisie. La main droite se fait un point d’honneur d’ignorer ce qu’accomplit la main gauche, et vice-versa. Politiques migratoires, familiales et salariales sont éminement liées. Leurs objectifs devraient être pensés comme un tout, assurant à la Suisse une main d’œuvre compétente mais aussi prospère et motivée.

Allez savoir pourquoi, dans notre pays, on adore la tactique du salami, on se vautre dans les objections de détails pour mieux perdre de vue l’ensemble, on légifère dans un petit coin en oubliant le prochain dossier à venir. Tout se passe comme si les partis ne relisaient jamais les programmes qu’ils rédigent en période électorale, et comme si la cohérence (si je suis pour cela, alors je dois logiquement soutenir cet autre point) était un luxe démocratique inatteignable.

Tout se passe comme si les entreprises n’étaient pas suisses – malgré l’usage que font de cet adjectif leurs services marketing – mais seulement domiciliées dans un cadre juridique minimaliste, le moins contraignant possible, et dédaigneusement déconnectées des habitants de ce territoire.

 

Conseil d’Etat vaudois: une majorité de femmes, c’est un enjeu!

Il est de bon ton de prétendre qu’il n’y a pas de grands enjeux autour de l’élection du Conseil d’Etat vaudois, que majorité de gauche ou de droite, avec six sortants qui partagent un excellent bilan, on ne verrait pas une immense différence… je ne suis pas sûre que l’on soit seulement dans les nuances de gris. Mais qu’importe, pour moi, il y a aussi un autre enjeu, tout aussi important: le maintien d’une majorité de femmes au gouvernement. Alors que dans bien des secteurs, le plafond de verre écrase les talents féminins, j’aimerais bien que Vaud, mon canton, pionnier pour les droits de la femme, poursuive cette fructueuse expérience de pouvoir majoritairement en mains de Conseillères d’Etat, cinq années de plus.

Le « charme » de Doris Leuthard

Doris Leuthard a été élue présidente de la Confédération pour 2017. Ce rituel lui vaut de nombreux portraits et des louanges certainement méritées. La démocrate-chrétienne est un de nos meilleurs ministres actuellement  en poste.

Un détail m’agace ou peut-être que c’est mon féminisme qui s’agace: cette unanimité à souligner son « charme ». Je me demande si les mêmes l’année prochaine évoqueront le « charme » d’Alain Berset. On écrit rarement d’un politicien qu’il a du charme, on parle de son charisme, et on ne juge pas son action politique à cette aune-là. Quand il s’agit d’une femme par contre…

Pour sa deuxième année de présidence, on aurait peut-être pu lui épargner ce sexisme ordinaire.

 

Elus déconnectés du terrain: un nouvel exemple

Quel que soit le résultat de l’initiative Pro Services Publics, on peut déjà dire que le Parlement est passé complètement à côté de l’exaspération populaire face aux CFF, Swisscom et la Poste. La classe politique s’est montrée totalement déconnectée des réalités du terrain.

Elle débat sans fin de l’asile, alors que la situation est fonction des crises internationales et d’un cadre légal très influencé par le droit international (conventions de Genève sur les réfugiés, accords de Dublin).

L’histoire de cette campagne sur la qualité des services publics, qui s’est déroulée dans un climat de mauvaise foi stupéfiant de la part des opposants, plaide pour l’instauration de hearings durant lesquels les Chambres écouteraient les arguments des comités d’initiative, déblayeraient le terrain de leur interprétation et de leur application au cas où. De telles auditions permettraient de décider d’élaborer un contre-projet quand on constaterait que l’intention est bonne, mais sa traduction constitutionnelle pas adéquate.

Va-t-on vers le même constat de malentendu avec le congé-paternité ? Le texte des syndicats, lancé cette semaine, demande quatre semaines au moins pour les pères, financées de la même manière que le congé maternité, c’est-à-dire par les allocations pertes de gain, dont bénéficient les militaires.

Lors de la conférence de presse, Travail.Suisse a indiqué que ces quatre semaines pourraient être prises durant l’année qui suit la naissance. Cela ne figure pas explicitement dans le texte. C’est ce genre de détail qui peut empoisonner une campagne.

Sur le fond pourtant, la revendication d’un congé-paternité plus substantiel que les 1 à 5 jours accordés actuellement est totalement légitime. La Suisse, qui rêve de limiter le recours à la main d’oeuvre étrangère, accuse un profond retard sur les autres pays.

En fait, si l’on était vraiment moderne, si l’on était vraiment des citoyens du XXI ième siècle, on devrait être en train de discuter d’un congé parental de six à douze mois à répartir entre le père et la mère.

Là encore, la classe politique, du moins la majorité qui a refusé la proposition du PDC Martin Candinas en avril dernier, est totalement déconnectée du terrain, de la vie des jeunes couples, des aspirations des nouvelles générations. Beaucoup de parlementaires jugent cette revendication en fonction de son impact économique ou restent prisonniers de leur allergie viscérale à l’idée de parité homme-femme, ils ne veulent pas voir l’enjeu sociétal d’une telle mesure.

De nombreux sondages ont indiqué depuis des années que 80 % des Suisses sont favorables à un congé-paternité. C’est-à-dire que 80 % des Suisses aspirent à ce que les familles se développent harmonieusement dans le respect des aspirations et des rôles de chacun. Qu’est-ce qu’il y a de si difficile à comprendre ?

* publié le 29 mai 2016 sur le site de L’Hebdo 

Trierweiler : les journalistes ne disent pas merci

L’attitude de Valérie Trierweiler est une catastrophe pour les femmes journalistes.

Résumons sa carrière :

elle a couché pour avoir des informations exclusives

– parvenue au sommet de l’État par la grâce d’une liaison, elle a prétendu continuer à exercer son métier de journaliste, ne saisissant pas qu’elle pataugeait en plein conflit d’intérêts

– elle a mis publiquement dans l’embarras son compagnon président (affaire du twitt contre Ségolène Royal)

– une fois répudiée, elle déballe tout, au lieu de se taire et de rentrer dans le rang

elle utilise son jounal (Paris-Match) pour régler des comptes privés

Ce faisant, elle viole toutes les règles déontologiques de la profession. Elle compromet aussi les relations personnelles qui peuvent s’établir entre journalistes et politiciens (comment faire encore confiance aux premiers?)

Une vraie peste, un poison, on comprend que François Hollande s’en soit séparée.

Qu’elle se taise !  Car ses consoeurs ne lui disent pas merci.

Un manque scandaleux d’engagement

C’est la neuvième fois depuis 1848 que la majorité des cantons défait la volonté populaire, a signalé Alain Berset. Une particularité dont on se serait aisément passé, et qui signale un profond malaise dans la conception de la politique familiale et du rôle de l’Etat en général, dont le gouvernement ferait bien de prendre la mesure. La tentation sera grande de voir cet épisode comme un accident fâcheux et de l’oublier, comme tout ce qui questionne la modernisation de nos institutions.

Les résultats dans les cantons alémaniques sont souvent serrés et montrent que le double oui était prenable. Dès lors, il faut le dire haut et fort, même si cela va déplaire: il y a eu un défaut d’engagement des partis qui soutenaient l’article (PDC et PS), et surtout l’attitude incompréhensible du PLR qui a miné pour longtemps la crédibilité de ses élues très engagées dans la conciliation entre famille et activité professionnelle.

Il y a ausi eu un défaut d’engagement étonnant du Conseil fédéral (qui compte 3 femmes), et d’Alain Berset en particulier, comme socialiste et comme chef du DFI, qui ne s’est impliqué dans la campagne que tardivement.

Il y a eu un manque de pédagogie sur ce qu’est un article constitutionnel, à savoir une déclaration d’intention. La question des coûts, toujurs importante, n’a pas été anticipée de manière sérieuse par le DFI. En Suisse, on ne rassure qu’en étant clair sur les chiffres. Il aurait fallu donner des simulations, des estimations, des variantes larges ou plus minces, comme l’administration sait très bien en produire dans plein de dossiers.

Tout s’est passé comme si la vie des familles et les enjeux de conciliation entre  la vie professionnelle et de la vie privée n’étaient qu’un détail pour la classe politique fédérale, un truc bon à agiter pendant les campagnes électorales, mais qui ne valait pas la peine de se remuer lors d’une votation.

Tout juste vingt ans après la non-élection de Christiane Brunner au Conseil fédéral, c’est assez rageant. Décidément pour les femmes de ce pays, rien n’est jamais facile, et sans mobilisation extraordinaire (comme celle qui aboutit à l’élection de Ruth Dreifuss une semaine plus tard), on n’obtient rien….

65 ans pour les femmes, une question de génération

Alain Berset a gagné le droit d’aller de l’avant avec un âge de retraite égal pour les hommes et les femmes. Mais réussira-t-il à convaincre son propre parti? L’affaire n’est pas gagnée d’avance….. Mais il est peut-être temps de sortir de la guerre de tranchée. Il était parfaitement normal que nos grand-mères et nos mères bénéficient de l’AVS plus tôt que les hommes. La plupart ont accompli une double journée de travail à l’époque où les pampers n’existaient pas, où les lave-linge et les lave-vaisselle étaient un luxe inabordable. Pour ma génération, née dans les années soixante, la différence de traitement est déjà moins plaidable, si ce n’est que beaucoup de femmes ont souffert, souffrent encore d’inégalités salariales. Mais, pitié, pour la génération de nos filles, qui prendra sa retraite dans 40 ou 50 ans: comment justifier pareille inégalité de traitement avec les hommes?

Les jeunes femmes sont désormais tout aussi bien formées que les hommes, elles ont une espérance de vie légèrement supérieure. Pourquoi les enfermer dans une vision passéiste du couple? Pour ce qui concerne les inégalités salariales scandaleusement persistantes, Alain Berset pourrait donner un délai de 5 ans à économiesuisse et aux syndicats pour mener une politique volontariste de certification des entreprises. Passé ce délai, il serait légitimé à légiférer, il pourrait introduire des amendes pour les entreprises qui ne respectent pas l’article constitutionnel sur l’égalité entre hommes et femmes, voté, rappelons le, le 14 juin 1991!  N’attendons pas une génération de plus pour l’appliquer!

Conseil d’Etat: le tournis neuchâtelois

Les Neuchâtelois repensent-ils parfois avec nostalgie à Pierre Dubois? Le socialiste est resté dix-sept ans conseiller d’Etat, de
1980 à 1997. A droite, le libéral Pierre Hirschy a pu afficher 13 ans au compteur. Tempi passati! Depuis une décennie, le ministre neuchâtelois qui tient deux législatures peut s’estimer fortuné. Le carrousel coupe-têtes a commencé en 1993 avec l’indépendant Michel von Wyss, quatre petites années avant d’être remercié par les électeurs.
A la législature suivante, le radical Maurice Jacot s’empêtre dans une affaire, il ne se représente pas en 1997. Dès sa deuxième
législature, la libérale Sylvie Perrinjaquet est priée par son propre camp d’aller se faire voir ailleurs, elle se dirige vers Berne, mais n’y sera pas réélue en 2011. Comme c’est une femme, personne ne s’indigne qu’on gaspille ainsi le personnel politique.
La machine à jeter continue à tourner: en 2009, c’est le Vert Fernand Cuche que les électeurs contraignent à une retraite anticipée.
Le radical Roland Debély déclare aussi forfait. Le parti libéralradical n’en a cure, il aligne trois caïds dont Frédéric Hainard. Le
shérif est vite contraint à la démission, Claude Nicati est mobbé par les siens avec une âpreté inouïe, Philippe Gnaegi apparaissant désormais comme un rescapé. On peut pour chaque épisode argumenter sur des difficultés personnelles de chacun. Il n’empêche que la responsabilité du PLR neuchâtelois, qui accumule les problèmes de casting, est engagée.
Le conseiller national Alain Ribaux est désormais candidat à la candidature pour les élections générales du printemps prochain.
On espère que le soutien de sa formation lui sera acquis de manière plus durable que pour ses prédécesseurs.
A gauche, la manoeuvre sera délicate. Les socialistes se réunissent ce samedi pour arrêter leur stratégie. Les candidats seront choisis en janvier. Le défi pour les roses est d’afficher une liste solide pour reconquérir la majorité au gouvernement. Deux candidats compliquent les calculs: le popiste et maire du Locle Denis de la Reussille et l’UDC Yvan Perrin. Le sentiment que la classe politique cantonale traditionnelle a gravement failli pourrait offrir au conseiller national de la Côte-aux-Fées les portes du château.
Deux remarques. Si personne ne l’érige en enjeu, le gouvernement 2013-2017 pourrait ne compter aucune femme. Enfin, si Neuchâtel est une vraie machine à produire des conseillers fédéraux, celle à fabriquer des ministres cantonaux est en revanche bien en panne sur la durée. La faute à des partis étourdis ou aux électeurs capricieux?