2015-2019: Les referendum vont faire fureur

Les urnes ont enfin parlé. Comme prévu par les sondages, l’UDC et le PLR ont gagné des sièges, le PS a stagné, les Verts ont reculé. Le PDC se maintient.

Le glissement à droite n’est pas très étonnant. En période d’incertitudes économiques, il est rare que les électeurs confient le destin du pays à la gauche. Au demeurant à Berne, le curseur oscille entre des majorités de droite, de centre droite, et parfois de centre gauche. Rien de nouveau sous le soleil de cet automne 2015.

Ce qu’il y a de paradoxal avec le score de l’UDC, c’est qu’il est parfaitement en ligne avec la vague nationale populiste que l’on voit à l’oeuvre à l’échelle européenne. Le malaise face aux effets de la mondialisation et de la crise économique ne s’arrête pas, lui non plus, aux frontières.

Mais 30 %, ce n’est pas non plus la majorité. 70 % des électeurs n’ont pas choisi l’UDC, mais d’autres partis, d’autres idées, d’autres solutions. Face à une rhétorique de rodomontades, d’exigences et de conditions, il convient de ne pas l’oublier.

Depuis dimanche, la discussion se focalise sur la composition du Conseil fédéral. Avec une inconnue de taille : Eveline Widmer-Schlumpf va-t-elle se présenter à sa réélection ? En n’annonçant pas sa décision avant, la cheffe du Département des finances a lié son sort à celui des urnes, donc à l’arithmétique. Et cet arithmétique, sous réserve des résultats des seconds tours pour le Conseil des Etats, ne lui est pas favorable.

L’UDC, elle, demande un second siège au gouvernement. Sa demande est légitime, mais le Conseil fédéral ne se compose pas seulement à l’aune de la proportionnelle. Le respect de la collégialité et la loyauté sont tout aussi importants. Au moment des hearings, les membres de l’Assemblée fédérale devront demander aux candidats des engagements précis sur ce point. Pas question de rééditer l’expérience Blocher de 2003 à 2007, désastreuse pour le pays mais aussi pour la crédibilité de l’UDC.

Pourtant au final, le nombre d’UDC présents au gouvernement importe peu. Si le Conseil fédéral ou les Chambres défont les compromis trouvés dans la réforme de l’AVS ou dans la politique énergétique, ils se heurteront à des referendum cinglants. Dans le dossier européen, un nouveau vote est programmé. Le peuple devra se prononcer sur la manière d’appliquer l’initiative contre l’immigration de masse, acceptée le 9 février 2014, en adéquation ou pas avec le maintien des accords bilatéraux.

Dans la campagne pour les élections fédérales, contrairement à il y a quatre ans, les partis ont peu eu recours au lancement d’initiatives populaires, dont le résultat final dans les urnes s’est révélé décevant. Dans la législature qui va s’ouvrir, ce sont bien les referendum qui risquent de faire fureur.

Conseil des Etats: l’exemple des conseillers d’Etat lémaniques

Question du jour: les candidats PLR lémaniques au Conseil des Etats Olivier Français et Benoît Genecand doivent-ils chercher alliance avec l’UDC, au risque de renier leurs valeurs ou leurs engagements passés?

Il me semble que aussi bien dans les cantons de Vaud que de Genève les conseillers d’Etat en place Jacqueline de Quattro, Pascal Broulis, Philippe Leuba, Pierre Maudet et François Longchamp n’ont pas eu besoin de consignes de vote de la part de l’UDC pour être -brillamment- élus.

Les électeurs, à gauche, comme à droite, n’appartiennent à aucun parti. Il n’y a qu’à voir la part grandissante de listes joyeusement panachées….

Budgets cantonaux à la roulette russe

Dans la campagne pour les élections du 18 octobre, il est un sujet qui a été peu évoqué : la situation financière des cantons. Les moyens dont vont disposer les cantons pour s’acquitter de leurs tâches de proximité dépendent pourtant beaucoup des règles fixées par Berne. *

Un chantier en cours devant le Parlement va avoir un impact massif sur les recettes : la réforme des entreprises III. Elle doit supprimer les niches fiscales concédées à des entreprises étrangères et unifier les taux d’imposition avec les sociétés du cru. Comme tous les cantons n’ont pas usé de la même manière de ces outils de dumping fiscal (ou de développement économique – selon le regard que l’on porte sur eux), tous ne sont pas touchés de la même manière par cette mise en conformité avec les standards européens (pas de discrimination entre les entreprises étrangères et nationales).

Sauf que dans la liste des cantons qui risquent de perdre des recettes figurent ceux qui sont contributeurs à la péréquation financière (RPT), ce mécanisme de redistribution des richesses entre régions. Prenons un exemple pour mieux comprendre : si Genève perd trop de substance fiscale avec la RIE III, il lui deviendra difficile de verser au pot commun ce qui bénéficie aux petits cantons et même au grand Berne (qui reçoit 1 milliard de francs grâce à la RPT). Les chambres doivent notamment décider à quelle hauteur les cantons seront indemnisés : Eveline Widmer-Schlumpf a proposé d’essuyer 50 % des pertes, mais les principaux concernés voudraient 60 %.

Ce grand chambardement survient au moment où la plupart des budgets cantonaux sont fragilisés par une baisse des recettes. A Neuchâtel, le franc fort a déjà commencé à rogner les bénéfices des entreprises, d’autres cantons ont livré des projets de budgets déficitaires ou tout juste équilibrés grâce à des mesures d’économie.

Paradis fiscal, Zoug envisage d’augmenter ses impôts pour faire face à ses charges, notamment la RPT, dont il conteste le calcul avec véhémence.

Jeudi dernier, la CdC, la conférence des gouvernements cantonaux, a annoncé qu’elle vient de créer un groupe de travail pour améliorer les règles de la péréquation. Siègeront sous la présidence de Franz Marty, ancien directeur des finances schwytzoises, trois conseillers d’État de cantons à fort potentiel de ressources et trois conseillers d’État de cantons à faible potentiel de ressources. Le but : éviter que les régions généreuses à force de se sentir trop pressées comme des citrons cassent ce fin mécanisme de solidarité confédérale. Une menace de referendum des cantons existe. 

Avec le franc fort, RIEIII et la RPT, on joue les recettes cantonales à la roulette russe. Il n’aurait pas été inutile de demander aux candidats aux Chambres fédérales de se positionner sur ces enjeux.   

* Texte paru en italien dans Il Caffè du dimanche 4 octobre 2015