LE VOTE NUNUCHE

L’Hebdo
– 22. septembre 2011
Page: 23
SUISSE
GRÂCE ET DISGRÂCE
LE VOTE NUNUCHE
CHANTAL TAUXE RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE
L’année 2011 restera celle où les Suisses auront pu fredonner avec Aragon et Ferré: «La femme est l’avenir de l’homme». Après l’accident de Fukushima, les quatre femmes majoritaires au Conseil fédéral ont pris la décision historique de sortir du nucléaire. On ignore si dans ce choix courageux un ou plusieurs hommes les ont accompagnées. Qu’importe. En 2012, les féministes qui se sont réjouies vont déchanter. La probabilité qu’on ait encore quatre femmes au gouvernement, après le 1er janvier, est faible. Micheline Calmy-Rey s’en va, Eveline Widmer-Schlumpf est une cible. Dans le pire des cas, il ne nous restera que les deux chouchous des sondages: Doris Leuthard et Simonetta Sommaruga.
Au Parlement, le reflux est annoncé. On adorerait se tromper. Mais les signes avant-coureurs sont là, et ils n’augurent rien de rose sur le chemin de la parité.
Selon un décompte de l’ATS, il y a cet automne moins de candidates qu’il y a quatre ans: 32,3% contre 35% en 2007 et en 2003. Ce chiffre avoisine celui de 1991. En vingt ans, les partis sont toujours aussi nuls pour susciter les vocations féminines. De plus, on sait que la proportion de candidates est souvent très supérieure à celle des élues (27% en moyenne dans les deux Chambres). Le désastre est programmé.
Tendanciellement les Romands élisent moins de femmes que les Alémaniques. C’est bien en Suisse romande que le retour de balancier sera le plus cruel: deux politiciennes très cotées, la Genevoise Martine Brunschwig Graf et la Fribourgeoise Thérèse Meyer ne se représentent pas, et il n’est pas sûr du tout que des femmes les remplacent. D’autres conseillères nationales, d’un calibre moins confirmé, sont menacées par la présence sur leurs listes de personnalités nouvelles ou plus populaires. Les Romands n’envoient à Berne que 17 femmes pour 62 fauteuils, un maigre 27%.
Le vote femmes, volontariste, est, paraît-il, passé de mode. Il fait bâiller les jeunes électrices. Un comportement d’enfants gâtées. Les listes sont loin d’être paritaires, mais la plupart d’entre elles comportent des noms de candidates. On ne trahit pas ses convictions en privilégiant des femmes. Voter pour un parti et cumuler les candidates, ou panacher sa liste avec le nom d’une autre politicienne n’est pas un réflexe de féministe attardée. C’est une manière de s’assurer que certains domaines d’intérêt seront bien représentés et défendus à Berne. Le vote nunuche n’est pas celui que l’on croit.
LE VOTE FEMMES, VOLONTARISTE, FAIT BÂILLER LES JEUNES ÉLECTRICES.