Conseil fédéral: boule de cristal et tentation

Qui sera élu au Conseil fédéral ? Que voyons nous dans notre boule de cristal ? Si il est vrai que Christoph Blocher veut l’élection de Thomas Aeschi, alors, il faut rappeler que cet homme rate rarement ses coups.

Lors des deux premiers tours de l’élection, les députés UDC auront le droit d’exprimer leur préférence. Mais ensuite, fini de rire, ce sera du sérieux:  ils recevront la consigne de voter Aeschi. Au sein du plus grand groupe de l’Assemblée fédérale, même si certains n’ont pas aimé le résultat de mois de manœuvres internes pour désigner les candidats, la discipline de vote est de fer. Comment d’ailleurs ne pas obéir au principal bailleur de fonds du parti ? Le tribun d’Herrliberg ne laissera rien au hasard.

Chez les libéraux-radicaux, Norman Gobbi n’a pas la cote : trop étatiste pour ces gens épris de libéralisme. Guy Parmelin ne soulève pas l’enthousiasme.  Thomas Aeschi avec ses belles manières de consultant devrait y recueillir le plus de voix.

On ne sera alors plus très loin de la barre de la majorité : 124 voix – si tous les parlementaires sont présents.

Paradoxalement, c’est le parti socialiste qui va jouer les faiseurs de roi, et départager les trois candidats officiels.  La probabilité qu’il soutienne Norman Gobbi est faible – le Tessinois paie là les outrances populistes de la Lega. Le PS pourrait décider d’embêter l’UDC en votant pour le Vaudois Parmelin, cédant à cette triste manie de certains politiciens de porter au Conseil fédéral une personnalité plutôt fade pour ne pas avantager son parti d’origine.

Les stratèges de gauche, tentés par une vendetta contre Blocher, devraient réfléchir à deux fois. La dernière fois qu’ils ont redouté l’avènement d’un profil acéré au gouvernement, lors de la succession de Hans-Rudolf Merz en 2010, ils ont donné la victoire à Johann Schneider-Ammann au détriment de Karin Keller-Sutter, au prétexte que l’entrepreneur de Langenthal était épris de partenariat social. Ils ont même renié leur penchant féministe. Or le chef du Département de l’économie s’est révélé très décevant, particulièrement au chapitre de nouvelles mesures d’accompagnement à la libre-circulation des travailleurs réclamées à cor et à cri par la gauche et les syndicats.

Elire Parmelin juste pour barrer la route de Aeschi et contrarier Blocher serait un mauvais calcul. Tôt ou tard, et malgré toute la bonne volonté qu’il mettra à accomplir sa tâche, le Vaudois sera répudié par son parti, traité de demi conseiller fédéral comme ce fut le cas pour Samuel Schmid. L’UDC jouera les martyrs et réclamera un  troisième fauteuil au Conseil fédéral pour être vraiment « correctement représentée.»

Le système politique suisse est parvenu à un point où il peut, où il doit, oser la confrontation avec les idées blochériennes que Thomas Aeschi incarne sans fard et avec une sincérité désarmante. 

texte paru en italien dans Il Caffè de ce dimanche 6 décembre