Ada Marra et les petits-enfants

Dans leur majorité, les Suisses se plaignent d’être envahis et trouvent qu’il y a trop d’étrangers en Suisse. Les statistiques indiquent que bientôt 25 % de la population sera composée de non-Suisses. Un sur quatre, c’est vrai que cela semble énorme. *

Sauf que la Suisse se fabrique elle-même des étrangers. Sur les quelque 2 millions que compte le pays, 360 000 sont nés chez nous. Cela aussi est énorme. Si nous connaissions le droit du sol, comme c’est le cas en France par exemple, ces gens nés et élevés entre Romanshorn, Genève et Chiasso seraient de bons petits Suisses.

Les tentatives de faciliter la naturalisation des enfants d’immigrés de la deuxième ou de la troisième génération ont toutes échoué devant le peuple. Comme si le passeport rouge à croix blanche tenait plus du droit divin que de la réalité de l’intégration.

Ada Marra est une conseillère nationale socialiste, élue au Parlement en 2007. Cette Vaudoise est aussi fille d’immigrés italiens, née à Paudeux, à proximité de Lausanne. En matière d’intégration et de défense des migrants, elle sait de quoi elle parle, et surtout, elle s’engage sans relâche.

Bien que la naturalisation facilitée soit un sujet politiquement risqué, elle a avancé maintes propositions. La dernière en date a déjà reçu l’aval des Commissions des institutions politiques. Cette semaine, le Conseil fédéral a également décidé de la soutenir.

Il s’agit de faciliter la naturalisation des enfants de la troisième génération. Toujours pas d’automatisme – inutile de braquer l’UDC plus qu’elle ne l’est déjà sur ce sujet. Les parents devront déposer une demande pour l’enfant né en Suisse, à condition qu’au moins l’un d’eux soit né en Suisse ou y ait immigré avant l’âge de 12 ans, et que au moins l’un des grands -parents ait été titulaire d’un droit de séjour.

Combien des 360 000 étrangers nés chez nous seraient potentiellement concernés? De premières estimations chiffrent à 5 à 6000 petits-enfants par an les potentiels bénéficiaires. 100 000 autres « anciens » pourraient évoquer cette disposition.

La mesure aura un effet dans les familles arrivées en Suisse dans les années cinquante ou soixante, c’est-à-dire italiennes, espagnoles, portugaises. Autant de communautés, très critiquées et moquées à l’époque des initiatives Schwarzenbach, mais dont on s’accorde désormais à dire qu’elles se sont remarquablement fondues dans la population suisse. Elles passent pour des modèles d’intégration.

Cette proposition nécessitant un changement de la Constitution, nous devrons voter.Espérons que d’ici là, une majorité de citoyens et de cantons se seront convaincus qu’il serait plus raisonnable de cesser de fabriquer des étrangers indigènes par milliers chaque année. Cela rendrait nos discussions sur la migration plus rationnelles et sereines.

Texte de ma chronique parue en italien le dimanche 25 janvier 2015 dans Il Caffè.