Drôles d’intérêts tessinois!

La plupart des Tessinois en sont persuadés: la Berne fédérale ne comprend rien à la politique tessinoise. Ce que l’on peut dire, après l’annonce du parti libéral-cantonal de ne proposer que Ignazio Cassis comme candidat au Conseil fédéral, c’est que les Tessinois ne comprennent pas non plus grand chose à la politique fédérale.

Ce que veut l’Assemblée fédérale au moment d’introniser un nouveau Conseiller fédéral, c’est avoir le choix. Elle attend du groupe PLR qu’il propose un ticket avec deux noms. En ne proposant que Cassis, le PLR tessinois vient de diviser ses chances d’aboutir par deux. 

Désormais, les Romands sont parfaitement légitimés à présenter un candidat à la succession de Didier Burkhalter, et ils maximiseront leurs chances en mettant en avant une femme.

Cette idée que les intérêts tessinois sont solubles dans une seule personne, ce n’est pas sérieux. Surtout si cette personne est Ignazio Cassis, lobbyiste en chef des assureurs-maladie. Outre-Gothard, on croit avoir trouvé la parade à ce reproche: avant d’être élue au gouvernement, Doris Leuthard était surnommée « atomic Doris » et elle est pourtant à l’origine de la sortie du nucléaire.

Certes, mais l’énergie touche un peu moins le portemonnaie de tout un chacun que les primes d’assurance-maladie. Le nucléaire ne rogne pas le pouvoir d’achat des Suisses, année après année. Vraiment, il est étrange de vouloir associer la défense des vastes intérêts tessinois à ceux des assureurs-maladie- certainement une des corporations les moins populaires du pays.

Les Tessinois ont raison de penser que l’heure du retour de la Suisse italienne au Conseil fédéral a sonné. Mais plutôt que de donner des leçons de solidarité latine aux Romands, ils auraient mieux fait d’assumer leur ambition. En proposant deux noms, un homme, une femme, Ignazio Cassis et Laura Sadis, ils auraient coupé l’herbe sous les pieds des Romands et habilement mis la pression sur le groupe libéral-radical aux Chambres fédérales. Surtout, ils gardaient une carte dans leur jeu au cas où les liens d’Ignazio Cassis avec le lobby des assureurs se transformeraient en pesantes casseroles.

La messe n’est pas dite, l’Assemblée du parti cantonal, le 1er août prochain, pourra corriger l’erreur. Les femmes libérales-radicales aussi.

On doit à  une radicale vaudoise, Christiane Langenberger, l’habitude qui s’est installée de proposer à l’Assemblée fédérale un ticket avec deux noms (un homme, une femme, dans l’idéal et pour favoriser les candidatures féminines). C’était en 1998 lors de la succession de Jean-Pascal Delamuraz qui vit Pascal Couchepin triompher. Depuis, seule Doris Leuthard a été élue au premier tour et sans concurrence. Avec les doubles tickets, l’Assemblée fédérale a perdu l’habitude de pêcher un candidat surprise, non adoubé par son parti. Cette prérogative lui reste entière. Le PLR tessinois semble l’avoir complètement oublié, trop obsédé à ne vouloir pousser qu’un seul de ses champions.