La ténébreuse affaire Hildebrand

On connaîtra le 13 avril prochain l’épilogue de la ténébreuse affaire Hildebrand, du nom de l’ancien patron de la BNS, contraint de démissionner en janvier 2012.

Cette semaine le tribunal d’arrondissement de Zurich a essayé de comprendre les motivations de l’informaticien de la Banque Sarazin, qui révéla une transaction maladroite sur le compte du couple Hildebrand.

Pourquoi R.T. a -t-il décidé un matin d’aller regarder l’état du compte du patron de la BNS  ? Est-ce que les informaticiens de nos banques font souvent cela ? De quel esprit fouineur ou justicier était-il animé ? Quelqu’un lui a-t-il demandé de le faire ? Pour l’instant, le mystère reste entier, le prévenu, malade, ne s’est pas présenté à son procès.

On connaît mieux la suite. R.T. procède à une capture d’écran qui montre un achat de devises par l’épouse du patron de la BNS peu avant l’annonce de l’instauration du taux plancher du franc face à l’euro. Il y voit le signe d’un délit d’initié.

R.T. prend contact avec un ami d’enfance, avocat et élu UDC, Herman Lei, lui aussi inculpé. Là les versions divergent désormais. Ce qui est sûr c’est que les deux compères décident de faire part de leur trouvaille à Christoph Blocher. Le tribun zurichois voit tout le parti qu’il va pouvoir tirer de ces documents en organisant une fuite dans les médias, tout en alertant le Conseil fédéral. Le TagesAnzeiger a révélé cette semaine que Christoph Blocher et Roger Köppel, le rédacteur en chef de la Weltwoche, ont échangé 100 sms et appels téléphoniques entre le 3 et le 11 janvier.

Dans un premier temps, le Conseil fédéral a soutenu Philipp Hildebrand, lui renouvellant sa confiance. Ensuite, il s’est complètement laissé manipulé par le duo Blocher-Köppel. La maladresse est devenue une faute, un scandale. Sous la pression, l’homme qui parlait les yeux dans les yeux au marchés financiers et incarnait la volonté inébranlable de défendre un cours soutenable du franc, a démissionné. Ce 9 janvier 2012, la Suisse s’est vu brutalement privée d’un des hommes les mieux connectés aux réseaux de la finance mondiale. Trois ans plus tard, presque jour pour jour, la BNS a renoncé au fameux taux plancher, et depuis, l’industrie et le tourisme suisses sont en mode survie.

Philipp Hildebrand, lui, va bien. Son salaire est estimé à 7 millions de francs. Il est devenu le vice-président du plus grand fond d’investissements de la planète, BlackRock qui gère des avoirs à hauteur de 4700 milliards de dollars. Il a divorcé et refait sa vie avec Margarita Louis-Dreyfus, héritère du groupe du même nom.

A l’informaticien qui a violé le secret bancaire et à l’avocat entremetteur, Philipp Hildebrand a demandé 24 000 francs d’ indemnités. Mais, quel que soit le verdict, ce sont les Suisses, privés d’un banquier central brillant, qui s’était mis humblement au service des intérêts supérieurs du pays, qui devraient exiger des dommages et intérêts.

* Texte paru en italien dans Il Caffè le 3 avril 2016

publié le 3 avril 2016 sur le site de L’Hebdo