Des primes impayables

C’est fou comme en matière d’assurance-maladie, on s’est habitué au scandale. Dans la valse des statistiques que nous vaut la publication ce jour du montant des primes pour l’an prochain, ce chiffre: 2,3 millions d’assurés bénéficient d’une réduction.

Comme ces choses-là sont joliment dites! Un tiers des assurés ne pourrait pas payer ce qu’il « doit » aux caisses sans l’aide de l’Etat.

Et on veut doucement continuer comme cela? A coup de petites hausses chaque année resserrant le noeud jusqu’à étrangler toujours un peu plus les familles et les foyers âgés?

La proportion des « subventionnés » reste la même ces dernières années, nous dit-on. Cela ne me rassure absolument pas. On s’est habitué au scandale.

Jacques de Watteville: enfin un diplomate qui connaît l’UE

Enfin une bonne nouvelle sur le front extérieur! Enfin un diplomate, aguerri, qui connaît Bruxelles et l’UE comme sa poche pour négocier avec les Européens sur les questions fiscales. Jacques de Watteville sera dès le 1er novembre le nouveau Secrétaire d’Etat aux questions financières internationales.

Et on ajoutera: enfin un Romand nommé aux plus hautes responsabilités dans le Département d’Eveline Widmer-Schlumpf.

Histoire et UDC: faudrait savoir….

Stupéfiante cette polémique estivale sur les « juges étrangers ». Didier Burkhalter et ses services n’ont pas encore ramené de Bruxelles la moindre ligne d’accord négocié et accepté par  la partie adverse que, déjà, on s’époumone, on s’indigne, on vitupère. Parmi ces réactions, il y en a une que je ne comprends guère, c’est celle de l’UDC.

Si j’ai bien suivi Ueli Maurer en Chine, on peut tirer un trait sur le massacre de Tian’anmen, vieux de moins de 25 ans. Si j’ai bien suivi Oskar Freysinger, il n’y a pas lieu de revenir sur le massacre de Srebrenica datant de 1995.

Alors s’ils veulent tirer un trait sur l’Histoire d’il y a moins d’une génération, pourquoi les mêmes nous convoquent-ils des faits remontant à plus de 700 ans ?

C’est incohérent.

Vignette à 100 francs: vous préférez une augmentation d’impôt?

Malgré le dépôt du referendum contre la vignette autoroutière à 100 francs, j’ai de la peine à m’indigner. Nos routes tout comme nos trains sont engorgés, c’est une évidence qu’il faut plus d’argent pour entretenir et développer le réseau routier comme celui des transports publics.

A partir de là, ceux qui ne veulent pas de la vignette à 100 francs devraient se montrer plus cohérents et exiger des hausses d’impôts massives pour trouver les milliards nécessaires – ce qu’évidemment ils ne feront pas, appartenant plutôt au camp de ceux qui revendiquent de manière pavolovienne des baisses d’impôts.

Une vignette à 100 francs, ce n’est jamais que le montant des péages autoroutiers d’un seul aller et retour dans le Centre de l’Italie, en Toscane ou en Ombrie. Comme les Suisses sont de grands voyageurs vers le Sud, je vous laisse caclculer que leur financement aux coûts des autoroutes étrangères, particulièrement françaises, italiennes et espagnoles, est très très supérieur à 100 francs par an.

Personnellement, je l’aurais mise à 200 ou même 500 francs, notre vignette. En comparaison internationale, elle reste bon marché!

Lex USA: divorce institutionnel

Interrogé par la Radio romande mardi soir, Pascal Couchepin a indiqué qu’il aurait voté oui à la Lex USA. Son argument ? Dans le doute, et dieu sait que ce vote était entouré d’incertitudes sur ses conséquences, un parlementaire doit se fier à l’avis du Conseil fédéral.

Cette prise de position d’un ancien conseiller fédéral est intéressante. Et pas seulement parce qu’elle est l’inverse de celle prise par le groupe libéral-radical. Elle montre à quel point nos institutions sont sous tension, à quel point les règles et les équilibres qui prévalaient jadis n’ont plus cours.

Aux côtés d’Eveline Widmer-Schlumpf, en charge du dossier, pas moins de quatre autres conseillers fédéraux ont été entendus par la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national : Didier Burkhalter, Johann Schneider-Ammann, Simonetta Sommaruga et Ueli Maurer. Tous ont enjoint les députés de changer d’avis et d’accepter la Lex USA. Une démarche exceptionnelle. On n’a jamais vu autant de ministres qui montent ouvertement au front avant une décision parlementaire. En général, les consignes et les recommandations de vote se donnent dans l’intimité des groupes parlementaires.

Cet engagement collégial n’a pas suffi  à renverser les opinions. Ce divorce entre parlement et gouvernement devrait nous inquiéter, quelle que soit l’opinion que l’on a sur le deal mal ficelé avec les Américains pour solder les bêtises commises par certains banquiers indélicats Outre-Atlantique.

Première explication, la collégialité ainsi affichée à l’égard d’Eveline Widmer-Schlumpf n’était que de façade. Le collège l’aurait laissée montée au filet avec sa solution bancale pour mieux la voir s’écraser. Cynique, mais en politique la froideur calculatrice est une arme comme une autre pour évacuer un problème.

Deuxième explication : à Berne, les jeux tacticiens sont désormais plus importants que l’intérêt général ou la loyauté aux institutions. Dans l’affaire de la Lex USA, les refusants (PLR, UDC et PS) ont voulu profiler leur credo, alors que les acceptants (PDC, PBD et Verts et Verts libéraux) ont tenu à afficher de leur bonne volonté gouvernementale et leur sens pragmatique des responsabilités.

Plus de dix ans de polarisation expliquent ce jeu individualiste des partis. Le fait de disposer de un ou même de deux conseillers fédéraux, comme le PLR et le PS, n’obligent plus un groupe parlementaire à se sentir tenu de soutenir une décision assez capitale du gouvernement. C’est un abîme qui s’ouvre sous nos pieds. 

Blocher-Widmer-Schlumpf: 0 à 2

L’initiative pour l’élection du Conseil fédéral par le peuple est née du dépit de l’UDC d’avoir vu son mentor, Christoph Blocher, évincé du Conseil fédéral en 2007, et plus généralement de la frustration de ne pas être représenté au gouvernement conformément à son poids électoral au Parlement.

Cette opération de « vendetta »  a lamentablement échoué. Aucun canton ne donne raison au premier parti de Suisse. On peut même lire dans les différents scores une sorte de soutien à Eveline Widmer-Schlumpf. La Grisonne est actuellement très chahutée dans le règlement du contentieux fiscal avec la justice Américaine. La performance de la cheffe du Département du Finance, désignée comme bouc émissaire, aurait pu avoir un effet sur la votation, amener de l’eau au moulin de ceux qui estiment que les ministres en place souffrent d’un déficit de légitimité, ou que les oints par les « combines parlementaires » ne sont pas à la hauteur.

Rien de tout cela. Dans le match Blocher/Widmer-Schlumpf, c’est 0 à 2, et c’est encore elle qui gagne. Son itinéraire au Conseil fédéral est des plus inédits, son savoir faire face au Parlement est pour le moins déficient, mais le peuple n’a pas exprimé la moindre envie de bousculer le système.

Dix cantons sont en dessous de la moyenne nationale de refus, signalant une méfiance supérieure face au texte de l’UDC: Jura, Neuchâtel, Fribourg, Vaud, Bâle-Ville, Valais, Lucerne, Berne, Grisons, Bâle-campagne, Zoug.

Un demi-million d’Italiens en Suisse

Les récentes élections italiennes m’ont permis de découvrir que la Suisse abrite la troisième plus grande communauté de Transalpins du monde. 442 557 électeurs résidant ici étaient inscrits dans les registres électoraux. Seule l’Argentine – 574 140 – et l’Allemagne nous dépassent, avec toutefois quelques bonnes dizaines de millions d’habitants en plus. Suivent la France – 306 554 – la Belgique – 210 572 – .

Dans les gigantesques Etats-Unis, les Italiens ne sont que 184 207, et dans le très grand Canada 117 053.

Tout ceci sans compter les enfants.

Pourquoi vous abreuver de tant de chiffres? Parce qu’ils disent quelque chose de très significatif sur notre politique de naturalisation.

La France n’a pas été moins que nous une terre d’immigration pour l’Italie, mais elle applique le droit du sol, et offre donc généreusement sa nationalité.

La Suisse a toujours préféré se montrer très restrictive préférant le droit du sang, comme l’Allemagne. Résultat, une deuxième puis une troisième génération d’Italiens sont nées de ce côté-ci des Alpes. L’immigration italienne s’étant passablement réduite depuis les années 1980, la présence d’une aussi vaste communuaté – au moins un demi-million de personnes, si on compte les enfants – devrait interpeller.

Quoi qu’il en soit, l’italianité de la population suisse (les doubles-nationaux comme ceux ne sont qu’Italiens) est spectaculaire. Puissent ceux qui statuent sur le nouveau droit de la naturalisation regarder cette réalité en face.

Un manque scandaleux d’engagement

C’est la neuvième fois depuis 1848 que la majorité des cantons défait la volonté populaire, a signalé Alain Berset. Une particularité dont on se serait aisément passé, et qui signale un profond malaise dans la conception de la politique familiale et du rôle de l’Etat en général, dont le gouvernement ferait bien de prendre la mesure. La tentation sera grande de voir cet épisode comme un accident fâcheux et de l’oublier, comme tout ce qui questionne la modernisation de nos institutions.

Les résultats dans les cantons alémaniques sont souvent serrés et montrent que le double oui était prenable. Dès lors, il faut le dire haut et fort, même si cela va déplaire: il y a eu un défaut d’engagement des partis qui soutenaient l’article (PDC et PS), et surtout l’attitude incompréhensible du PLR qui a miné pour longtemps la crédibilité de ses élues très engagées dans la conciliation entre famille et activité professionnelle.

Il y a ausi eu un défaut d’engagement étonnant du Conseil fédéral (qui compte 3 femmes), et d’Alain Berset en particulier, comme socialiste et comme chef du DFI, qui ne s’est impliqué dans la campagne que tardivement.

Il y a eu un manque de pédagogie sur ce qu’est un article constitutionnel, à savoir une déclaration d’intention. La question des coûts, toujurs importante, n’a pas été anticipée de manière sérieuse par le DFI. En Suisse, on ne rassure qu’en étant clair sur les chiffres. Il aurait fallu donner des simulations, des estimations, des variantes larges ou plus minces, comme l’administration sait très bien en produire dans plein de dossiers.

Tout s’est passé comme si la vie des familles et les enjeux de conciliation entre  la vie professionnelle et de la vie privée n’étaient qu’un détail pour la classe politique fédérale, un truc bon à agiter pendant les campagnes électorales, mais qui ne valait pas la peine de se remuer lors d’une votation.

Tout juste vingt ans après la non-élection de Christiane Brunner au Conseil fédéral, c’est assez rageant. Décidément pour les femmes de ce pays, rien n’est jamais facile, et sans mobilisation extraordinaire (comme celle qui aboutit à l’élection de Ruth Dreifuss une semaine plus tard), on n’obtient rien….

Poutine nous aime comme Gégé

La Suisse sera invitée aux réunions des ministres des finances du G20. Belle victoire de la diplomatie suisse et de ses stratèges. La technique est connue: comme nous ne sommes pas membres de l’UE (Union européenne), il s’agit de rentabiliser au mieux nos relations bilatérales avec les pays qui peuvent nous ouvrir des portes. On rend service et à la fin, on encaisse un retour sur investissement. Eveline Widmer-Schlumpf et Thomas Jordan iront donc à Moscou les 15 et 16 février prochain. C’est en effet la Russie qui préside actuellement ce forum des grandes puissances, et c’est donc à elle que l’on doit ce « cadeau ». Qui eut cru que Poutine nous estime autant que Gérard Depardieu?

Le respect de la « Willensnation » se perd

La Suisse est une nation de volonté. Nous ne sommes pas unis par une seule langue, une seule religion ou une géographie
particulière, mais par l’envie et l’intérêt de vivre avec des Confédérés différents de nous-mêmes.
S’agglomérer tout en se respectant est une belle idée. D’autres que nous, les 27 membres de l’Union européenne, ont décidé de la pratiquer à l’échelle continentale. Les Suisses devraient être fiers de leur savoir-faire, de ce vivre ensemble sans tensions trop exacerbées. Mais, hélas, la déférence portée à ce trésor national se perd. Voyez les CFF, au service de la mobilité des habitants, et maintes fois soutenus par les citoyens-contribuables. Ils se sont crus autorisés à faire payer l’usage des gares par les partis politiques qui voudraient y faire campagne. Scandale. Protestations. Depuis, les CFF ont fait marche arrière. Ils n’exigeront qu’un montant forfaitaire. Mais ce mépris bureaucratique pour le jeu démocratique est inquiétant.
Autre signal d’alarme, il n’y a aucun officier romand parmi la dernière promotion de l’Académie militaire de l’Ecole polytechnique de Zurich. «L’armée suisse se transforme en armée suisse allemande», titre 24heures. Le principe selon lequel le soldat doit pouvoir faire son service dans sa langue est désormais remis en cause, prévient Denis Froidevaux, président de la Société suisse des officiers. La langue de commandement est l’allemand, le plurilinguisme coûte trop cher.
Une molle résignation s’installe. L’alémanisation outrancière du Département de la sécurité d’Ueli Maurer, maintes fois dénoncée dans nos colonnes, ne fait guère débat. Le conseiller fédéral, issu du parti qui se veut le protecteur de la «maison suisse», se fiche complètement de l’exclusion des Romands des sphères de décision. Combien de parlementaires romands le sanctionneront-ils pour ce dédain le 5 décembre prochain, lors de l’élection à la présidence de la Confédération?
Croire que le génie de la Suisse se réduit à Zurich et sa périphérie est une insulte à l’histoire nationale. Swiss vient de s’en apercevoir, plus de seize ans après la fâcheuse décision de Swissair de se retirer de l’aéroport de Cointrin. L’arrogance a été mauvaise conseillère. La Suisse romande a retiré de cet épisode douloureux (et de quelques autres déboires) une énergie à se reconstruire qui l’a vaccinée contre tout sentiment de supériorité. Le marché romand est redevenu terriblement attractif.
Consentir à des efforts, voire à quelques gaspillages, par respect des minorités, à long terme, l’attitude n’est pas seulement
noble, elle s’avère gagnante. Puissent les dirigeants de notre armée le comprendre avant qu’il ne soit trop tard.