Un plan B pour le Gripen?

C’est une curieuse habitude qui s’est invitée dans nos votations.* Nous sommes amenés à trancher des questions précises, mais quand celles-ci s’avèrent délicates, émotionnelles, pas «gagnées d’avance», la question fuse, exigeante: quel est le plan B?

Notre démocratie et nos institutions ne sont pas optionnelles, elles ne resposent pas sur des variantes, elles obligent à décider, et en cas de verdict négatif, mais de nécessité persistante de légiférer, de remettre l’ouvrage sur le métier. Ainsi fut-il fait pour l’assurance-maternité, inscrite dans la Constitution en 1945, mais dont la loi d’application n’a trouvé une majorité populaire qu’en 2004, après maints essais de concrétisation.

La votation du 18 mai sur l’achat de 22 avions de combat Gripen est l’épilogue d’une grande saga, comme seul le Département militaire sait les alimenter. On ne se souvient pas que notre armée ait pu acquérir des avions sans controverses publiques, la pire, celle des Mirages, ayant débouché sur la démission du conseiller fédéral Paul Chaudet en 1966.

Les 22 Gripen suèdois sont loin d’avoir séduit. Selon les sondages, le non recueille 62 %. Aux traditionnels pacifistes qui rêvent d’une Suisse sans armée s’ajoutent les sceptiques sur les priorités de la défense, ou ceux encore qui auraient préféré un autre appareil. Ueli Maurer, en charge du dossier, peine à convaincre.

C’est dans ce contexte difficile que sont venues semer la pagaille les déclarations du conseiller national Thomas Hurter (UDC/SH). Cet ancien pilote suggère ouvertement un plan B: acquérir les avions via le budget courant de l’armée.

La proposition énerve passablement et pas seulement dans son parti. Avouer que l’on n’est prêt à contourner la volonté populaire avant même que celle-ci ne se soit exprimée n’est pas très habile. C’est surtout peu démocrate, et venant d’un élu dont le parti sanctifie le respect de la volonté populaire, c’est problématique. La preuve d’une éthique politique à géométrie très très variable.

Une autre solution de rechange a souvent été évoquée: acheter des Rafale et se concilier ainsi les bonnes grâces de la France dans les contentieux fiscaux en cours.

Là aussi, les espoirs ont été douchés par Paris. La France de Manuel Valls et d’Arnaud de Montebourg ne transigera pas sur la morale fiscale pour quelques avions. Nous ne sommes plus dans l’ère des bonnes combines entre amis, plutôt celle des règlements de compte. Si les Suisses crashent les Gripen, ils devront en assumer les conséquences. Mais il est vrai que nous sous-traitons déjà une partie de notre police du ciel à nos voisins en dehors des heures de bureau…

*Chronique parue en italien dans le Caffè. http://www.caffe.ch/stories/il_punto/46609_ad_ogni_voto_popolare_serve_un_piano_b/