Ecopop: entre impatience et impuissance

Ils ne sont peut-être pas personnellement xénophobes, du moins c’est ce qu’ils prétendent, mais ils refusent de voir que la manière dont ils veulent dompter les flux migratoires est une mesure anti-étrangers.  Cela m’est apparu très clairement en regardant l’autre soir le débat d’Infrarouge: les initiants d’Ecopop veulent alerter l’opinion sur les effets de la démographie sur la viabilité de la planète, mais ils se fichent des conséquences concrètes de leur texte, et ne supportent pas d’y être confrontés par les opposants ou les experts.

Philippe Roch a ainsi tour à tour fustigé les professeurs d’université qui ont tort, les patrons qui ont tort et les élus politiques qui ne font rien.

Il ne semble même pas avoir remarqué que si des personnalités aussi différentes et éloignées idéologiquement que le PLR Christian Luscher et le Vert Robert Cramer sont unis dans cette campagne, c’est peut-être l’indice que c’est lui qui devrait remettre en question sa réflexion ou sa posture.

Pour quelqu’un qui justifie son investissement dans la campagne par la volonté d’ « ouvrir un débat », je trouve que l’ancien chef de l’office fédéral de l’environnement s’est montré peu respectueux de l’opinion de ses contradicteurs.   

Mais, je dois dire que moi qui fais métier d’observer les politiques, je commence à en avoir plus qu’assez d’entendre que les élus, le Parlement, le Conseil fédéral, « ne font rien ». Même si je dois confesser avoir certainement utilisé ce genre de jugement à l’emporte-pièce dans l’un ou l’autre de mes articles.

Je clarifie donc: les politiques, les élus, le Conseil fédéral, les parlementaires font parfois faux (c’est une question de point de vue), ils agissent parfois (souvent) très lentement, ils se montrent souvent peu sensibles à l’un ou l’autre aspect du dossier, mais sous-entendre qu’ils ne font rien du tout Punkt Schluss, rien de chez rien, qu’ils se tournent les pouces et ricanent de l’expression de la volonté populaire,  est un peu facile. Et inexact.

Dans le cas de la mise en oeuvre de l’initiative du 9 février « contre l’immigration de masse », le Conseil fédéral n’a pas encore trouvé de solution, mais on ne peut pas dire qu’il n’a rien fait: des propositions ont été élaborées, une consultation est en cours, les contacts avec Bruxelles ont été nombreux. Mais on ne met pas en oeuvre une norme constitutionnelle qui contredit d’autres votes populaires (sur les bilatérales) en claquant des doigts.

La politique, le Conseil fédéral en première ligne, ne peut pas changer le cadre (ou si vous péférez le contexte) La Suisse n’est pas une île, elle n’a ni la puissance, ni la taille des Etats-Unis, de la Russie ou de la Chine, tentés à différents moments de leur histoire par l’Alleingang (doctrine Monroe chez les Américains). Impossible d’agir sur la migration sans concertation avec les autres pays concernés. Impossible de négocier avec l’Union européenne si elle n’est pas d’accord d’entrer en matière. Ce qui apparaît de plus en plus clairement aussi, c’est que les Ecopopistes ou l’UDC souhaitent changer le cadre, tels des enfants égoïstes qui veulent gagner le jeu tout de suite et changent ses règles pour y parvenir et qui ne comprennent pas que les autres participants refusent ou s’énervent.

Cette attitude est d’autant plus dommageable que le cadre nous échappe à nous Suisses plus qu’à d’autres. Nous n’appartenons ni à l’Union européenne, ni au G20, deux clubs où se prennent des décisions cruciales pour le petit état enclavé dans un grand ensemble et la puissance économique moyenne que nous sommes.

J’observe sur les réseaux sociaux beaucoup de commentateurs se félicitant de pas en être, compte tenu des performances économiques ou politiques actuelles de l’UE ou du G20, qu’ils jugent, sans nuances, médiocres, voire méprisables. On reste « maître chez nous », disent-ils. Mais je crois que nous ne sommes maîtres de rien, et que nous subissons sans pouvoir actionner le moindre levier pour influencer le cours des choses dans un sens qui nous paraît souhaitable, opportun, raisonnable,…

Ecopop illustre cette manière de piaffer d’impatience et d’impuissance.