Très piquante formule d’Erik Orsenna en conversation avec Eric Fottorino dans Le 1 hebdo à propos de la démondialisation comme déni de réalité, paresse, refus de la complexité: « … Les politiques veulent simplifier car on vote pour le simple. Ne parlons pas de populisme mais de simplisme. Bientôt il n’y aura plus que des simplets au pouvoir. »
Je sens que l’on va souvent y penser à partir du 20 janvier. En attendant, la lecture de ce numéro consacré à la fin du monde mondialisé est particulièrement roborative. L’interview du diplomate géographe Michel Foucher « Un monde démondialisé, c’est un monde en guerre » est brillante.
On ne dira jamais assez à quel point l’exercice de la primaire est délicat pour un parti. Distinguer les mérites des candidats à l’investiture implique inévitablement d’avoir l’air de dénigrer l’un lorsque l’on met en avant les qualités de l’autre.
Aux Etats-Unis, le déroulement de la primaire démocrate a nourri le fiasco final.
En France, l’actuelle primaire de gauche relève de l’inspection d’un champ de bataille après les combats pour tenter de sauver quelques survivants vaillants.
Dans le canton de Vaud, la primaire socialiste s’avère un exercice hautement délicat, après la pénible éviction d’Anne-Catherine Lyon. La « campagne » se joue à huis clos, dans l’intimité du parti. L’égalité de traitement qu’exige ce type de consultation ne peut toutefois masquer indéfiniment l’inégalité des talents.
Dans l’exercice de comparaison des trois candidates, trois éléments me semblent ne pas avoir été assez mis en avant:
il appartient au parti socialiste vaudois de choisir une personnalité qui a de bonnes chances de devenir conseillère d’Etat. Cela plaide pour celle qui a le plus d’expérience de la politique et de la complexité des dossiers. Avantage Cesla Amarelle.
les études historiques montrent que, dans les exécutifs, les élus ayant une formation en droit sont sur-représentés. Ce n’est pas un hasard. Le job consiste à écrire des lois, les mettre en oeuvre, surveiller leur bonne application,… Des compétences techniques en la matière sont un plus, même si le Conseil d’Etat peut s’appuyer sur l’expertise de ses services juridiques. Actuellement, le gouvernement vaudois peut compter sur l’oeil avisé de quatre juristes de formation: Anne-Catherine Lyon, Jacqueline de Quattro, Béatrice Métraux et Philippe Leuba. Avec le départ d’Anne-Catherine Lyon, les socialistes perdent leur caution juridique propre. Là encore l’avantage est pour Cesla Amarelle, professeur de droit et membre influente de la Commission des institutions politiques du Conseil national.
un des tabous de la politique cantonale est le poids pris par les activités intercantonales et la concertation avec l’échelon fédéral. On aime à penser dans les cantons que nos conseillers d’Etat sont de petits rois souverains investis d’un fort pouvoir de proximité. Tout n’est pas faux dans cette vision fédéraliste idyllique, mais selon les secteurs ou les thèmes, le travail commun avec les chefs de départements des autres cantons absorbe de plus en plus d’énergies. Sous cet angle, un candidat rompu aux subtilités et aux manoeuvres de la politique fédérale est un gage d’efficacité. Là encore, l’avantage est pour Cesla Amarelle qui dispose d’un réseau de contacts plus étoffé que les deux autres candidates de la primaire, Fabienne Freymond Cantone et Roxane Meyer Keller.
Une dernière remarque: depuis 2002, après une décennie de crises politique, institutionnelle et financière, les Vaudois ont vu émerger un gouvernement solide, compétent, cohérent, que les autres cantons lui envient désormais. Ce « miracle », qui a survécu à une législature durant laquelle les majorités au Conseil d’Etat et au Grand Conseil étaient antagonistes, tient aux caractères bien trempés de toutes les personnalités qui composent le gouvernement, même si les femmes qui y siègent actuellement (en majorité) sont moins « Alphatier » que le tandem Broulis-Maillard.
Le caractère fort de Cesla Amarelle est bien connu des socialistes, puisqu’elle a présidé le parti cantonal. L’Yverdonnoise n’aurait aucun problème à s’insérer dans une équipe aguerrie. Pour continuer de bien fonctionner, le collège gouvernemental a besoin d’une nouvelle collègue qui n’a pas l’habitude de se laisser intimider. Pour maintenir son influence sur le dit collège, le parti socialiste vaudois a besoin d’une élue dont le profil et les compétences ne relèvent pas d’un gentil pari entre camarades.
Je viens de lire un article qui fait allusion aux prophéties auto-réalisatrices. Il s’entrechoque dans ma tête avec tous ceux qui commentent l’état du monde et/ou de l’Europe sur le mode catastrophiste. 2017 année cataclysmique de tous les dangers?
Y-a-t-il encore des optimistes, sont-ils forcément des imbéciles heureux? Je n’aime pas cette époque qui se complaît dans le noir et l’angoisse.
Il n’y a aucun problème (du populisme au climat, en passant par les guerres) dont nous ne connaissions la solution, seul manque le courage d’agir, de regarder la réalité en face, de s’entendre, de faire des concessions.
Montée des tensions entre Etats-Unis et Russie. Quelles en seront la portée? Rodomontades poutiniennes? Fin de règne d’Obama?
Une prise de conscience s’impose: la guerre au XXIème siècle sera numérique. Pourquoi s’encombrer de soldats au sol, si on peut perturber l’adversaire, l’ennemi, par des cyber-attaques?
Pas sûr que nous ayons encore pris la mesure de cette nouvelle donne, nous les Suisses. Impossible d’être neutres dans la cyber-guerre, de pratiquer l’équilibre des concessions ou des compromissions. Les apparences, que l’on a tenté de préserver pendant les décennies de la guerre froide, ne seront plus praticables.
Car, sommes-nous armés pour nous défendre? Pas vraiment, puisque technologiquement dépendants.
On attend désormais que le Conseil fédéral, respectivement le Département de la défense, veuille bien nous éclairer sur la perception de ce nouvel enjeu, sur la stratégie qu’il entend mettre en oeuvre, et les moyens à dégager. Pour contrer les effets de la cyber-guerre, de combien de divisions disposons nous au juste, M. Parmelin?
Ai-je bien entendu? Le parti libéral-conservateur * veut faire « payer les patrons » lorsqu’ils engagent un étranger? Est-ce qu’il n’y a pas un problème d’étiquette? Ou de cohérence?
Des libéraux qui réclament des impôts… on aura tout vu.
Si j’ai bien compris, on va augmenter le prix de la franchise pour RESPONSABILISER les assurés. Depuis le temps, toutes ces années où les primes d’assurance-maladie ont pris l’ascenseur, il me semblait qu’ils l’étaient déjà…. je doute que de nouvelles hausses ne soient qu’un noir paravent pour entériner une médecine à deux vitesses. La santé, il y a de plus en plus ceux qui ont les moyens de la préserver, et ceux qui doivent renoncer.
Faut-il rappeler que près de 27% des assurés touchent des subsides pour payer leurs primes? Comment vont-ils pouvoir s’acquitter d’une franchise supérieure?
Dans le vaste débat sur les classes moyennes et les inégalités, il y a un point qui est en général admis: les primes d’assurance-maladie rognent le pouvoir d’achat et nourrissent dans la population le sentiment de déclassement. Malgré les augmentations de salaire, le niveau de vie ne s’améliore pas. Le parlement veut-il vraiment encourager cette grogne?
Doris Leuthard a été élue présidente de la Confédération pour 2017. Ce rituel lui vaut de nombreux portraits et des louanges certainement méritées. La démocrate-chrétienne est un de nos meilleurs ministres actuellement en poste.
Un détail m’agace ou peut-être que c’est mon féminisme qui s’agace: cette unanimité à souligner son « charme ». Je me demande si les mêmes l’année prochaine évoqueront le « charme » d’Alain Berset. On écrit rarement d’un politicien qu’il a du charme, on parle de son charisme, et on ne juge pas son action politique à cette aune-là. Quand il s’agit d’une femme par contre…
Pour sa deuxième année de présidence, on aurait peut-être pu lui épargner ce sexisme ordinaire.
Matteo Renzi rottomato par lui-même, mis à la casse pour avoir confondu referendum et plébiscite. Ironie du sort, sa réforme constitutionnelle a engrangé environ 10 points de plus que les intentions de vote du PD (parti démocrate) – qui reste le premier parti d’Italie.
Les causes de l’échec de Renzi sont multiples : la principale à mes yeux, son hyperpersonnalisation du pouvoir. Il a coalisé contre lui les partis de droite, mais aussi la gauche du PD. La rançon de son orgueil.
Une autre chose me frappe : malgré l’immense envie des Italiens de rompre avec la vieille manière de faire de la politique, malgré leur envie de destituer la « caste », d’en finir avec les privilèges, le train de vie dispendieux des élus, ils ont rejeté une texte qui réduisait drastiquement le Sénat. Pourquoi ? Comme Nicolas Sarkozy, comme François Hollande, Matteo Renzi n’a pas terrassé le chômage, et notamment le chômage des jeunes. Et ça, ça ne pardonne pas, quelle que soit la question. Les jeunes générations, privées d’avenir, lui font payer cash leur manque de perspectives hors l’exil…
Le Florentin voulait changer l’Italie en 100 jours, puis il a annoncé avoir besoin de 1000. Au bout de ces 1000 et quelques, il a déçu, même si le bilan de son gouvernement n’est pas mauvais. Mais il y a eu trop de promesses, trop d’effets d’annonce.
Comme les Français, les Italiens sont las des élus qui promettent la lune. Leur attachement aux « combinazione », favorisées par le système institutionnel, procède toutefois d’un certain aveuglement. Ce 4 décembre constitue un saut dans l’inconnu. Sergio Mattarella, le président de la République, pour qui la gestion de cette crise est le baptême du feu, ne voudra pas être l’homme qui donne les clés du palazzo Chigi au Mouvement Cinq étoiles. Il va étudier toutes les options.
Une inconnue de taille dans cette équation, Renzi va-t-il aussi démissionner de son poste de secrétaire du PD ? Sera-t-il une des pièces du grand jeu ou se retirera-t-il près de l’Arno ?
Il voulait réformer l’Italie en 100 jours, puis il indiqua qu’il lui en faudrait 1000. Arrivé au palazzo Chigi le 22 février 2014, Matteo Renzi a passé ce cap le 18 novembre dernier.
Dimanche prochain 4 décembre, le premier ministre italien, qui avait promis de mettre à la casse la vieille classe politique, sera peut-être « rottomato » par lui-même. Sombre ironie du destin pour cet ancien maire de Florence qui s’est hissé au sommet du pouvoir sans jamais avoir été élu au Parlement.
La réforme de la Constitution qu’il soumet à referendum est pourtant un bon projet. Pas un projet parfait, mais une tentative honorable de mettre fin à l’instabilité chronique des gouvernements italiens (60 en 70 ans d’existence). En abolissant le bicaméralisme parfait, en diminuant le nombre des sénateurs de 315 à 100, il veut réduire le coût de la politique et en accélérer le tempo. Les sénateurs seraient les élus des régions, une manière de rapprocher les fastueux palais romains de la réalité des territoires.
Le problème avec les gens aussi doués et insolents que Matteo Renzi, c’est qu’ils sont orgueilleux. Pressé d’engranger un résultat indiscutable – la reprise économique promise reste timide même si beaucoup de courbes de sont inversées à la hausse -, le président du Conseil a transformé le referendum en plébiscite, annonçant ce printemps qu’il démissionnerait en cas de refus (il s’est rétracté ensuite, mais trop tard, le mal était fait). Ses nombreux ennemis se sont engouffrés dans la brèche : les partis de droite laminés depuis l’éviction de Silvio Berlusconi du Sénat en 2013, le Mouvement Cinq étoiles, et de nombreux caciques de la gauche du Parti démocrate. Depuis des mois, les sondages donnent le non en tête, même si ces dernières semaines le camp des indécis semble se rétrécir au profit du oui.
Il suffit de suivre Matteo Renzi sur les réseaux sociaux qu’il affectionne tant pour constater que ce jeune quadragénaire se démène comme un diable aux quatre coins de la péninsule pour convaincre. Comme s’il cherchait à effacer son erreur initiale.
S’il réussit à faire accepter sa réforme, il pourra comme d’autres en cette année 2016 se gausser des professionnels de la prévision qui ne l’auront pas vu arriver. Il pourra alors préparer tranquillement la commémoration des 60 ans du Traité de Rome prévue en mars prochain, et à laquelle il entend donner du relief pour asseoir sa position dans le jeu européen.
Dans le cas contraire, c’est une pluie de calamités qui va s’abattre sur l’Italie convalescente.
Les marchés et les institutions européennes votent Renzi – ce que ses adversaires ne manquent pas d’exploiter. En cas de non, il faut s’attendre à une remontée des taux d’intérêt pour les emprunts italiens. Sur le plan politique, les scénarios catastrophe s’entre-choquent : démission du wonderboy humilié, élections anticipées, gouvernement technique.,…
Elu en 2015, Sergio Mattarella, le président de la République, n’a pas encore eu à gérer ce type de crise. Tout dépendra du caractère serré ou ample de la défaite, mais avant de décider d’élections anticipées, il ne voudra pas être l’homme qui a ouvert les portes du pouvoir au Mouvement Cinq étoiles, à la gestion plus qu’imprévisible si l’on en juge par celle erratique de la nouvelle maire de Rome…. Il étudiera toutes les autres options avant d’envoyer à la casse un Renzi, dont l’histoire retiendra alors qu’il aura gaspillé son talent par excès de confiance.
Dans un livre qu’il a écrit avant de devenir premier ministre, le florentin ne notait-il pas lui-même que la victoire appartient à tous, alors que la défaite est personnelle ?
Bienvenue sur mon site. Lors de mon départ de la rédaction de L’Hebdo, j’ai reçu beaucoup de messages de lecteurs me demandant « mais où pourrai-je vous lire désormais? »
J’espère que ce site correspondra à leurs attentes. Je vais y consigner mes réflexions, analyses, idées ou réactions chaque fois que l’actualité m’inspirera, ou que l’envie de m’exprimer me démangera. Ceux qui voudront réagir pourront le faire sur ma page facebook ou mon compte twitter.
Je vais aussi regrouper à terme sur ce site mes archives.
En plaisantant avec des collègues, imaginant notre futur dans un monde médiatique en pleine réinvention, nous avons ri du terme de « small talks » qui résonne avec mon nom de famille. Je publierai ainsi en toute liberté ou toute insolence de quoi réfléchir à l’intention de tous ceux qui aiment s’informer, s’interroger, se forger une opinion. Car susciter la discussion est la mission d’un journaliste, l’honneur de ma profession. Un devoir citoyen, qui n’est pas près de s’éteindre, quel que soit le support technique utilisé pour assurer la diffusion.