Le Conseil d’Etat vaudois vient de statuer sur deux symboles, avec un esprit de compromis, dont on pourrait sourire, mais qui est le reflet de sa manière de fonctionner depuis bientôt une décennie. Pour cette génération de politiciens, la voie consensuelle vaut toujours mieux
que le foutoir des années 90.
Le gouvernement a ainsi remanié le projet du nouveau Parlement, dont le gigantesque toit avait généré l’été dernier un référendum consterné. La seconde mouture se fond plus harmonieusement dans la skyline de la Cité. Elle n’est toujours pas décoiffante. A vrai dire, l’ancien Parlement ne l’était pas non plus, il jouissait juste de l’inestimable patine de l’histoire, tout en contraignant les députés à un confort plus que spartiate. On peut donc se résoudre à l’accepter. Pour un geste architectural fort, il aurait fallu que gouvernement, Parlement et administration quittent la Cité, s’installent pourquoi pas près de la gare (c’eût été pratique pour les députés venant de tout le canton). Dominée par le Château enfin rendu au peuple vaudois, la colline historique serait devenue un quartier des musées. Il appartiendra à une
autre génération d’avoir cette audace.
Plus encore qu’à l’apparence de la Cité lausannoise, les Vaudois sont attachés aux vignobles de Lavaux. Par deux fois déjà et avec une sympathie grandissante, ils ont approuvé des textes exigeant que l’on protège leur trésor: en 1977, à 57% de oui, en 2005, à 81%.
Comme la première, la troisième initiative «Sauver Lavaux» a été motivée par un projet de construction maladroit. Le texte a connu ensuite un parcours rocambolesque: déclarée anticonstitutionnelle par le Conseil d’Etat, validée par le Grand Conseil, objet d’un recours
au Tribunal fédéral gagné, elle a pâti des changements de chefs du département et de majorité, non sans que
s’élabore un contre-projet indirect déjà entré en vigueur.
Alors que les deux camps fourbissent leurs armes pour la bataille finale devant le peuple (la majesté du paysage ou la survie économique des hommes qui le modèlent), le gouvernement veut donner une chance à un contreprojet, une technique déjà éprouvée lors de débats tout aussi émotionnels que furent ceux sur la fumée passive et l’euthanasie active.
Le compromis pourrait se nouer sur la définition des équipements d’intérêt public pouvant déroger à l’interdiction de toute nouvelle construction, ou les exceptions à l’extension des zones à bâtir.
Emotion ou raison? Le dilemme déchire les démocraties. Il n’est jamais vain d’essayer de les concilier.