Une idée pour aider la presse écrite et les partis

La publicité politique disparaît des journaux. Le peu de budgets dont dispose la plupart des partis migre vers les réseaux sociaux. C’est un signe de l’époque: pourquoi les partis se comporteraient-ils autrement que les grands distributeurs? Reste que le recul manque pour savoir si ces stratégies de communication ciblée sont réellement plus efficaces.

J’attends avec impatience le moment où une docte étude viendra nous démontrer que la bonne vielle page de publicité que le lecteur trouvait dans son quotidien ou son magazine le touchait plus efficacement que les « fenêtres » qui jaillissent sur son écran. J’attends avec impatience le moment où une docte étude nous prouvera que la surprise en tournant les pages d’un quotidien ou d’un magazine retenait mieux son attention, suscitait plus son passage à l’acte d’achat que le bombardement intempestif de son regard errant sur son ordinateur.

La pub online est réputée vendre aux annonceurs des consommateurs bien identifiés selon les traces numériques qu’ils ont laissées ici ou là. Le hasard de la découverte, la surprise, ne sont plus que des fragments d’algorithmes.  L’individu n’est plus que la somme de ses choix précédents. Pour le supplément d’âme, circulez, il n’y a plus rien à voir.

Une critique commence à poindre: les utilisateurs de réseaux sociaux sont enfermés dans des bulles, en contact avec ceux qui pensent comme eux. Les curieux sont priés de ruser avec les paramètres pour rester confrontés à la contradiction, à la contrariété. Or, la démocratie vit de la confrontation des opinions; le vote permet l’arbitrage, la décision, et suppose que le citoyen a pris la peine de se forger une opinion éclairée.

En Suisse, malgré un calendrier de votations très soutenu, la politique souffre d’un déficit de financement. L’inflation du nombre d’initiatives n’a pas dopé les budgets des partis qui doivent « éclairer » le vote des citoyens, bien au contraire.

D’où ma suggestion: aider les partis à faire campagne, tout en aidant aussi la presse. L’idée m’en est venue lors d’un colloque à Genève sur l’avenir de la démocratie directe, alors que mon journal, L’Hebdo, venait juste d’être condamné à mort par ses éditeurs.

Une manière d’aider la presse écrite et d’instiller un peu plus d’égalité entre partis dans les moyens de faire campagne (pour une votation ou une élection) serait de doter les partis d’un budget publicitaire à dépenser impérativement dans les médias imprimés. Les formations politiques recevraient une sorte d’enveloppe forfaitaire pour la législature.

Les comptes des journaux s’en trouveraient bonifiés et le débat démocratique tout autant vivifié.

Avons nous assez pris conscience que nous sommes dans une époque où deux piliers de la démocratie sont dangereusement affaiblis: la presse et les partis politiques? Quoi que l’on pense de la qualité des uns et des autres, ne perdons pas de vue leur rôle essentiel dans la formation de l’opinion des citoyens !

Jusqu’où ira le désespoir à la française ?

La présidentielle française ressemble à un missile fou dont plus personne ne semble capable de reprendre le contrôle.  Est-ce que cela peut encore bien se terminer? Qu’est ce que serait une fin satisfaisante?

Macron élu, la Grande Nation s’offrirait un souffle de modernité. Mais les ennuis ne sont-ils pas programmés à l’Assemblée? Quelle majorité pour gouverner? Macron président peut-il pulvériser le clivage gauche droite une seconde fois lors des législatives?

Fillon élu, la France sacrifierait à la logique de l’alternance rituelle, mais le premier ministre devenu président réussira-t-il à se montrer crédible et serein après une campagne aussi boueuse et exaspérée?

Ce qui frappe, c’est que ce grand exercice démocratique est devenu l’expression d’une somme de frustrations et d’envies d’en découdre genre « du passé faisons table rase ». C’est inquiétant.

Il y a une an, les Français se désespéraient de devoir choisir entre Sarkozy, Hollande et Le Pen. Le renoncement de Hollande, les primaires et la marche décidée de Macron ont bien modifié ce casting déprimant. Mais, les Français ne semblent toujours pas soulagés d’avoir un choix somme toute assez élargi.

Prisonniers de leur colère (dont on se gardera de dire qu’elle n’est pas légitime tant la gauche que la droite ont depuis 30 ans failli à leurs engagements) les Français sauront-ils voter utile et efficace pour s’éviter la catastrophe que serait l’élection de Marine Le Pen? Ou voudront ils punir leur classe politique impuissante malgré les conséquences?

Small talks sur la « parole au peuple »

Plutôt que d’invoquer « la parole au peuple » à tout bout de champ, je propose que l’on précise « la parole au débat », c’est à dire à la confrontation des avis.

En démocratie, c’est de la prise en compte de la contradiction que naissent des solutions originales et praticables. Il n’y a pas un seul peuple, il y a des citoyens, des majorités qui varient, et des minorités qui doivent être respectées.

Il faut espérer que les grands débats actuels sur le populisme, nourris par les victoires du Brexit et de Trump, nous permettent bientôt d’avancer vers un peu plus de nuances.

L’utilisation de « La parole au peuple » n’est pertinente que la veille d’une votation ou d’une élection.

Contre-pouvoir

Avec leurs vérités alternatives, Donald Trump et son équipe font très fort. Les populistes bonimenteurs paraissent devoir triompher partout.
C’est le moment de se souvenir que tous les contre pouvoirs ne s’effondrent pas en même temps. Certes, la presse est fragilisée pour des raisons économiques et technologiques, mais la justice a encore quelques moyens.
J’attends aussi le moment où les propriétaires actionnaires des entreprises de réseaux sociaux se soucieront moins de leurs dividendes que de la certification ou la fiabilité des contenus qu’ils diffusent.
Un commerçant qui se moque de la santé de ses clients n’a guère d’avenir. Non?

La mort de L’Hebdo était évitable (suite)

Dernier jour de parution  de l’Hebdo, ce 2 février 2017. Une manifestation s’est tenue, il y a eu beaucoup de discours forts en engagés, parmi lesquels celui d’ Edgar Bloch, président d’impressum vaud. 

Je publie son texte pour tous ceux qui n’ont pas pu nous rejoindre à Lausanne. Il est un précieux éclairage sur les enjeux qui dépassent le sort des collaborateurs de L’Hebdo, touchent nos collègues du Temps, la diversité de la presse, et la richesse d’une démocratie pluraliste.

« Chers consoeurs, chers confrères,

Chères lectrices et lecteurs,

Chers amis,

C’est un jour très triste et nous autres journalistes tenons à vous manifester notre pleine et entière solidarité avec le coup du sort qui vous assomme et nous avec.

« Il était bon pour la tête ». Tuer un titre vieux de 30 ans c’est une perte immense pour la culture de la Suisse romande. Qu’on l’aime ou qu’il agace L’Hebdo a marqué la vie de ce coin de pays. Il a animé le débat d’idées, amener des enquêtes, des portraits, des entretiens.

Il a parfois dérangé, rarement laissé indifférent. Les journalistes et les équipes se sont battues, avec talent courage et ténacité à le développer, puis le maintenir.

Par déficience stratégique, par erreur et disons-le par incompétence, l’éditeur s’est progressivement désinvesti et dégagé de ses responsabilités. La rédaction talentueuse, vaillante, courageuse et tenace s’est battue vaille que vaille des années durant contre l’inéluctable.

Oui L’Hebdo, plus de 30 ans de participation au débat démocratique de la Suisse romande, a été tué parce que son propriétaire l’a progressivement abandonné.

Au lieu d’investir, d’engager de nouvelles forces, on a évoqué la perte des lecteurs. Bien sûr que les lecteurs s’en vont. A force de ratatiner en permanence les équipes, de rogner sur le journalisme, on perd de sa force, de sa substance.

L’éditeur nous chante le refrain rabâché et usé de l’innovation. On en peut plus de ce mot, on en a marre de cette contre-vérité permanente : comment être innovant avec de moins en moins de monde à la production journalistique. Stop à ce mensonge !

Faites preuve d’innovation. Après la Tribune de Genève, après 24 Heures, c’est ce qu’on a le toupet de demander maintenant aux consoeurs et confrères du Temps. Après une sixième restructuration en quelques années d’existence, un déménagement forcé et contraint de Genève à Lausanne et une « newsroom »  coûteuse et un basculement vers le numérique dont on nous promettait monts et merveilles il y a, je le rappelle et le souligne, à peine quelques mois. le résultat est une sanglante et massive restructuration. Alors là on dit arrêtez !

Trop c’est trop. Un nouveau mensonge, une nouvelle grossièreté de plus. Plus personne ne croit aux balivernes de Ringier, pardon Ringier Axel Springer.

Aujourd’hui, Lausanne est la capitale du désastre suisse de la presse. Cette Bérézina est de la faute exclusive des éditeurs.

Tamedia et Ringier Axel Springer ne sont plus des éditeurs de presse, mais des marchands de soupe, qui s’intéressent avant tout au marché des petites annonces tellement plus profitables que le soutien au journalisme. Non seulement l’acquisition de ces sites tue le journalisme à petit ou même à grand feu, mais il le cannibalise, puisque les millions engrangés ici entrent en concurrence avec les médias producteurs d’informations et donc de sens.

Les deux grands sont dangereux parce qu’ils donnent le ton aux autres, aux plus petits qui ne se gêneront pas de les suivre sans résistance.

Impressum, Les journalistes suisses, exigent que ces éditeurs rendent au journalisme ce qui lui a été pris. Impossible d’avoir de la substance si les bénéfices de ces sites ne sont pas retournés. Nous voulons que tout le monde publique, politiciens réclament des ressources de la part de ces Messieurs qui ont abusé de leur titre d’éditeurs de presse et ne s’intéressent à rien d’autre qu’à faire plaisir à leurs actionnaires, et à des rendements faramineux.

Nous attendons des pouvoirs publics un appui aux journalistes de l’Hebdo, du Temps et de tous les journalistes de ce pays en dénonçant avec force ces agissements qui tuent la presse.

Nous voulons dire aussi que sans presse forte et libre, sans journaliste il n’y a pas de démocratie. En ces moments où le populisme triomphe partout, il faut rappeler l’importance de la liberté de la presse, qui est pourtant proclamée dans la Constitution fédérale, et de la fonction du journalisme.

Le journalisme n’est pas mort. Il se renouvellera, L’Hebdo a donné une piste que le Temps va perpétuer. De nouveaux projets de journalistes vont se créer, mais les journalistes les feront eux-mêmes. Ils sont les éditeurs de demain. Ils réclament un soutien au démarrage, de l’imagination des pouvoirs publics qui s’indignent, mais ne font rien pour sauver le journalisme.

 

Vive l’Hebdo, vive le Temps, vive le journalisme ! « 

 

 

 

 

 

 

La mort de L’Hebdo était parfaitement évitable. Explications.

L’Hebdo va disparaître. Une page se tourne – des milliers, en fait. L’événement est abondamment commenté. Normal, le magazine existe depuis plus de 35 ans, et il a marqué la vie politique, culturelle, sociale, économique de la Suisse romande. Je crois que cette mort annoncée était évitable.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire à l’émission Médialogues de la RTS http://www.rts.ch/play/radio/medialogues/audio/licenciee-de-lhebdo?id=8307129 nous avons souvent manqué de moyens pour développer des projets qui, s’ils avaient été mieux compris et soutenus par la direction, nous auraient permis de trouver de nouvelles audiences et de nouvelles recettes.

Au-delà des enjeux comptables et financiers, j’ai lu et entendu beaucoup de remarques. Il se trouve que j’ai travaillé plus de 13 ans à L’Hebdo, comme responsable de la politique suisse puis comme rédactrice en chef adjointe, je me sens tenue de répondre. D’expliquer – parce que comme le dit Alain Jeannet, on n’a peut-être pas assez expliqué dans quelle situation nous nous trouvions et pourquoi nous opérions – ou pas – certains choix.

Expliquer oui. Pas justifier – on n’est pas au tribunal, j’espère. Oui, j’espère que l’on est encore et toujours dans une démocratie où chacune et chacun a le droit de défendre ses opinions, et où l’on reconnaît aux journalistes un devoir particulier en la matière.

Alors, je vais prendre un peu en vrac tous les reproches ou critiques.

 

« Journal de gauche, pour les uns. Journal de droite, pour les autres. » J’ai envie de répondre : ni de droite, ni de gauche, mais engagé, défendant des valeurs d’ouverture au monde, vecteur et fédérateur d’une identité romande, porte-voix des intérêts romands, agitateur d’idées, agaçant, bousculant les pouvoirs (c’est un peu la fonction de base de la presse, non?), imparfait, énervant, fidèle à lui-même,….

Des réactions courroucées  d’élus indignés par nos articles ou nos prises de position, j’en ai reçu de droite et de gauche, du centre et d’ailleurs,…

Mais des lecteurs m’ont aussi écrit après mon licenciement en octobre dernier: » je n’étais de loin pas toujours d’accord avec vous, mais j’avais plaisir à vous lire, car vous aviez une ligne. Je vous regretterai. »

« Lancez un média neutre », suggère un ami facebook. Non, merci, je ne crois pas. Il n’y a que les agences de presse – et encore – qui soient neutres. Les médias de service public ont une obligation d’équilibre – minutes d’antennes réparties selon les partis.

Mais je ne crois pas qu’un journal puisse être neutre. Les journalistes se doivent d’être honnêtes, de chercher la vérité, de ne pas travestir les faits (autant de choses qui devraient les rendre furieusement tendance et désirables dans les 4 prochaines années trumpiennes). Ce qui compte, c’est l’honnêteté intellectuelle, la cohérence.

 

« L’Hebdo n’a pas assez innové, média papier ringard, qui n’a rien compris à l’ère digitale. » Je résume. Ça, ça fait un peu rire jaune. L’Hebdo a lancé en 1995 déjà une plate-forme digitale le webdo. Il a été totalement précurseur. Ce bel élan, comme tant d’autres initiatives issues de la rédaction, a été cassé par la direction au début des années 2000.

Fiction : L’Hebdo serait-il éradiqué en ce début 2017 si le webdo avait pu continuer son expérience?

L’Hebdo a également lancé le Bondyblog en 2005, après les émeutes dans les banlieues françaises. Un exemple de reportage de terrain, et de média citoyen, repris ensuite par les principaux concernés.

En 2007, L’Hebdo a couvert les élections fédérales avec le Blog & Breakfast – un journaliste dans un canton, dormant chez les candidats qui voulaient bien l’héberger. Là aussi de l’immersion de terrain, du blog, des vidéo, des reportages classiques.

En 2007 aussi (sauf erreur), L’Hebdo, soucieux de promouvoir la relève journalistique, lance les Blog trotters – sur le modèle de l’émission de la RTS « La course autour du monde », des jeunes parcourent pendant les semaines d’été le monde, envoient leurs reportages. Les meilleurs paraissent dans le magazine. Ce fut, des années durant, une formidable école de journalisme.

En 2012, sommé d’animer son site internet devant le paywall (le mur payant) sans ressources journalistiques supplémentaires (alors que les programmes d’économies successifs avaient déjà réduit l’équipe rédactionnelle à l’os), L’Hebdo invente une plate-forme de débats ouverte aux alumni du Forum des 100 (créé en 2005 – j’y reviendrai plus tard). Grâce à son carnet d’adresses, grâce à l’entregent de ses rédacteurs, nombre d’experts et de personnalités romandes acceptent de bloguer régulièrement et quasi-gratuitement en échange de la mise en valeur de leurs réflexions sur les réseaux sociaux grâce à la bannière de L’Hebdo.

Début 2015, après le mercredi tragique des attentats de CharlieHebdo, nous confectionnons en quelques heures une édition spéciale numérique, grâce au soutien de nos blogueurs et dessinateurs associés. Dans les semaines suivantes, j’ai reçu maintes marques d’estime des quatre coins  de la francophonie où notre pdf avait essaimé: France, Belgique, Canada, Afrique.

Donc, merci, l’importance de la bascule numérique, ce n’est pas comme si on ne l’avait pas vue venir. Il nous a souvent manqué les moyens de développer nos projets, car à côté de cela, nous continuions à produire chaque semaine le magazine et toutes sortes de numéros spéciaux ou de suppléments.

 

« Avant d’être lâché par son éditeur, L’Hebdo a été lâché par ses lecteurs. » Je laisse répondre ceux qui ont le droit de produire les chiffres (mes conditions de licenciement stipulent que je ne peux rien divulguer en la matière).

Mais ,disons que longtemps L’Hebdo a perdu moins de lecteurs que le reste de la presse écrite grâce notamment à sa stratégie de régionalisation. Ce sont les annonceurs qui ont peu à peu déserté les pages du magazine, surtout parce que les stratégies d’acquisition de la publicité n’ont cessé de varier (centralisation à Zurich, fermage pour TF1, rachat du Temps, création des structures Ringier-Axel Springer et admeira,…) : trouver de la pub pour L’Hebdo n’a jamais été la top priorité de ceux qui en avaient la charge (pour des raisons éthiques évidentes, la rédaction ne peut assumer cette tâche). Avec disons 5 ou 6 pages de pub supplémentaires dans chaque édition, L’Hebdo n’aurait pas sombré dans les chiffres rouges. L’effort n’était pas surhumain. Les vendeurs de pub sont comme les contrôleurs fiscaux : plus il y en a, plus ça rapporte.

 

Je m’arrête là pour l’instant. Mais ne voulant pas frustrer ceux qui trouvent extravagants que j’aie continué à défendre une ligne pro-européenne, je les renvoie à ce texte paru dans L’Hebdo et désormais disponible sur mon site. https://chantaltauxe.ch/les-proeuropeens-sont-patriotes/

 

 

 

Trump, apocalypse now, et les indignés

Vous je ne sais pas, mais moi je sature avec l’ambiance « apocalypse now » de ce 20 janvier. Non pas que je veuille minimiser les risques ou le choc que représentent une présidence Trump, mais bon, voilà: Donald Trump va être président. S’il dérape grave, il y aura toutes sortes de contre-pouvoirs qui se dresseront. C’est cela la démocratie: un rapport de force entre une majorité et des minorités.

Cette présidence offre à tous ceux qui la contestent ou la redoutent, à tous les indignés, l’opportunité de se lever, de se dresser, d’argumenter, de défendre d’autres points de vue, de proposer d’autres solutions. La présidence Trump est peut-être inquiétante, elle sera passionnante.

Un homme, fut-il président des Etats-Unis, ne change pas l’histoire à lui tout seul. On l’a bien vu avec Barack Obama.

La naturalisation facilitée pour conquérir de nouveaux citoyens actifs

On reproche aux étrangers de la 3ème ou la 2ème génération leur désintérêt civique: s’ils ne se sont pas déjà naturalisés, c’est que la politique suisse, locale, cantonale ou nationale ne les intéresse pas. J’aimerais rappeler que un Suisse sur deux en moyenne ne vote pas (et je connais peu de partis et d’élus qui s’en émeuvent sérieusement et essayent d’y remédier!).

Il est temps de faire un geste pour dire à la 3ème génération qu’elle doit participer pleinement. Qui paie des impôts doit pouvoir voter. C’est un principe fondamental dans une démocratie digne de ce nom.

Et c’est aussi une belle conquête de la démocratie que d’élargir le cercle des citoyens actifs.

 

Bobos de tous les pays: unissez-vous

À force de me faire traiter de « bobo et de bien pensante, il m’est venu cette réplique : bien-pensants de tous les pays, unissez-vous ! je sens qu’en cette année 2017 trumpienne, on va avoir du boulot. Nous n’avons ni moins de droits – ni plus – de défendre nos convictions. Et d’amener des faits dans les débats où la réalité est travestie. À l’ère de la post vérité, je crois que nous devons opposer l’honnêteté intellectuelle. Face au mépris de l’expertise, nous devons affirmer son utilité critique. L’appel au peuple, c’est bien beau, mais j’ai plus confiance dans la démocratie, toute la démocratie, notamment celle qui garantit aux minorités le respect, et aux individus des droits fondamentaux, inaliénables.

La bien-pensance vaut mieux que la mal-pensance.

La bienveillance vaut mieux que la malveillance.

Que notre identité puise dans les valeurs judéo-chrétiennes et/ou dans celles de la Renaissance, et/ou celles des Lumières, je ne me souviens pas d’un épisode dans l’histoire de l’humanité durant lequel  le mépris et la détestation des autres auraient fait avancer le monde, l’auraient rendu plus intéressant, plus vivable, plus sûr.

Renzi rottomato toi-même ?!

Monza #bastaunsì

A photo posted by Matteo Renzi (@matteorenzi) on

 

Il voulait réformer l’Italie en 100 jours, puis il indiqua qu’il lui en faudrait 1000. Arrivé au palazzo Chigi le 22 février 2014, Matteo Renzi a passé ce cap le 18 novembre dernier.

Dimanche prochain 4 décembre, le premier ministre italien, qui avait promis de mettre à la casse la vieille classe politique, sera peut-être « rottomato » par lui-même. Sombre ironie du destin pour cet ancien maire de Florence qui s’est hissé au sommet du pouvoir sans jamais avoir été élu au Parlement.

La réforme de la Constitution qu’il soumet à referendum est pourtant un bon projet. Pas un projet parfait, mais une tentative honorable de mettre fin à l’instabilité chronique des gouvernements italiens (60 en 70 ans d’existence). En abolissant le bicaméralisme parfait, en diminuant le nombre des sénateurs de 315 à 100, il veut réduire le coût de la politique et en accélérer le tempo. Les sénateurs seraient les élus des régions, une manière de rapprocher les fastueux palais romains de la réalité des territoires.

Le problème avec les gens aussi doués et insolents que Matteo Renzi, c’est qu’ils sont orgueilleux. Pressé d’engranger un résultat indiscutable – la reprise économique promise reste timide même si beaucoup de courbes de sont inversées à la hausse -, le président du Conseil a transformé le referendum en plébiscite, annonçant ce printemps qu’il démissionnerait en cas de refus (il s’est rétracté ensuite, mais trop tard, le mal était fait). Ses nombreux ennemis se sont engouffrés dans la brèche : les partis de droite laminés depuis l’éviction de Silvio Berlusconi du Sénat en 2013, le Mouvement Cinq étoiles, et de nombreux caciques de la gauche du Parti démocrate. Depuis des mois, les sondages donnent le non en tête, même si ces dernières semaines le camp des indécis semble se rétrécir au profit du oui.

Il suffit de suivre Matteo Renzi sur les réseaux sociaux qu’il affectionne tant pour constater que ce jeune quadragénaire se démène comme un diable aux quatre coins de la péninsule pour convaincre. Comme s’il cherchait à effacer son erreur initiale.

S’il réussit à faire accepter sa réforme, il pourra comme d’autres en cette année 2016 se gausser des professionnels de la prévision qui ne l’auront pas vu arriver. Il pourra alors préparer tranquillement la commémoration des 60 ans du Traité de Rome prévue en mars prochain, et à laquelle il entend donner du relief pour asseoir sa position dans le jeu européen.

Dans le cas contraire, c’est une pluie de calamités qui va s’abattre sur l’Italie convalescente.

Les marchés et les institutions européennes votent Renzi – ce que ses adversaires ne manquent pas d’exploiter. En cas de non, il faut s’attendre à une remontée des taux d’intérêt pour les emprunts italiens. Sur le plan politique, les scénarios catastrophe s’entre-choquent : démission du wonderboy humilié, élections anticipées, gouvernement technique.,…

Elu en 2015, Sergio Mattarella, le président de la République, n’a pas encore eu à gérer ce type de crise. Tout dépendra du caractère serré ou ample de la défaite, mais avant de décider d’élections anticipées, il ne voudra pas être l’homme qui a ouvert les portes du pouvoir au Mouvement Cinq étoiles, à la gestion plus qu’imprévisible si l’on en juge par celle erratique de la nouvelle maire de Rome…. Il étudiera toutes les autres options avant d’envoyer à la casse un Renzi, dont l’histoire retiendra alors qu’il aura gaspillé son talent par excès de confiance.

Dans un livre qu’il a écrit avant de devenir premier ministre, le florentin ne notait-il pas lui-même que la victoire appartient à tous, alors que la défaite est personnelle ?