Tessin: à quand un conseiller fédéral?

S’il ne tenait qu’à moi, il faudrait élire demain un conseiller fédéral tessinois *. Ce serait une manière pour l’Assemblée fédérale de prouver que le sort du Tessin et la composante italophone de la Suisse ne sont pas seulement des concepts pour discours du 1er août, mais une réalité sérieusement prise en compte.

Hélas, le tournus au gouvernement ne dépend pas des impératifs politiques les plus urgents (et, il y a urgence à raccrocher le canton à la Confédération) mais au bon vouloir des ministres de rester en place. Les départs forcés restent rares, ils sont motivés par le rapport de forces électoral, pas par des soucis de représentativité régionale.

Les deux Romands arrivés en 2009 et 2011 ne sont pas près de cèder la place avant 1 ou 2 législatures. De plus, les Tessinois peineront à s’emparer d’un fauteuil romand (Vaud éprouve la même frustration par rapport à sa représentation au Conseil fédéral!).

Côté alémanique, la doyenne de fonction Doris Leuthard pourrait avoir envie de se retirer après avoir exercé la présidence de la Confédération en 2017. C’est une fenêtre possible pour le Tessin, bastion PDC, mais le plus papable, Filippo Lombardi sera bien plus âgé que celle qui s’en ira. Pronostic de réussite ? Bas.

Si Eveline Widmer-Schlumpf décide de s’en aller ou n’est pas réélue, ce sera la foire d’empoigne entre les partis, et la revendication tessinoise risque d’être couverte par le vacarme. Le siège d’Ueli Maurer apparaît tout aussi imprenable par les Tessinois, à moins que l’UDC décide de sortir du Conseil fédéral – ce que personne n’envisage.

La place de Johann Schneider-Ammann au gouvernement paraît la moins assurée, mais s’il est éjecté, ce ne sera pas pour la donner à un PLR tessinois, mais plutôt à un UDC, dont le Tessin est peu pourvu. C’est fort regrettable car Laura Sadis a le pedigree parfait pour le job : expérience gouvernementale, et connaisance du parlement, multilinguisme. La conseillère d’État libérale-radicale est la meilleure carte que peut jouer le Tessin.

Reste le cas Simonetta Sommaruga, on ne la voit pas non plus tourner les talons de si tôt. Si dans ce temps lointain, l’envie de Tessin n’a toujours pas été satisfaite, Marina Carobbio pourrait avoir quelque chance. Il lui manque une expérience gouvernementale, mais c’est une personnalité solide et appréciée. Au sein du parti socialiste, la concurrence est toutefois toujours très vive.

Les Tessinois n’ont-ils donc qu’à pleurer leur siège perdu au sommet de l’Etat ? Deux pistes s’offrent à eux : préparer la relève, notamment en profilant de nouveaux candidats lors des élections de l’automne 2015 (dans l’actuelle députation, outre les noms déjà cités il n’y a que Ignazio Cassis qui pourrait se retrouver sur la liste des papables); lancer une initiative populaire pour que le Conseil fédéral passe à 9 membres, c’est-à-dire récolter 100 000 signatures valables. Le Parlement a trop tergiversé sur cette question. Il faut le bousculer. La revendication tessinoise est légitime, elle mérite un débat qui sorte du Palais fédéral et embrasse toute la Suisse. Le pays fonctionnera beaucoup mieux avec 9 conseillers fédéraux qu’avec 7, car il disposera de plus d’attention aux besoins de la population, et il se trouvera naturellement au moins un ministre pour ne pas oublier le Tessin pendant les campagnes de votation. Par cette initiative volontariste, le Tessin forcera le respect des autres Confédérés… et maximisera ses chances d’avoir un conseiller fédéral.

Texte rédigé à la demande du Caffè, paru le 21 décembre 2014

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