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Vaud-Genève pour FAIF: un vrai couple
Heureuse image que celle offerte mercredi après-midi par Nuria Gorrite, François Longchamp, Pascal Broulis et Luc Barthassat: quatre conseillers d’Etat réunis pour plaider la cause de FAIF, ce projet de financement des infrastructures ferroviaires, sur lequel le peuple est appelé à se prononcer le 9 févier prochain.
Une socialiste, deux radicaux, un démocrate-chrétien, l’arc partisan illustre les alliances qui ont porté le projet lors des débats parlementaires.
Philippe Pidoux, autre conseiller d’Etat radical, qui avait agité l’idée de fusionner Vaud et Genève en 1997, avait vu juste. Les deux cantons sont faits pour collaborer, et ensemble ils jouissent d’une magnifique force de frappe.
La politique est faite de vision, mais les intentions ont toujours besoin de beaucoup de temps pour se concrétiser, et notamment d’institutions.
L’idée de mieux collaborer entre les deux cantons, et de financer ensemble des projets ou des institutions, avait été lancée au Forum des 100, organisé par L’Hebdo en mai 2008 (comme l’a rappelé François Longchamp, président du Conseil d’Etat genevois). Elle s’est traduite l’année suivante par la signature d’une convention sur les infrastructures supra-régionales entre les deux cantons, puis la signature d’une autre convention avec l’Office fédéral des transports et des CFF. En 2010, c’est la constitution du Comité rail-route Vaud-Genève; en 201, la Métropole lémanique est créé, son poids démographique et économique est documenté et acquière une visibilité particulière.
En 2012, la première étape du projet ferroviaire Léman 2030 est lancée. En juin 2013, les Chambres ficellent le paquet FAIF, qui contente un maximum de besoins régionaux dans toute la Suisse.
Et ce 18 décembre, Vaud et Genève communiquent de concert leur soutien à une réalisation essentielle pour la Métropole lémanique.
Reste à gagner la votation du 9 février.
Après le refus de la vignette le 24 novembre dernier, la chose paraît moins couler de source qu’il y a quelques mois, lorsque régnait l’euphorie d’avoir conçu un projet fédérant toutes les régions du pays. Ceux qui pensent que la Suisse a trop d’immigrés (et qui voteront oui à l’initiative de l’UDC contre l’immigration de masse) peuvent être tentés de glisser un non à FAIF: s’il y a moins d’immigrés alors les infrastructures seront moins engorgées. Mauvais calcul, car les infrastructures sont d’ores et déjà inadaptées, la Suisse romande ne faisant que combler son retard. Mais, la tentation serait logique.
Quoi qu’il en soit, la descente dans l’arène des ministres cantonaux est une bonne chose. Elus de proximité, jouissant d’une popularité réelle, ils peuvent très opportunément renforcer le pouvoir de conviction de conseillers fédéraux, moins habitués qu’eux à rencontrer et motiver les foules.
En matière de rails, Vaud et Genève ont tout du vrai couple, ne dit-on pas que les mariages réussis sont ceux où les deux conjoints regardent le même horizon?
Traité avec la Chine: deux poids deux mesures
Je ne suis pas sûre de bien comprendre l’attitude du Conseil national qui refuse d’ouvrir la possibilité d’un referendum facultatif sur le traité de libre-échange avec la Chine. Ce sont pourtant les mêmes députés, outrés, qui ont refusé la Lex USA l’été dernier.
Je mélange tout? Je ne crois pas.
Face aux prétentions des grandes puissances, la Suisse devrait avoir un comportement plus cohérent. En cette année 2013, l’indignation de nos élus est vraiment trop « à géométrie variable ».
L’été dernier la Lex USA était dénoncée comme une ingérence insupportable dans notre secteur bancaire. Les conditions de travail des Chinois qui produisent des biens que nous allons consommer ne nous sont pas moins indifférentes, tout comme le respect de certaines normes environnementales ou d’hygiéne. Le soucis de défendre nos valeurs et nos intérêts devrait être plus constant.
On peut parfaitement soutenir l’accord de libre-échange avec la Chine pour des motifs de raisons économiques. Mais pourquoi fermer d’avance tout débat populaire. Redoute-t-on de ne pas savoir convaincre?
Les Suisses discutent à intervalles réguliers des règles du grand marché européen, pourquoi seraient-ils incompétents pour se prononcer sur l’accès au méga-marché chinois?
Un tel accord de libre-échange a évidemment une nature politique, comme notre arrimage aux 28 pays de l’Union européenne. Choisir avec qui et comment on commerce est éminement un choix politique. Au moment où la planète rend hommage à Nelson Mandela et où les Suisses s’interrogent sur le soutien de certains milieux économiques au régime de l’apartheid, est-il nécessaire de l’expliquer?
La neutralité économique n’existe pas.
Didier Burkhalter: éloge du gris
Le «charisme d’une autoroute». C’est ainsi que la Basler Zeitung décrit Didier Burkhalter le nouveau président de la Confédération. Le Neuchâtelois a la réputation d’être un homme gris. Comme il donne peu d’interviews, nombre de journalistes se vengent en le caricaturant en encore plus terne qu’il n’est. En fait, ce quinquagénaire appartient à la race des ministres austères, imprégnés de leur mission au service de la collectivité, qui ne sont pas là pour rigoler, mais faire avancer les dossiers.
Quand on a la chance de pouvoir s’entretenir avec lui, on s’aperçoit que le Chef du département des affaires étrangères peut être drôle, pince-sans-rire. D’expérience, on dira qu’il n’est ni plus drôle, ni plus terne que la plupart de ses prédécesseurs. A Berne, la règle consiste plutôt à se confondre avec le gris de la molasse du Palais fédéral qu’à briller. Les personnalités extravagantes ou charismatiques sont d’heureuses mais rares exceptions. D’autant plus qu’il reste difficile d’être charismatique en trois langues. Dans le collège actuel, seule Doris Leuthard parvient à séduire dans tout le pays. L’aura des autres ne dépasse guère leur aire linguistique d’origine.
Surtout, séduire les foules par un style empathique, décontracté et populaire, n’est pas ce que l’on demande en priorité à nos conseillers fédéraux. Ils doivent convaincre le peuple de leur donner raison. Cela est autrement plus difficile que de sourire avantageusement sur les photos.
Bien sûr, l’art oratoire et le sens du contact peuvent aider dans ce périlleux exercice de conviction, mais le glamour ne fait pas tout, comme on vient de le constater avec la défaite de Doris Leuthard sur la vignette à 100 francs.
Surtout cette critique à l’encontre de Didier Burkhalter est un peu étrange. Le 16 septembre 2009, lorsqu’il a été élu, il avait pour challenger radical le conseiller national Christian Lüscher, beau gosse et grande gueule « à la genevoise ». Si l’Assemblée fédérale avait voulu de la fougue et du charisme, elle aurait pu choisir l’avocat genevois. Elle ne l’a pas fait. De quoi donc se plaint-on dès lors ?
Les critiques sur le style Burkhalter dissimulent mal une aversion sur le fond. Le Chef du Département des affaires étrangères s’emploie à rénover la voie bilatérale avec l’Union européenne. Son engagement dans ce dossier ingrat agace souverainement tous ceux qui ne comprennent même pas pourquoi il faut le faire. Avec ou sans charisme, le nouveau président de la Confédération devra surtout expliquer inlassablement la pertinence de ses actions.
Qui peut imaginer que les Suisses pourraient approuver les choix européens du gouvernement juste par ce que le conseiller fédéral qui les a proposés est sympa?
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Le cours d’histoire de Didier Burkhalter
Invité lundi soir à Lausanne*, Didier Burkhalter a plaidé pour le refus de l’initiative de l’UDC contre l’immigration dite de masse. Il a rappelé une évidence historique que ceux qui sacralisent les frontières oublient:
« Depuis des générations notre pays est ouvert au commerce avec l’Europe et avec le monde. En réalité je devrais dire des siècles puisque, pour reprendre la belle image d’un historien: le sel indispensable au bétail dans les pâturages de Guillaume Tell venait d’Afrique du Nord.
La Suisse a toujours été un lieu de passage, un lieu de commerce et c’est ce commerce à travers les Alpes qui a rendu prospères les vallées autour des principaux cols alpins, dont le Gothard. C’est ce commerce européen et même international qui a permis l’essor d’importantes villes commerçantes sur le chemin de ces Alpes à l’image de celle qui furent les premières à rejoindre la Confédération comme Lucerne, Zurich ou Berne… »
* Par le Centre patronal et nos confrères de 24 Heures et La Télé
Chic, des retraites plus longues
C’est une bonne nouvelle, nous ne payons pas pour rien notre système de santé à prix d’or. Nous en bénéficions concrètement.
Mais vu sous un autre angle, ce progrès complique la tâche de ceux qui, comme Alain Berset, sont chargés d’assurer notre système de retraite. Le conseiller fédéral socialiste vient de présenter son projet de réforme « Prévoyance vieillesse 2020 ». Le chef du Département fédéral de l’intérieur ne touche pas à l’âge de référence pour toucher l’AVS, cela reste 65 ans (mais désormais pour les femmes aussi). Il prévoit plus de flexibilité entre 62 et 70 ans, une hausse de la TVA et une baisse du taux de conversion des avoirs du deuxième pilier. Au vu des réactions, ce paquet de mesures additionne les mécontents, à droite et à gauche. Cela signifie pourtant qu’il repose sur une symétrie des sacrifices, très emblématique du compromis helvétique : chaque partie doit admettre des concessions pour obtenir une solution équilibrée.
Anticipant l’annonce de Berset, les libéraux-radicaux ont formulé une proposition très astucieuse. Ils estiment nécessaire de tenir compte de l’augmentation de l’espérance de vie. Aussi proposent-ils que pendant une vingtaine d’années on augmente l’âge de la retraite de référence d’un mois, pour parvenir à 66,5 ans. Ce changement graduel se ferait par ordonnance, ce qui éviterait la dramatisation d’une votation.
Scandaleux ? Pas vraiment. Il faut considérer les modifications des parcours de vie: on se marie plus tard, les enfants naissent donc plus tard, ils se forment plus longtemps et partent plus tard du foyer familial. Il faut arrêter d’exiger de pères et de mères de famille qu’ils cessent toute activité professionnelle alors qu’ils ont encore de jeunes adultes à entretenir ou qu’ils viennent juste d’arrêter de payer pour eux.
Il est grand temps que les Suisses refondent leur système de prévoyance vieillesse en fonction de la manière dont ils vivent actuellement et pas selon le modèle de leurs ancêtres. L’allongement de la vie est une chance, pas une calamité. Son financement ne devrait pas nous angoisser, mais nous réjouir.
* Chronique parue en italien dans le Caffè le dimanche 24 novembre:
http://www.caffe.ch/stories/il_punto/45239_le_pensioni_seguono_la_svizzera_longeva/
Un Lausannois sur deux a voté pour 1:12
Ce sera non à 1:12, comme aux autres objets fédéraux, semble-t-il, mais le détail des résultats contient des surprises. Ainsi 48% des Lausannois ont dit oui à 1:12. Presque un sur deux!
Un résultat qui montre que les utopies ont encore un pouvoir de séduction.
Certes, Lausanne, comme toutes les grandes villes du pays, est en mains de la gauche. Mais cet engouement pour la réduction des inégalités se lit aussi dans les résultats genevois, 57% de nons.
1:12 : L’USAM meilleure qu’économiesuisse?
L’initiative 1:12 rejetée, l’USAM qui a mené la campagne est dans le camp de gagnants et a réussi là où économiesuisse a failli à contrer la proposition de Minder. Victoire symbolique des petits patrons contre les grands?
De fait l’argumentaire de l’USAM n’a pas été très différent de celui utilisé par Economiesuisse ce printemps. Ont été beaucoup brandies les craintes de casser un modèle économique actuellement performant et d’encourager les délocalisations.
Mais la solidarité affichée par les responsables de PME envers les multinationales exportratrices a touché les Suisses. L’économie est un tissu, le succès des uns dépend du succès des autres, les sous-traitants dépendent de grands groupes, les fournisseurs locaux vivent des sociétés internationales.
On se demande si l’image aura la même efficacité en février prochain, lorsqu’il s’agira de voter sur l’initiative « contre l’immigration de masse ».
Alors l’USAM meilleure qu’Economiesuisse? Ce n’est pas certain, puisque si le casting a changé les arguments étaient similaires. Simplement, avec leur oui au texte de l’entrepreneur Minder, les Suisses estiment avoir déjà tancé les hauts managers aux salaires stratosphériques.
J’ai personnellement un regret par rapport à la campagne: que la vénalité de ceux qui touchent des salaires à plusieurs millions n’ait pas été plus soulignée, ou au moins questionnée. Qu’est-ce qui justifie vraiment ces hauts salaires? La capacité de prendre des décisions courageuses? Mais décider ne nécessite-t-il pas parfois de douter? Et donc comment se remettre en cause quand votre salaire indique que vous êtes le meilleur? Comment oser douter quand on vaut des millions? Et comment susciter l’adhésion des employés à un changement de cap, quand on est si déconnecté des réalités humaines? Ces objections sont restées sans réponses.
Le bon score relatif de l’utopie 1:12 (qui n’avait aucune chance face à l’écueil de la double majorité du peuple et des cantons) annonce par contre que le débat sur le salare minimum à 4000 francs n’est pas gagné d’avance. Ni pour l’USAM, ni pour Economiesuisse.
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Défaite sèche pour Doris Leuthard
Doris Leuthard subit une défaite sans précédent. Pas un seul canton n’a accepté la vignette à 100 francs! Comme je l’écrivais dans notre édition de jeudi:
« Ainsi va la démocratie suisse; alors qu’ailleurs la popularité se traduit en succès politiques assurés, il n’est pas du tout certain que la plus aimée de nos ministres, Doris Leuthard, soit parvenue à faire passer la vignette de 40 à 100 francs. »
L’argument « automobilistes vaches à lait » saccage tout sur son passage, y compris les trop subtiles tentatives de comprimis ou de paquets ficelés au Palais fédéral. Et y compris donc la plus populaire de nos ministres.
C’est inquiétant vu les besoins en financement de toutes nos infrastructures de transports.
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Tous des Neinsager
C’est assez rare pour être souligné, nous sommes tous, de Romanshorn à Genève, des Neinsager. Aucun canton pour dire oui à la vignette à 100 francs, aucun pour approuver 1:12 (même si le Tessin a failli se singulariser avec 49% de oui). Et pour ce qui concerne l’initiative pour les familles, à peine 2,5 petits cantons pour dire oui, alors que traditionnellement ils sont les premiers dans le camp des Neinsager.
Dans le détail, bien sûr, il y a des nuances pasionnantes, comme la plus grande acceptation de 1:12 en Suisse romande.
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