Un jour sans migrants: no pizza

Formidable Emma Bonino. Participant au Youth and leaders de SciencesPo Paris, l’ancienne ministre italienne des affaires étrangères  propose de tester « une semaine sans migrants » pour se rendre compte qu’ils ne prennent pas le travail de leurs pays d’accueil, mais accomplissent les jobs dont plus personne ne veut. « Il n’y aura plus de pizza », plaisante-t-elle car ce sont désormais les immigrés égyptiens qui les préparent en Italie.

On avait fait cela avec la grève des femmes en 1991 en Suisse, une journée pour montrer leur importance économique. Et attirer le respect.

Emma Bonnino a tenu un discours formidable sur la nécessité de considérer l’arrivée de migrants à la lumière de nos besoins démographiques.

le lien sur la conférence:

https://livestream.com/sciencespo/events/6871137/videos/146943413

Bobos de tous les pays: unissez-vous

À force de me faire traiter de « bobo et de bien pensante, il m’est venu cette réplique : bien-pensants de tous les pays, unissez-vous ! je sens qu’en cette année 2017 trumpienne, on va avoir du boulot. Nous n’avons ni moins de droits – ni plus – de défendre nos convictions. Et d’amener des faits dans les débats où la réalité est travestie. À l’ère de la post vérité, je crois que nous devons opposer l’honnêteté intellectuelle. Face au mépris de l’expertise, nous devons affirmer son utilité critique. L’appel au peuple, c’est bien beau, mais j’ai plus confiance dans la démocratie, toute la démocratie, notamment celle qui garantit aux minorités le respect, et aux individus des droits fondamentaux, inaliénables.

La bien-pensance vaut mieux que la mal-pensance.

La bienveillance vaut mieux que la malveillance.

Que notre identité puise dans les valeurs judéo-chrétiennes et/ou dans celles de la Renaissance, et/ou celles des Lumières, je ne me souviens pas d’un épisode dans l’histoire de l’humanité durant lequel  le mépris et la détestation des autres auraient fait avancer le monde, l’auraient rendu plus intéressant, plus vivable, plus sûr.

Pourquoi ne se sont-ils pas déjà naturalisés?

Dans la campagne sur la naturalisation facilitée de la troisième génération, beaucoup objectent que les étrangers présents depuis plusieurs décennies ont déjà la possibilité de se naturaliser, et que s’ils ne l’ont pas fait, c’est que grosso modo ils ne se sentent pas très suisses, ou alors n’aiment pas vraiment notre pays.

Il vaut la peine de se pencher sur cet argument. Prenons l’exemple des Italiens, le groupe le plus concerné par la votation du 12 février.

La première génération d’immigrés,  ceux qui sont arrivés dans les années 1950 et 1960, s’est pris les initiatives Schwarzenbach dans les dents. Même si aucune n’a été acceptée par le peuple, cela a refroidi les ardeurs. Les débats virulents de l’époque avaient révélé une sombre hostilité à la présence des « ritals ».

Dans les familles, le choix de s’établir définitivement en Suisse n’était pas sûr (fluctuant au gré des conditions sévères de l’époque pour obtenir le permis d’établissement), le rêve de retourner au pays tenace. La première génération a donc souvent légué à la deuxième la responsabilité de trancher: rester en Suisse ou tornare in Italia. Eternel dilemme des immigrants. A l’époque la double nationalité n’était pas autorisée.

Beaucoup de secundo ont demandé le passeport rouge à croix blanche, mais pas tous. Nombre de naturalisations se sont réalisées aussi par mariage avec un Suisse ou une Suissesse. Mais il y a eu aussi énormément d’unions entre étrangers – un mariage sur trois.

Et finalement, 50 ans après le choix des grands-parents, on se retrouve avec une troisième génération sans passeport suisse, bien que née et éduquée ici. Des petits étrangers malgré eux, qui subissent les non choix ou les hésitations de leurs ascendants.

Le nombre de naissances d’étrangers en Suisse est considérable. Sur 86559 naissances recensées en 2015,  25215 bébés étaient étrangers dès leur premier cri.

L’initiative, lancée par Ada Marra et qui introduit un droit du sol sous condition, est donc une réponse pragmatique à cette absurdité statistique qui consiste à compter comme migrants étrangers des bébés nés chez nous. La procédure facilitée se veut un encouragement. Ni plus, ni moins.

L’époque est à la rigidité identitaire. Compte tenu de notre histoire migratoire (qui se confond avec celle de nos besoins économiques – donc de notre prospérité), nous Suisses devons admettre qu’une partie non négligeable de la population a des racines ici et ailleurs, et que cela n’est pas une tare, mais une richesse.

Il n’est pas facile pour un immigré de décider de se naturaliser. Les histoires familiales sont complexes, la peur de donner le sentiment de renier les parents ou les grands-parents est réelle, et peut parfois paralyser des gens parfaitement intégrés en Suisse. On se la joue « je suis rital et je le reste » (comme disait la chanson) par fidélité, nostalgie, même si la vie et l’avenir sont en Suisse.  Ces sentiments sont respectables, ils sont du même ordre que ceux qu’éprouvent un Valaisan établi à Genève par rapport à sa vallée d’origine, ou ceux d’un Vaudois domicilié à Zurich quand il pense à son canton d’origine.

J’ajoute un dernier point: voter oui le 12 février, c’est un signe d’amitié à nos camarades d’école, qui ont grandi avec nous, ou aux copains de nos enfants, bref la reconnaissance de la Suisse telle qu’elle est.

 

 

Populisme, simplisme, simplets

Très piquante formule d’Erik Orsenna en conversation avec Eric Fottorino dans Le 1 hebdo à propos de la démondialisation comme déni de réalité, paresse, refus de la complexité: « … Les politiques veulent simplifier car on vote pour le simple. Ne parlons pas de populisme mais de simplisme. Bientôt il n’y aura plus que des simplets au pouvoir. »

Je sens que l’on va souvent y penser à partir du 20 janvier. En attendant, la lecture de ce numéro consacré à la fin du monde mondialisé est particulièrement roborative. L’interview du diplomate géographe Michel Foucher « Un monde démondialisé, c’est un monde en guerre » est brillante.

http://le1hebdo.fr/

Primaire socialiste vaudoise: de l’art délicat de distinguer les mérites

On ne dira jamais assez à quel point l’exercice de la primaire est délicat pour un parti. Distinguer les mérites des candidats à l’investiture implique inévitablement d’avoir l’air de dénigrer l’un lorsque l’on met en avant les qualités de l’autre.

Aux Etats-Unis, le déroulement de la primaire démocrate a nourri le fiasco final.

En France, l’actuelle primaire de gauche relève de l’inspection d’un champ de bataille après les combats pour tenter de sauver quelques survivants vaillants.

Dans le canton de Vaud, la primaire socialiste s’avère un exercice hautement délicat, après la pénible éviction d’Anne-Catherine Lyon. La « campagne » se joue à huis clos, dans l’intimité du parti. L’égalité de traitement qu’exige ce type de consultation ne peut toutefois masquer indéfiniment l’inégalité des talents.

Dans l’exercice de comparaison des trois candidates, trois éléments me semblent ne pas avoir été assez mis en avant:

  • il appartient au parti socialiste vaudois de choisir une personnalité qui a de bonnes chances de devenir conseillère d’Etat. Cela plaide pour celle qui a le plus d’expérience de la politique et de la complexité des dossiers. Avantage Cesla Amarelle.
  • les études historiques montrent que, dans les exécutifs, les élus ayant une formation en droit sont sur-représentés. Ce n’est pas un hasard. Le job consiste à écrire des lois, les mettre en oeuvre, surveiller leur bonne application,… Des compétences techniques en la matière sont un plus, même si le Conseil d’Etat peut s’appuyer sur l’expertise de ses services juridiques. Actuellement, le gouvernement vaudois peut compter sur l’oeil avisé de quatre juristes de formation: Anne-Catherine Lyon, Jacqueline de Quattro, Béatrice Métraux et Philippe Leuba. Avec le départ d’Anne-Catherine Lyon, les socialistes perdent leur caution juridique propre. Là encore l’avantage est pour Cesla Amarelle, professeur de droit et membre influente de la Commission des institutions politiques du Conseil national.
  • un des tabous de la politique cantonale est le poids pris par les activités intercantonales et la concertation avec l’échelon fédéral. On aime à penser dans les cantons que nos conseillers d’Etat sont de petits rois souverains investis d’un fort pouvoir de proximité. Tout n’est pas faux dans cette vision fédéraliste idyllique, mais selon les secteurs ou les thèmes, le travail commun avec les chefs de départements des autres cantons absorbe de plus en plus d’énergies. Sous cet angle, un candidat rompu aux subtilités et aux manoeuvres de la politique fédérale est un gage d’efficacité. Là encore, l’avantage est pour Cesla Amarelle qui dispose d’un réseau de contacts plus étoffé que les deux autres candidates de la primaire, Fabienne Freymond Cantone et Roxane Meyer Keller.

Une dernière remarque: depuis 2002, après une décennie de crises politique, institutionnelle et financière, les Vaudois ont vu émerger un gouvernement solide, compétent, cohérent, que les autres cantons lui envient désormais. Ce « miracle », qui a survécu à une législature durant laquelle les majorités au Conseil d’Etat et au Grand Conseil étaient antagonistes, tient aux caractères bien trempés de toutes les personnalités qui composent le gouvernement, même si les femmes qui y siègent actuellement (en majorité) sont moins « Alphatier » que le tandem Broulis-Maillard.

Le caractère fort de Cesla Amarelle est bien connu des socialistes, puisqu’elle a présidé le parti cantonal.  L’Yverdonnoise n’aurait aucun problème à s’insérer dans une équipe aguerrie. Pour continuer de bien fonctionner, le collège gouvernemental a besoin d’une nouvelle collègue qui n’a pas l’habitude de se laisser intimider.  Pour maintenir son influence sur le dit collège, le parti socialiste vaudois a besoin d’une élue dont le profil et les compétences ne relèvent pas d’un gentil pari entre camarades.

2017 et les prophéties auto-réalisatrices

Je viens de lire un article qui fait allusion aux prophéties auto-réalisatrices. Il s’entrechoque dans ma tête avec tous ceux qui commentent l’état du monde et/ou de l’Europe sur le mode catastrophiste. 2017 année cataclysmique de tous les dangers?

Y-a-t-il encore des optimistes, sont-ils forcément des imbéciles heureux? Je n’aime pas cette époque qui se complaît dans le noir et l’angoisse.

Il n’y a aucun problème (du populisme au climat, en passant par les guerres) dont nous ne connaissions la solution, seul manque le courage d’agir, de regarder la réalité en face, de s’entendre, de faire des concessions.

Il n’y aura pas de neutralité suisse dans la cyberguerre

Montée des tensions entre Etats-Unis et Russie. Quelles en seront la portée? Rodomontades poutiniennes? Fin de règne d’Obama?

Une prise de conscience s’impose: la guerre au XXIème siècle sera numérique. Pourquoi s’encombrer de soldats au sol, si on peut perturber l’adversaire, l’ennemi, par des cyber-attaques?

Pas sûr que nous ayons encore pris la mesure de cette nouvelle donne, nous les Suisses. Impossible d’être neutres dans la cyber-guerre, de pratiquer l’équilibre des concessions ou des compromissions. Les apparences, que l’on a tenté de préserver pendant les décennies de la guerre froide, ne seront plus praticables.

Car, sommes-nous armés pour nous défendre? Pas vraiment, puisque technologiquement dépendants.

On attend désormais que le Conseil fédéral, respectivement le Département de la défense, veuille bien nous éclairer sur la perception de ce nouvel enjeu, sur la stratégie qu’il entend mettre en oeuvre, et les moyens à dégager. Pour contrer les effets de la cyber-guerre, de combien de divisions disposons nous au juste, M. Parmelin?

Franchises maladie: qui pourra payer?

Si j’ai bien compris, on va augmenter le prix de la franchise pour RESPONSABILISER les assurés. Depuis le temps, toutes ces années où les primes d’assurance-maladie ont pris l’ascenseur, il me semblait qu’ils l’étaient déjà…. je doute que de nouvelles hausses ne soient qu’un noir paravent pour entériner une médecine à deux vitesses. La santé, il y a de plus en plus ceux qui ont les moyens de la préserver, et ceux qui doivent renoncer.

Faut-il rappeler que près de 27% des assurés touchent des subsides pour payer leurs primes? Comment vont-ils pouvoir s’acquitter d’une franchise supérieure?

Dans le vaste débat sur les classes moyennes et les inégalités, il y a un point qui est en général admis: les primes d’assurance-maladie rognent le pouvoir d’achat et nourrissent dans la population le sentiment de déclassement. Malgré les augmentations de salaire, le niveau de vie ne s’améliore pas.  Le parlement veut-il vraiment encourager cette grogne?