Budgets cantonaux à la roulette russe

Dans la campagne pour les élections du 18 octobre, il est un sujet qui a été peu évoqué : la situation financière des cantons. Les moyens dont vont disposer les cantons pour s’acquitter de leurs tâches de proximité dépendent pourtant beaucoup des règles fixées par Berne. *

Un chantier en cours devant le Parlement va avoir un impact massif sur les recettes : la réforme des entreprises III. Elle doit supprimer les niches fiscales concédées à des entreprises étrangères et unifier les taux d’imposition avec les sociétés du cru. Comme tous les cantons n’ont pas usé de la même manière de ces outils de dumping fiscal (ou de développement économique – selon le regard que l’on porte sur eux), tous ne sont pas touchés de la même manière par cette mise en conformité avec les standards européens (pas de discrimination entre les entreprises étrangères et nationales).

Sauf que dans la liste des cantons qui risquent de perdre des recettes figurent ceux qui sont contributeurs à la péréquation financière (RPT), ce mécanisme de redistribution des richesses entre régions. Prenons un exemple pour mieux comprendre : si Genève perd trop de substance fiscale avec la RIE III, il lui deviendra difficile de verser au pot commun ce qui bénéficie aux petits cantons et même au grand Berne (qui reçoit 1 milliard de francs grâce à la RPT). Les chambres doivent notamment décider à quelle hauteur les cantons seront indemnisés : Eveline Widmer-Schlumpf a proposé d’essuyer 50 % des pertes, mais les principaux concernés voudraient 60 %.

Ce grand chambardement survient au moment où la plupart des budgets cantonaux sont fragilisés par une baisse des recettes. A Neuchâtel, le franc fort a déjà commencé à rogner les bénéfices des entreprises, d’autres cantons ont livré des projets de budgets déficitaires ou tout juste équilibrés grâce à des mesures d’économie.

Paradis fiscal, Zoug envisage d’augmenter ses impôts pour faire face à ses charges, notamment la RPT, dont il conteste le calcul avec véhémence.

Jeudi dernier, la CdC, la conférence des gouvernements cantonaux, a annoncé qu’elle vient de créer un groupe de travail pour améliorer les règles de la péréquation. Siègeront sous la présidence de Franz Marty, ancien directeur des finances schwytzoises, trois conseillers d’État de cantons à fort potentiel de ressources et trois conseillers d’État de cantons à faible potentiel de ressources. Le but : éviter que les régions généreuses à force de se sentir trop pressées comme des citrons cassent ce fin mécanisme de solidarité confédérale. Une menace de referendum des cantons existe. 

Avec le franc fort, RIEIII et la RPT, on joue les recettes cantonales à la roulette russe. Il n’aurait pas été inutile de demander aux candidats aux Chambres fédérales de se positionner sur ces enjeux.   

* Texte paru en italien dans Il Caffè du dimanche 4 octobre 2015

Réfugiés: J’ai fait un rêve européen

Comme dans les films catastrophe américains, il y avait des hélicoptères qui tournoyaient dans un ciel d’après orage au dessus d’un camp de réfugiés.

Il y avait des présidents et des premiers ministres qui donnaient des ordres, mais remerciaient aussi les gens qui s’activaient pour secourir ceux qui en avaient besoin.

Après des années, des mois, des semaines d’indifférence, il y avait eu un sursaut.

Les réfugiés, on avait trop pris l’habitude de les voir dans le poste de télévision, hagards, désorientés, fuyant la Syrie et tant d’autres cercles de l’enfer …. Comme dans un film de science fiction, ils étaient soudain sortis du poste et avaient déboulé dans nos salons, à nos frontières, dans nos gares, dans nos villes.

Angela Merkel avait dit qu’il fallait les accueillir, et l’on s’était organisé pour le faire, comme si une météorite était tombée au cœur de l’Europe, comme si un accident chimique ou nucléaire avait chassé des millions de gens de leurs maisons.

On s’était aperçu que, de fait, il y avait dans nos territoires européens plein d’édifices abandonnés, écoles, hôpitaux, casernes, et on les avait peu à peu retapés pour y loger les migrants.

La Croix Rouge, qui avait un siècle plus tôt développé ses structures pour faire face à la catastrophe de la première guerre mondiale en Europe,  avait été appelée par Jean-Claude Juncker pour aider les Européens à concevoir et mettre en œuvre le plus grand plan d’accueil de migrants de l’histoire.

On réquisitionna d’abord les forces armées. Puis, un matin avaient débarqué ce que l’on nomma très vite les  « nouvelles brigades internationales de volontaires ». L’élan était venu d’un jeune architecte italien au chômage, il avait appelé une copine espagnole, connue lors d’un Erasmus. Chacun était venu avec une dizaine de potes.  Suivis bientôt par des centaines d’autres, venus offrir leurs compétences autant que leur compassion active.

C’était cela l’autre miracle de cette prise de conscience :  les jeunes Européens au chômage s’étaient mis à disposition pour aider les ONG à aménager l’accueil des réfugiés, jouer avec les enfants, soigner les malades, servir à manger, enseigner une langue, organiser l’administration, …

C’était comme au temps des cathédrales, une ferveur venue des foules, le sens d’un destin commun, le besoin d’apporter sa pierre et de contribuer ensemble à une lumineuse évidence de fraternité.

Tout cela avait coûté, mais on avait tant actionné la planche à billets pour sauver des banques, que l’on fut soudain heureux, soulagés, de pouvoir la faire fonctionner pour sauver du monde et l’âme de l’Europe.

2015 avait commencé avec l’effroi des attentats contre CharlieHebdo, une mobilisation citoyenne sans précédent dont les cyniques dirent qu’elle ne durerait pas, l’année  s’achevait dans la conviction et l’affirmation morale que les terroristes, quel que soit leur degré de barbarie, ne gagneraient pas. Car leur mode de vie ne faisait envie à personne, alors que la solidarité européenne était redevenue une valeur universelle.

Jacques de Watteville et sa mission impossible

Les Suisses qui n’aiment pas trop les enjeux de politique extérieure l’ignorent généralement : nous avons un corps diplomatique d’excellence, nous disposons de très bons diplomates. Sans eux, le rayonnement de la Suisse sur la scène internationale ne reposerait que sur les montres et le chocolat. *

Avec raison le TagesAnzeiger a donc qualifié Jacques de Watteville, nommé mercredi par le Conseil fédéral négociateur en chef pour toutes nos discussions avec l’Union européenne, un « Grand Seigneur de la diplomatie ».

Cette réputation ne doit à rien à sa particule patricienne : le Vaudois a une carrière de haut vol, après avoir passé quelques années aux CICR comme délégué, il entre au Département fédéral des affaires étrangères. Un de ses premiers postes a été Bruxelles, où il a notamment participé aux négociations sur l’Espace économique européen. Puis il a été ambassadeur  en Syrie, à Bruxelles, puis en Chine. C’est là que Eveline Widmer-Schlumpf est allé le chercher pour qu’il soit son Secrétaire d’Etat aux questions financières internationales.

Jacques de Watteville connaît donc les arcanes bruxelloises comme sa poche, il connaît toutes les postures et toutes les ruses que la Suisse a déployées par le passé pour signer des accords avec l’Union européenne. Mais, il maîtrise aussi les enjeux de la mondialisation, c’est lui qui était en poste à Pékin quand fut signé l’accord de libre-échange avec la Chine en juillet 2013, un petit exploit de la diplomatie suisse. Cet homme a remis également « en conformité » avec les standards internationaux notre chère place financière.

Mais dans les commentaires qui ont accompagné sa désignation, il a aussi beaucoup été question de « mission impossible »!

A dire vrai, pour un diplomate, il n’y a jamais de « mission impossible ». Tout est affaire de temps comme le montre l’accord sur le nucléaire iranien. Jacques de Watteville a le réseau et le savoir-faire pour réussir. Mais l’actuel mandat de négociation du Conseil fédéral lui laisse peu de marges de manœuvre. Son travail consistera donc à ouvrir des brèches autant dans le glacis bruxellois que sur le plan intérieur. Il devra se montrer créatif, audacieux, rentre-dedans, ce qui le conduira certainement à proposer de briser quelques tabous.

La votation du 9 février a fracassé les relations bilatérales avec l’UE contre le mur d’une impasse. Tout en respectant ce vote, il faut aussi admettre que l’on en sortira seulement en faisant des efforts et des concessions. Un diplomate, aussi talentueux soit-il, ne peut pas réussir tout seul. Le premier défi de Jacques de Watteville constitue paradoxalement à pacifier le front intérieur. 

* texte paru en italien dans il caffé du 16 août

Affaire Despot (suite)

L’UDC nous a habitué depuis un quart de siècle à animer la pause estivale de l’actualité par de tonitruantes polémiques. En français fédéral, on appelle cela un « Sommertheater ».

Cette année, la section vaudoise s’est surpassée avec l’ »affaire Despot », un sordide déballage qui a gravement dérapé dans l’étalage de la sphère privée des protagonistes impliqués.

Tous les partis connaissent des rivalités de personnes, donc de cruels petits meurtres entre amis. Mais là, l’arrière-fond privé de ces règlements de compte a donné la nausée.

Qu’est-ce que nous révèle cette sombre histoire, parfait condensé de rodomontades viriles et de petites lâchetés?

– Que l’éculé clivage entre UDC des champs et des villes n’explique décidément rien de ce qui se trame dans la section vaudoise du plus grand parti de Suisse.

Que le culte du chef, l’adoration de Christoph Blocher, n’a pas favorisé l’émergence d’une culture collective. Quand il n’y a pas de leader à suivre et à glorifier, la dynamique se casse, la discipline implose.

– Qu’à force de pratiquer un discours de détestation et d’exclusion, les membres de l’UDC n’arrivent même plus à s’aimer et se respecter entre eux.

– Que beaucoup d’élus UDC sont toujours là pour critiquer, mais jamais là pour assumer les conséquences de leurs propositions. Certains, comme le conseiller national Guy Parmelin, ont demandé le départ de Fabienne Despot, mais n’étaient pas prêts à reprendre le flambeau. C’est d’ailleurs une constante dans la carrière de M. Parmelin, chaque fois que son parti compte sur lui, il décline. On le voyait au Château, il refusa de concourir. Et dire qu’il figure encore et toujours sur les listes de « papables » pour le Conseil fédéral.

Tout ce qui ne tue pas rend, paraît-il, plus fort. Fabienne Despot, qui a affronté la tempête crânement et reçu l’absolution du congrès, est-elle sauvée ? Certainement pas. Si elle a montré qu’elle avait des nerfs, elle a prouvé qu’elle avait de bien piètres connaissances du droit, et qu’elle ne sait pas arbitrer les conflits de personnes ou se mettre au dessus de la mêlée, autant de qualités demandées à qui souhaite devenir Conseiller d’État.

 

Islam et société

Quelle place faut-il laisser à l’islam en Suisse, se demande-t-on souvent. La réponse est peut-être très simple : ni plus ni moins que celle qui existe pour les autres religions. Mais cette position de bon sens (défendre nos valeurs et traditions sans discriminer les nouveaux venus) ne va pas de soi. Deux exemples dans l’actualité.

A Volketswil, l’association « al Huda » souhaitait ouvrir une école enfantine. Proche de l’organisation islamiste du Conseil central islamique suisse, elle a indiqué vouloir fonder son enseigement sur le Coran. En deuxième instance, le tribunal administratif zurichois a estimé qu’il est «délicat» de ne pas informer les enfants du fait que «certaines visions religieuses ne correspondent pas aux règles actuelles de la société suisse, en matière d’homosexualité ou de relations sexuelles avant le mariage, notamment». Bonne nouvelle : notre état de droit fonctionne. Quand les revendications des musulmans sont jugées trop communautaristes, elles sont rejetées.

Démarche inverse, visant une meilleure intégration, à l’université de Fribourg, où a été lancé le 1er janvier dernier le Centre Islam et société, rattaché à la Faculté de théologie. But de l’alma mater : développer la recherche, l’enseignement et la formation continue autour de l’islam dans un contexte suisse.

Signe de l’intérêt qu’il suscite, le Centre vient de recevoir un don de 1,43million de francs. La fondation zurichoise Mercator explique dans un communiqué qu’elle « encourage la science et reste persuadée que les échanges interdisciplinaires permettent de fournir des réponses à des questions sociétales actuelles, réfléchir d’une manière scientifique à la position de l’islam dans le contexte helvétique en fait partie». La somme devra permettre la mise sur pied d’un programme doctoral.

Pourtant, l’existence du centre, dirigé par un chercheur en éthique sociale, est contestée par la section cantonale de l’UDC, qui vient d’annoncer qu’elle a recueilli assez de signatures pour une initiative visant son interdiction.

Il est regrettable que l’UDC veuille anéantir une tentative scientifique de mieux appréhender les réalités des musulmans en Suisse. Les autres partis dénoncent l’exploitation électoraliste que l’UDC opère ainsi en année d’élections fédérales.

Ce parti préfère-t-il vraiment que les questions de coexistence avec les valeurs helvétiques soient abordées dans le huis clos des salles de prière par des imams qui ne connaissent pas notre société ?

On ne peut pas déplorer la faible intégration des communautés musulmanes et rejeter a priori des structures qui visent à combler ce fossé. Les autres partis sauront-ils élaborer un contre-discours efficace pour convaincre les citoyens fribourgeois de maintenir le Centre ? Ce sera tout l’enjeu de la votation à venir, qui sera très observée.

* Texte paru en italien le dimanche 26 juillet sur http://www.caffe.ch/

Ce que la Suisse doit à la migration

L’hiver dernier, j’ai été sollicitée pour donner une conférence sur la migration. J’en publie ci-dessous le contenu. Le titre pourrait en être « pour une autre histoire de la Suisse », ou « l’histoire de la Suisse est celle d’une immigration réussie ». J’ai finalement choisi « Ce que la Suisse doit à la migration », qui comprend notre passé d’émigrés et le présent des immigrés. 

Je publie ce texte pour le 1er août, ma manière à moi de célébrer la fête nationale et de plaider pour une idée qui m’est chère: il existe un musée des Suisses de l’étranger, qui retrace l’histoire des Suisses migrants, j’aimerais qu’on le prolonge avec l’histoire de ceux qui sont venus chez nous, les vagues successives d’immigrés qui nous ont enrichit aux XX et XXI ème siècles.

Nous, les Suisses, étions des émigrés, nous sommes devenus une terre d’immigration. C’est une histoire formidable dont nous devons être fiers. 

Le sujet de la migration est un thème délicat. Les attentats à Paris en début d’année nous ont montré à quel point et avec un haut degré d’horreur que la cohabitation entre les cultures ne va pas de soi.

Ces chocs culturels, sociaux, politiques et économiques, ces chocs majeurs qui ébranlent nos sociétés et nos démocraties, dans leurs fondements et dans leur fonctionnement, ont pour origine les phénomènes migratoires. La colonisation qui a marié par dessus la Méditerranée les destins des peuples français et maghrébins était aussi un phénomène migratoire.

C’est une des thèses, ou hypothèses que je souhaite développer devant vous : on ne peut se faire une juste idée des migrations actuelles sans plonger dans l’histoire.

Je ne vous parlerai pas de la France, mais bien de la Suisse, qui est une terre d’immigration qui s’ignore ou ne s’assume pas.

On a l’habitude de considérer l’histoire de la Suisse comme celle d’un petit noyau de cantons farouchement indépendants et qui, à la fin du XIII ème siècle, prennent leur distance par rapport au pouvoir impérial, celui du Saint-Empire romain-germanique. La suite ne serait d’ailleurs qu’une méfiance grandissante envers les puissances, très vite assortie de neutralité : ne vous mêlez pas de nos affaires, nous ne nous mêlons pas des vôtres.

Telle serait la singulière trajectoire de la Confédération de 1291 à nos jours.

Tout cela n’est pas entièrement faux, mais tout cela est loin d’être vrai.

D’abord les mythes du Pacte des trois Suisses en 1291 et de la neutralité sont des constructions du XIXème siècle, élaborées pour asseoir la légitimité de la Suisse moderne fondée en 1848, tant sur le plan interne, qu’externe.

Surtout, j’aimerais revenir sur ce qui se trame au Gothard, au cœur des Alpes dès le Moyen-Age, et vous en donner une autre lecture.

Entre l’Allemagne et l’Italie, entre le Nord et le Sud du Continent, le Gothard est au Moyen-Age un des meilleurs points de passages pour le commerce, surtout un des plus rapides, pratiquement en ligne droite. C’est d’ailleurs toujours le cas.

Les Confédérés qui décident de prendre leur distance par rapport au pouvoir impérial sont donc des personnes qui vivent de ce commerce, des taxes qu’ils prélèvent, des services qu’ils louent aux marchands. Leur volonté d’indépendance est peut-être moins politique qu’économique : gardez les richesses là où elles sont captées.

Notez que l’émancipation par rapport au pouvoir impérial n’est pas qu’une lubie de montagnards, dans la péninsule italienne, nombre de villes souhaitent elles aussi jouir de libertés communales, et s’affranchir de la férule de leurs seigneurs. Le mouvement des Suisses n’est pas si singulier que cela.

La Confédération naît donc sur un axe commercial, et va s’attacher à grandir dans cette logique : d’abord Lucerne à l’autre bout du lac, puis Zurich, autre pôle économique, puis les régions adjacentes, par cercles concentriques jusqu’à prendre en 1815 ses contours actuels.

La Suisse croît, de quoi vit-elle ? La Suisse est pauvre, malgré ses négociants et les embryons d’activités industrielles, elle vit des produits de son agriculture et exporte massivement sa main d’œuvre : dès Marignan 1515, les Suisses renoncent à faire la guerre, mais ils loueront leurs services de mercenaires.

Il faut relire l’histoire de nos cantons, mais aussi la littérature. Pour ceux qui ne possèdent ni terres, ni commerces, la seule issue c’est d’aller travailler ailleurs comme soldats, mais aussi comme domestiques. Dans le langage courant à Paris dès le XVII ème siècle, mais on le lit aussi chez Balzac, un Suisse est un portier, un gardien d’immeuble.

L’industrie notamment horlogère mais aussi textiles se développera avec l’arrivée des réfugiés huguenots après la Révocation de l’Edit de Nantes.

Cet épisode, comme d’autres, illustre la profonde imbrication de la Suisse dans l’histoire de France. La petite Confédération est une zone tampon entre le Royaume et l’empire des Habsbourg. L’ambassadeur de France au près des Confédérés règle les capitulations, les contingents de mercenaires, mais joue aussi les arbitres entre les cantons.

L’influence française est en Suisse au XVIII ème siècle comme en Europe considérable. Les idées révolutionnaires seront amenées chez nous par des soldats de retour au pays, même si d’autres troupes se feront massacrer aux Tuileries par loyauté envers Louis XVI.

Mais revenons à l’immigration. A l’évidence, la Suisse a été longtemps une terre d’émigrés. Au XIX ème siècle, beaucoup sont partis en Amérique du Nord, en Amérique du Sud. Pas de colonisation, mais un exode de nos campagnes.

Le mouvement s’inverse au tournant du XXème siècle. La Suisse fondée par les radicaux en 1848 devient libérale et prospère, elle s’équipe, procède à de grands travaux, notamment pour améliorer la traversée des Alpes, Gothard, Simplon,… de la main d’œuvre étrangère est requise.

A l’aube de la première guerre mondiale, la Suisse compte 15% d’étrangers. Ce qui est considérable pour l’époque. A noter qu’à cette époque, le travail de frontaliers est déjà courant dans la région de Genève.

Comme on le sait, la grande guerre marque une forte rupture dans l’histoire : finie la Belle époque, l’insouciance, le passage des frontières sans passeport.

La Suisse sort de la première guerre mondiale certes moins traumatisée que les pays qui ont connu des combats, mais elle ne comprend pas elle-même très bien comment elle a pu y échapper. Elle s’est divisée entre francophiles et germanophiles. S’est révélé un fossé entre Alémaniques et Romands, une ligne de partage émotionnelle dans la relation au monde et aux pays voisins qui va durablement influencer son destin.

Les Romands sont du côté des vainqueurs, les Alémaniques, qui avaient cru à la suprématie de Guilaume II, du côté des perdants. Grâce au président Wilson, et à l’action humanitaire de Gustave Ador avec le CICR, Genève est choisie pour accueillir le siège de la Société des Nations.

Protestantisme, empreinte des huguenots, création et développement du CICR et SDN constituent trois marqueurs de l’identité romande caractérisée par son ouverture au monde et aux étrangers.

C’est dans l’entre deux guerres, alors que l’on craint aussi les retombées de la Révolution bolchévique, qu’apparaît en Suisse alémanique un mot intraduisible : l’ Überfremdung, la surpopulation étrangère. On se dote d’une loi sur les étrangers restrictive.

L’immigration ne recommence à croître qu’à partir des années cinquante pour s’envoler et atteindre aujourd’hui 23,8%. Toutes les initiatives prises pour limiter la main d’œuvre étrangère ont échoué. La seule mesure qui fasse régresser la part des étrangers dans la population s’appelle crise économique. La croissance ou la récession, c’est le seul vrai régulateur de l’immigration. On n’accourt pas dans un pays pauvre.

Le sentiment que la Suisse est envahie prévaut depuis plus de 40 ans. On a calculé que dans les années 1960, 1 million d’Italiens sont venus.

Même si les initiatives Schwarzenbach pour stopper l’Überfremdung ont échoué, elles ont crée un climat d’hostilité aux immigrés qui a empêché la Suisse de réfléchir sereinement à sa politique de naturalisation.

J’aimerais que l’on procède en Suisse à une vaste analyse de l’ADN de la population, on verrait que la plupart des Suisses ont des origines françaises, allemandes, italiennes, et que les Helvètes qui n’auraient que des gênes des Waldstaetten sont une minorité.

En matière de naturalisation, nous vivons une absurdité totale : nous ne donnons pas la nationalité suisse à des enfants d’immigrés de la troisième génération, nés ici, dont donc les grand-parents ont immigré, par contre nous la reconnaissons à des descendants de compatriotes établis en France, en Amérique, trois quatre ou cinq générations après.

J’ai assisté au Congrès des Suisses de l’étranger à une discussion sur l’opportunité d’accepter comme langue d’échange l’anglais. Mesure refusée. De jeunes Suisso-Américains ont le passeport suisse, de jeunes Italiens, Espagnols, Portugais nés en Suisse, qui parlent parfois mal leur langue maternelle, ne connaissent leurs pays d’origine que pendant les vacances, n’ont pas le passeport rouge à croix blanche.

La Suisse qui s’effraie de son taux d’étrangers, officiellement élevé en comparaison internationale, se crée des étrangers, alimente un problème qu’elle pourrait facilement résoudre. 360 000 « étrangers » sont nés en Suisse.

Je suis récemment allée voir les chiffres. Un demi-million de nos «étrangers» résident chez nous depuis plus de quinze ans, alors que l’on s’est écharpé au Parlement pour savoir s’il fallait 10 ou 12 ans de résidence pour déposer une requête de naturalisation. Pas loin de 200 000 sont là depuis plus de trente ans.

Si l’on décidait de donner le droit du sol et un passeport rouge à des gens qui sont là depuis trois décennies, on couperait en deux le nombre d’étrangers. On reviendrait à 10 à 12% d’immigrés un taux socialement et culturellement plus supportable.

La Suisse au cœur de l’Europe est une nation de trois cultures, même quatre dit-on avec le romanche, elle peine à reconnaître qu’elle l’est aussi démographiquement.

Ce refus de se voir fruit de l’immigration, ce sentiment d’être envahie, nourrit également à mon sens sa méfiance envers la construction européenne, et ses difficultés à s’adapter à la nouvelle donne internationale, post chute du Mur de Berlin.

La Suisse se raconte des histoires à elle-même, celle d’un petit pays replié sur lui-même pour son bien, alors que toute sa richesse, hormis l’or bleu de ses barrages, vient de ses échanges avec les pays étrangers, et de ses exportations.

Notre économie, nos instituts académiques et de recherche sont de longue date dépendants des étrangers. Antonio Loprieno est un égyptologue italien à la tête de la Conférence des recteurs des universités suisses. La Britannique Sarah Springmann est rectrice de l’EPFZ.

Nous devrions d’autant plus être sereins par rapport à nos étrangers que l’intégration s’est plutôt bien faite chez nous : par le travail, les syndicats, les clubs sportifs, l’école… et les histoires d’amour. Seul 1 mariage sur 3 implique 2 Suisses, le second se fait entre 1 étranger et 1 Confédéré, le troisième entre deux étrangers.

Maintes analyses de votation l’ont démontré : plus il y a d’étrangers dans un canton, plus les citoyens de celui-ci votent en faveur des étrangers, de la libre-circulation des personnes, des accords avec l’Union européenne,…

Les votes anti-étrangers sont le fait de régions où il n’y a pas ou très peu. Ils ressortent donc du fantasme, de la peur identitaire.

La question de l’immigration en Suisse est aussi impactée par le débat sur les réfugiés. Là aussi, notre pays, jadis généreux dans son accueil, les huguenots au XVII ème siècle, les Républicains et les Révolutionnaires aux XIXème, les Hongrois, les Tchécoslovaques, les Vietnamiens au XXème, est devenu paranoïaque.

La problématique est européenne, régie par les accords de Dublin. Là aussi, l’aggiornamento ne s’est pas fait, là aussi, nous devrions faire confiance à notre expérience et à notre histoire. Il ne faut pas redouter d’accueillir des réfugiés qui à titre humanitaire méritent au moins une protection temporaire. Il ne faut plus à mon sens considérer le statut de réfugié comme un droit à vie. Même Soljenitsyne, prototype du réfugié politique, a fini par rentrer chez lui, dans son pays d’origine.

Il faut en revanche leur demander de travailler, de contribuer au bien être de la société qui les accueille, afin de financer les frais d’entretien, mais aussi économiser de l’argent leur permettant de rentrer chez eux lorsque la paix y sera rétablie.

Les Suisses qui se sentent assiégés, pris d’assaut par les étrangers, méconnaissent une réalité humaine, profonde : la plupart de ceux qui migrent ne le font pas de gaiété de cœur, c’est souvent la nécessité économique, l’ambition d’offrir à leur famille un meilleur avenir qui les poussent. Ils cultivent donc au fond d’eux-mêmes le rêve de pouvoir rentrer un jour chez eux.

Et nombreux sont ceux qui l’ont fait, ajoutant dans leurs parcours de vie au déchirement avec leurs propres parents, un nouveau déchirement avec leurs propres enfants. Le XXI ème siècle nous offre heureusement des moyens de communications, terrestres, aériens et virtuels, qui relativisent les épreuves de la séparation.

Seule devrait compter la volonté de vivre ensemble et de contribuer par son travail, sa créativité, son humanité, à la société dans laquelle nous avons choisi de vivre.

Il est regrettable est paradoxal que nous pensions que notre pays et le paradis sur terre et que nous ayons autant de peine à accepter que tant de gens aient envie de venir y vivre. Tant que le critère d’admission est le travail, il n’y a dans ces conditions pas à craindre d’être envahis. Ayons confiance dans notre histoire.

Texte paru le 24 juillet 2015

Le pouvoir aura toujours sa part d’ombre

A Berne, les lobbyistes sont trois fois plus nombreux que les journalistes accrédités : 450 contre 150. Des chiffres à mettre en regard des 246 parlementaires chargés de voter nos lois.

Pourquoi sont-ils si nombreux? Des chercheurs universitaires viennent de livrer quelques explications. Autrefois, le travail d’influence se faisait en amont dans de petits cercles mêlant décideurs politiques et économiques. Le Parlement était alors considéré comme une chambre d’enregistrement. Aujourd’hui, les majorités sont plus difficiles à trouver, le Parlement a gagné en importance, et qui souhaite l’infléchir doit être présent lors des débats.

Autre changement majeur, l’internationalisation des managers à la tête des entreprises suisses. Ces dirigeants venus d’ailleurs sont mal connectés au tissu politique, il arrive qu’ils ne maîtrisent même pas une de nos langues nationales. Les sociétés ont donc besoin d’émissaires ou de mercenaires, les lobbyistes, pour défendre leurs intérêts.

A la suite de l’ « affaire » Markwalder, de nombreuses voix réclament plus de transparence sur ceux qui oeuvrent en coulisses, et notamment sur les liens financiers qui peuvent s’installer avec les élus.

La transparence est le véritable mantra de notre époque. Le sentiment prévaut que lorsque tout le processus décisionnel serait devenu transparent, tout serait plus juste, plus équitable, plus efficace.

Un coup d’oeil sur ce qui se passe à l’étranger devrait nous rendre plus circonspects. La transparence des financements de campagne aux Etats Unis n’empêche ni les tentatives de corruption ni les scandales, ni les manipulations. La masse des données publiées noie ceux qui cherchent à comprendre qui a voulu influencer qui.

Rien ne remplacera jamais l’intégrité personnelle, le sens de l’éthique. L’exercice du pouvoir aura toujours une part d’ombre. Il n’est pas toujours souhaitable de tout savoir tout de suite. Les responsables politiques ont parfois besoin d’une certaine confidentialité pour avoir le courage de trancher. L’instauration d’une transparence absolue pourrait conduire à la paralysie et à une soumission aux diktats d’une opinion parfois volage.

En matière de transparence sur le financement des partis politiques et sur les liens que les élus entretiennent avec les lobbyistes, la Suisse a indéniablement des progrès à accomplir. Mais il faudrait aussi muscler les organes de contrôle a posteriori, organiser de meilleurs contre-pouvoirs. Pourquoi ne pas instaurer des auditions publiques sur le modèle américain, qui permettent aux parlementaires d’investiguer au grand jour sur les décisions controversées ? Chez nous, les commissions d’enquête oeuvrent à huis clos. Organiser des débriefings de crise visibles par les citoyens constituerait le meilleur moyen de lutter contre les abus des pouvoirs occultes, et les trafics d’influence.

* Texte paru en italien sur le site du Caffè http://www.caffe.ch/section/il_punto/

L’UDC s’auto-disqualifie

L’UDC veut un second siège au gouvernement. Depuis que Christoph Blocher a été détrôné du Conseil fédéral par Eveline Widmer-Schlumpf, le parti est obsédé par cette revendication.

Comment obtient-on une bonne représentation à l’exécutif ? Il faut d’abord obtenir lors des élections une part du gâteau qui justifie les prétentions. De ce côté-là, l’UDC a tout juste. Même si les sondages lui prédisent la stagnation ou l’effritement, elle devrait rester le premier parti de Suisse, avec plus ou moins 25 % des suffrages. Personne ne voit le PS ou le PLR capable de lui ravir ce rang. Si le PLR et le PDC fusionnaient, la nouvelle entité pourrait accomplir ce dépassement. Mais il n’en est hélas pas question.

Cependant, pour gouverner, le poids électoral ne suffit pas, il faut aussi un minimum d’entente et de loyauté avec les partenaires. Et c’est là que le bât blesse.

Notre pays a vécu avec la « formule magique » de 1959 à 1999 : les trois principaux partis recevaient 2 sièges au Conseil fédéral et le quatrième 1 seul. Toutefois, cette formule n’était pas que de la mathématique. Il y avait une vraie convergence de valeurs, d’objectifs et de méthode.

En 1999, l’UDC est devenue le premier parti du pays, mais sa revendication n’a pas été satisfaite. Au début de l’année, le PDC avait pris soin de faire remplacer les ministres Arnold Koller et Flavio Cotti par Joseph Deiss et Ruth Metzler. Le parlement, nouvellement élu, n’a pas osé virer l’un des deux. En 2003, l’UDC ayant encore progressé, les Chambres ont sacrifié Ruth Metzler et enfin donné donné sa chance à Christoph Blocher. Jamais le tribun entrepreneur n’est entré dans son costume de ministre. Il a multiplié les entorses à la collégialité.

Pourquoi reparler de cela ? L’UDC, qui veut venger l’affront de 2007 et asseoir son emprise sur le collège gouvernemental, n’a pas soutenu lors de la dernière session la réforme de l’armée que son propre ministre, Ueli Maurer défendait. A quoi cela sert-il d’avoir un conseiller fédéral si on ne le soutient pas ? Le gouvernement peut-il se permettre un second membre qui sabote son propre boulot et ne soutient jamais celui de ses collègues ?

Autre incohérence récente, l’UDC conteste la loi d’application d’une réforme du droit d’asile qu’elle a pourtant soutenue il y a deux ans lors du referendum lancé par la gauche.

Bien que se disant éprise des valeurs suisses, l’UDC a fait exploser le système de concordance. Si elle dispose d’une relative légitimité des urnes, elle ne joue pas le jeu gouvernemental. Elle se disqualifie elle-même.

Face au défis qui l’attendent dans la nouvelle législature, le pays aura besoin de cohésion et de clairvoyance. Des caractéristiques qui font cruellement défaut à l’UDC.

* Texte paru dans Il Caffè en italien http://www.caffe.ch/section/il_punto/ le 12 juillet 2015

Suisse: quelle souveraineté?

Je ne me lasserai jamais de m’indigner du faible taux de participation aux votations, 42 petits pourcents dimanche dernier. Faudrait il que nous expérimentions un temps la dictature pour apprécier d’avoir le droit de vote ? *

Je m’énerve, mais je demande aussi pourquoi nous avons voté. Nous nous sommes exprimé sur quatre objets, mais pas sûr que cela change quoi que ce soit.

Dans le cas de l’impôt sur les successions et des bourses d’études, c’est normal que rien ne bouge: les réformes proposées ont été récusées.

Notons tout de même que le problème du financement de l’AVS, qu’une plus forte taxation des héritages au niveau fédéral promettait de renflouer, reste entier. Idem pour la cause, manifestement pas très populaire, de  l’égalité des chances dans l’accès aux études, pourtant vecteur d’ascenseur social, donc de dynamisme pour la collectivité.

Dans le cas du diagnostic préimplantatoire, nous avons dit clairement oui, mais on sait d’ores et déjà que la loi d’application sera contestée.

Le oui à la LRTV a été arraché de justesse. Mais il ne résout rien, non plus. Le débat sur le financement du service public audiovisuel n’est pas calmé. Personne n’a compris le vote des Tessinois, plus gros bénéficiaires de la redevance radio-tv. Quand il s’agira de défendre la clé de répartition, le canton (qui touche quatre fois plus qu’il ne contribue au pot commun) risque de payer cher son effronterie.

Je note, avec un rien de sarcasme, que ce 14 juin, nous n’avons pas pu nous prononcer sur les deux problèmes qui impactent au plus haut point nos vies.

La force du Franc suisse risque d’étouffer notre économie, mais nous n’avons rien à dire. La banque nationale a décidé toute seule. Nous n’avons même pas la possibilité de lancer un referendum.

Le drame des migrants en Méditerranée n’est pas près de s’arrêter. Il y a deux ans à peine, nous avons accepté à 78% des modifications de la loi sur l’asile. A la suite des Européens, nous avons décidé de supprimer la possibilité pour les requérants d’asile de déposer une demande dans les ambassades. C’était sensé éviter l’afflux de candidats. Mince ! Cela ne marche pas du tout. La Méditerranée est secouée par un tsunami humain.

L’Italie n’en peut plus de voir échouer sur ses plages des milliers de migrants en quête d’un avenir meilleur. Elle désespère de la solidarité européenne. Si Matteo Renzi met à exécution sa menace de donner des visas Schengen aux migrants, devinez quel sera un des principaux pays à devoir faire face à ces arrivées massives « indésirées » ?  J’écris « massive » et je me souviens que nous avons voté contre l’immigration de masse, l’an dernier.

Pourquoi tant d’ironie ? Je me demande si nous ne nous mettons pas  le doigt dans l’œil en croyant que la souveraineté suisse est farouchement défendue grâce à notre démocratie directe. 

* Chronique parue en italien dans Il caffè du 21 juin 2015

http://caffe.ch/stories/il_punto/50993_lillusione_di_difendere_la_sovranit_con_il_voto/

Roestigraben ou pas

L’idée suisse, cela vous dit quelque chose? C’était le slogan de SSR – SRG il y a peu.

Pourtant le débat sur la redevance radio-tv aura déchiré la Suisse en deux comme rarement, avec un score hyper-serré (3696 voix de différence). Les Romands auront clairement fait pencher la balance du côté du petit oui. Mais regardez la carte (sur le site du Temps ), le pays est comme pris en sandwich à l’est (les Grisons) et à l’ouest (les cantons romands sauf le Valais mais avec  Bâle-Ville) ont voté oui à la LRTV.

Alors Roestigraben ou pas?

Le Roestigraben est un concept peu populaire, il signale une divergence d’opinion entre Romands et Alémaniques, et, forcément cela dérange dans le paysage confédéral qu’on aime feutré et que l’on préfère convivial. Les autres votations du week end (DPI, bourses d’études, impôt sur les successions) ne signalent d’ailleurs pas de grandes fractures sur la barrière des langues.

Mais il reste indubitable que si une majorité de Romands avait voté comme l’immense majorité des Alémaniques, la LRTV n’aurait pas passé. Il y a donc bien une différence de sensibilité entre Romands et Alémaniques, et c’est bien ce rapport autre, plus confiant ou moins critique (c’est selon) au service public qui a offert une courte victoire aux partisans de la LRTV. Pourquoi le nier?

SSR-SRG, l’institution ciment de la Suisse, relève un profond malaise sur la manière de s’informer, de se cultiver, de se former une opinion ou de se divertir.

Lorsque se tiendra le débat sur le périmètre du service public, lorsque l’on votera sur le maintien de la redevance, on retrouvera ce Roestigraben, c’est-à-dire des exigences, des attentes, des besoins, qui ne sont pas les mêmes, dans un contexte où le respect dû aux minorités est hélas une valeur à la baisse.