Vous reprendrez bien une petite couche de RIE3…

Passionnant le déluge de commentaires qui suit le scrutin de ce dimanche 12 février. J’en ajoute encore quelques uns:

  • dans RIE3, on n’a pas assez souligné à mon sens à quel point la gauche et l’UDC ont joué à contre-emploi.
  • Traditionnellement, la gauche est favorable à l’abolition des statuts fiscaux privilégiés pour les entreprises ou les personnes physiques. Elle souhaite aussi  la mise en conformité avec les standards internationaux de probité fiscale. Le PS reste par ailleurs le moins anti-européen des partis gouvernementaux. Attaquer en referendum une réforme qui mettait fin à des pratiques jugées déloyales par l’Union européenne et l’OCDE n’allait pas de soi.  Les socialistes vont devoir donc prestement démontrer leur bonne foi dans cette affaire (ils voulaient juste un paquet plus équilibré).
  • en soutenant RIE3, l’UDC n’était pas très crédible non plus. D’habitude, elle n’est pas tendre avec les entreprises qui abusent, selon elle, du recours à la main d’oeuvre étrangère. Et les multinationales pratiquent l’embauche de talents extérieurs sans beaucoup d’états d’âme, au nom de la compétitivité. D’habitude, l’UDC est championne pour exiger que la Suisse ne cède pas aux pressions internationales. Avec RIE3, elle demandait au peuple se se soumettre aux pressions de l’UE et de l’OCDE, sans la moindre-contrepartie consolatrice. Si les critiques de Eveline Widmer-Schlumpf ont indéniablement eu un impact sur le non, il faut souligner qu’ une partie de l’électorat UDC n’a pas suivi la posture incohérente de ses dirigeants.
  • les sondages annonçaient un résultat serré, on peut donc voir dans l’ampleur du rejet de RIE3 par six votants sur dix non une grosse trace de l’exaspération des classes moyennes face au discours sacrificiel des milieux économiques, déjà vue le 9 février 2014.
  • le calendrier est serré pour mettre sous toit une RIE3bis, politiquement viable, avant 2019. La bonne nouvelle de ce dimanche, c’est qu’il suffit d’appliquer la méthode Leuthard pour réussir. Le succès de FORTA à 62% a été éclipsé par les deux autres objets de votation. Mais il faut saluer la manière habile dont Doris Leuthard a fait preuve dans la durée: des sous pour le rail (FAIF en 2014, approuvé lui aussi à 62%), puis des sous pour la route cette fois-ci, un arrosage régional bien dosé. Bref, une manière de pratiquer l’art du compromis helvétique que la démocrate-chrétienne pourrait utilement apprendre à son collègue Ueli Maurer: je consulte, je satisfais un peu tout le monde, dans un cadre raisonnable et maîtrisé, avec des chiffres et des projections sérieux à l’appui.
  • Notons encore l’attitude de la gauche qui gagne: une joie mêlée d’incrédulité. Il est vrai qu’elle n’a guère l’habitude de gagner les dimanches de votation, et qu’elle est une abonnée aux grandes baffes dans le genre « essayé, pas pu, mais il est vrai que la droite est très largement majoritaire en Suisse ».
  • A l’inverse, la droite ne sait pas vraiment perdre. Son autoflagellation depuis dimanche fait peine à voir. Avec RIE3, la droite s’est piégée elle même  comme un gosse pris les mains dans le pot de confiture. Les socialistes ont vu une chance pour eux dans ses maladresses de ré-équilibrer le rapport des forces au parlement. On verra assez vite, dans la réforme des retraites, si ils sont désormais pris au sérieux.
  • La splendide et symbolique victoire d’Ada Marra sur les naturalisations facilitées restera dans les annales. De l’abnégation, de la persévérance, la preuve délicieuse qu’en une génération, les enfants d’immigrés, devenus suisses, savent vous tricoter un beau compromis helvétique, gauche et droite raisonnables réconciliées, dont tout le monde (ou presque) est fier. Avec en prime, comme de la chantilly, une double majorité du peuple et des cantons incontestable!
  • Il y a quelques articles dans notre constitution qui portent le nom de leurs promoteurs: Weber, Minder. A ma connaissance, c’est la première fois qu’une disposition constitutionnelle tient au combat obstiné et longtemps solitaire d’une femme. Merci, Ada Marra, c’était une jolie manière de fêter le 46 ième anniversaire du droit de vote des femmes!

De février 2014 à février 2017

On a fait un bout de chemin en trois ans:

9/2/14: victoire UDC à 50,3% sur l’initiative contre l’immigration de masse.

28/2/16: défaite UDC à 58,9% sur l’initiative de mise en oeuvre.

12/2/17:  défaite UDC sur la naturalisation facilitée et RIE3

D’autres commentaires sur mon fil twitter: https://twitter.com/ChantalTauxe

 

Contre-pouvoir

Avec leurs vérités alternatives, Donald Trump et son équipe font très fort. Les populistes bonimenteurs paraissent devoir triompher partout.
C’est le moment de se souvenir que tous les contre pouvoirs ne s’effondrent pas en même temps. Certes, la presse est fragilisée pour des raisons économiques et technologiques, mais la justice a encore quelques moyens.
J’attends aussi le moment où les propriétaires actionnaires des entreprises de réseaux sociaux se soucieront moins de leurs dividendes que de la certification ou la fiabilité des contenus qu’ils diffusent.
Un commerçant qui se moque de la santé de ses clients n’a guère d’avenir. Non?

Trois ans pour rien

Trois ans après le vote du 9 février 2014 sur l’initiative « contre l’immigration de masse », la Suisse apparaît recroquevillée dans une impasse, en ayant verrouillé elle-même toute issue de secours.

Les outils de pilotage pour savoir où et comment les immigrés prennent – ou prendraient – la place des travailleurs indigènes font toujours défaut. Impossible de se convaincre que l’on maîtrise un tant soit peu les flux migratoires qu’une majorité a souhaité dompter. Le solde migratoire a reculé en 2016 pour la troisième année consécutive, mais c’est comme si personne n’avait rien remarqué, comme si le fait de passer de 80 000 à 60 000 n’était qu’une pure abstraction statistique.

Trois ans après leur courte victoire, les vainqueurs restent toujours aussi frustrés et mécontents. Et toujours aussi incapables de trouver la voie d’un compromis avec les autres forces politiques. Leur impuissance témoigne de la fausseté de leur promesse pendant la campagne: contingenter l’immigration tout en maintenant les autres accords bilatéraux avec l’UE. La vérité est que l’UDC a menti au peuple, mais qu’une certaine culture démocratique molle peine à lui reprocher cet authentique scandale. Pourtant, en démocratie, la victoire donne aux vainqueurs quelques responsabilités et obligations.

La détestation de l’UE est à son comble, elle est devenue le plus petit dénominateur commun entre tous les partis. Certes l’UE n’affiche guère de grandes percées qui la rende follement aimable, elle endure les revers comme le Brexit – ou l’impossibilité de coordonner sa politique d’asile – avec un stoïcisme qui frise le masochisme. Elle reste pourtant notre meilleure option de partenaire diplomatico-commercial. Pour des raisons géographiques, historiques et éthiques. La bonne entente avec l’UE vaut mieux pour un petit pays comme le nôtre que la logique des rapports de force chère à Trump et à Poutine, ou l’illusion de la franche camaraderie chinoise.

Il faudra expliquer un jour comme la Confédération, jadis si pragmatique, s’est retrouvée dans cette impasse, où elle attend que tombe la guillotine des prochaines initiatives de l’UDC, sans même tenter une manoeuvre d’esquive. Une soumission de moutons, le reniement de ses propres valeurs,  un abyssal manque de courage, l’absence de clairvoyance, le mépris de son histoire

La mort de L’Hebdo était évitable (suite)

Dernier jour de parution  de l’Hebdo, ce 2 février 2017. Une manifestation s’est tenue, il y a eu beaucoup de discours forts en engagés, parmi lesquels celui d’ Edgar Bloch, président d’impressum vaud. 

Je publie son texte pour tous ceux qui n’ont pas pu nous rejoindre à Lausanne. Il est un précieux éclairage sur les enjeux qui dépassent le sort des collaborateurs de L’Hebdo, touchent nos collègues du Temps, la diversité de la presse, et la richesse d’une démocratie pluraliste.

« Chers consoeurs, chers confrères,

Chères lectrices et lecteurs,

Chers amis,

C’est un jour très triste et nous autres journalistes tenons à vous manifester notre pleine et entière solidarité avec le coup du sort qui vous assomme et nous avec.

« Il était bon pour la tête ». Tuer un titre vieux de 30 ans c’est une perte immense pour la culture de la Suisse romande. Qu’on l’aime ou qu’il agace L’Hebdo a marqué la vie de ce coin de pays. Il a animé le débat d’idées, amener des enquêtes, des portraits, des entretiens.

Il a parfois dérangé, rarement laissé indifférent. Les journalistes et les équipes se sont battues, avec talent courage et ténacité à le développer, puis le maintenir.

Par déficience stratégique, par erreur et disons-le par incompétence, l’éditeur s’est progressivement désinvesti et dégagé de ses responsabilités. La rédaction talentueuse, vaillante, courageuse et tenace s’est battue vaille que vaille des années durant contre l’inéluctable.

Oui L’Hebdo, plus de 30 ans de participation au débat démocratique de la Suisse romande, a été tué parce que son propriétaire l’a progressivement abandonné.

Au lieu d’investir, d’engager de nouvelles forces, on a évoqué la perte des lecteurs. Bien sûr que les lecteurs s’en vont. A force de ratatiner en permanence les équipes, de rogner sur le journalisme, on perd de sa force, de sa substance.

L’éditeur nous chante le refrain rabâché et usé de l’innovation. On en peut plus de ce mot, on en a marre de cette contre-vérité permanente : comment être innovant avec de moins en moins de monde à la production journalistique. Stop à ce mensonge !

Faites preuve d’innovation. Après la Tribune de Genève, après 24 Heures, c’est ce qu’on a le toupet de demander maintenant aux consoeurs et confrères du Temps. Après une sixième restructuration en quelques années d’existence, un déménagement forcé et contraint de Genève à Lausanne et une « newsroom »  coûteuse et un basculement vers le numérique dont on nous promettait monts et merveilles il y a, je le rappelle et le souligne, à peine quelques mois. le résultat est une sanglante et massive restructuration. Alors là on dit arrêtez !

Trop c’est trop. Un nouveau mensonge, une nouvelle grossièreté de plus. Plus personne ne croit aux balivernes de Ringier, pardon Ringier Axel Springer.

Aujourd’hui, Lausanne est la capitale du désastre suisse de la presse. Cette Bérézina est de la faute exclusive des éditeurs.

Tamedia et Ringier Axel Springer ne sont plus des éditeurs de presse, mais des marchands de soupe, qui s’intéressent avant tout au marché des petites annonces tellement plus profitables que le soutien au journalisme. Non seulement l’acquisition de ces sites tue le journalisme à petit ou même à grand feu, mais il le cannibalise, puisque les millions engrangés ici entrent en concurrence avec les médias producteurs d’informations et donc de sens.

Les deux grands sont dangereux parce qu’ils donnent le ton aux autres, aux plus petits qui ne se gêneront pas de les suivre sans résistance.

Impressum, Les journalistes suisses, exigent que ces éditeurs rendent au journalisme ce qui lui a été pris. Impossible d’avoir de la substance si les bénéfices de ces sites ne sont pas retournés. Nous voulons que tout le monde publique, politiciens réclament des ressources de la part de ces Messieurs qui ont abusé de leur titre d’éditeurs de presse et ne s’intéressent à rien d’autre qu’à faire plaisir à leurs actionnaires, et à des rendements faramineux.

Nous attendons des pouvoirs publics un appui aux journalistes de l’Hebdo, du Temps et de tous les journalistes de ce pays en dénonçant avec force ces agissements qui tuent la presse.

Nous voulons dire aussi que sans presse forte et libre, sans journaliste il n’y a pas de démocratie. En ces moments où le populisme triomphe partout, il faut rappeler l’importance de la liberté de la presse, qui est pourtant proclamée dans la Constitution fédérale, et de la fonction du journalisme.

Le journalisme n’est pas mort. Il se renouvellera, L’Hebdo a donné une piste que le Temps va perpétuer. De nouveaux projets de journalistes vont se créer, mais les journalistes les feront eux-mêmes. Ils sont les éditeurs de demain. Ils réclament un soutien au démarrage, de l’imagination des pouvoirs publics qui s’indignent, mais ne font rien pour sauver le journalisme.

 

Vive l’Hebdo, vive le Temps, vive le journalisme ! « 

 

 

 

 

 

 

La tour d’ivoire des scientifiques, c’est bien fini

Il n’y a pas si longtemps encore, on reprochait aux chercheurs et aux scientifiques de rester « dans leurs tours d’ivoire » académiques. C’est intéressant de voir qu’ils figurent désormais en première ligne pour défendre la libre-circulation des cerveaux. Sujet bien connu en Suisse depuis le brutal réveil du 9 février 2014. Et maintenant, préoccupation des chercheurs américains.

A dire vrai, ce retour dans le champ politique a commencé avec la mise en cause de l’idée de progrès et du progrès scientifique en particulier à partir des années 1970.

C’est le moment de rappeler qu’à la Renaissance, les humanistes et les artistes étaient sur tous les fronts. Voyez Léonard de Vinci, Galilée, Erasme,…

Sortir du cocon, sortir de sa « bulle » dit-on désormais, défendre ses idées et ses valeurs, aller voir ailleurs, ne pas craindre la découverte et la remise en question, voilà un impératif universel.

Le mépris de la politique finit toujours pas se retourner contre ceux qui le professent.

La mort de L’Hebdo était parfaitement évitable. Explications.

L’Hebdo va disparaître. Une page se tourne – des milliers, en fait. L’événement est abondamment commenté. Normal, le magazine existe depuis plus de 35 ans, et il a marqué la vie politique, culturelle, sociale, économique de la Suisse romande. Je crois que cette mort annoncée était évitable.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire à l’émission Médialogues de la RTS http://www.rts.ch/play/radio/medialogues/audio/licenciee-de-lhebdo?id=8307129 nous avons souvent manqué de moyens pour développer des projets qui, s’ils avaient été mieux compris et soutenus par la direction, nous auraient permis de trouver de nouvelles audiences et de nouvelles recettes.

Au-delà des enjeux comptables et financiers, j’ai lu et entendu beaucoup de remarques. Il se trouve que j’ai travaillé plus de 13 ans à L’Hebdo, comme responsable de la politique suisse puis comme rédactrice en chef adjointe, je me sens tenue de répondre. D’expliquer – parce que comme le dit Alain Jeannet, on n’a peut-être pas assez expliqué dans quelle situation nous nous trouvions et pourquoi nous opérions – ou pas – certains choix.

Expliquer oui. Pas justifier – on n’est pas au tribunal, j’espère. Oui, j’espère que l’on est encore et toujours dans une démocratie où chacune et chacun a le droit de défendre ses opinions, et où l’on reconnaît aux journalistes un devoir particulier en la matière.

Alors, je vais prendre un peu en vrac tous les reproches ou critiques.

 

« Journal de gauche, pour les uns. Journal de droite, pour les autres. » J’ai envie de répondre : ni de droite, ni de gauche, mais engagé, défendant des valeurs d’ouverture au monde, vecteur et fédérateur d’une identité romande, porte-voix des intérêts romands, agitateur d’idées, agaçant, bousculant les pouvoirs (c’est un peu la fonction de base de la presse, non?), imparfait, énervant, fidèle à lui-même,….

Des réactions courroucées  d’élus indignés par nos articles ou nos prises de position, j’en ai reçu de droite et de gauche, du centre et d’ailleurs,…

Mais des lecteurs m’ont aussi écrit après mon licenciement en octobre dernier: » je n’étais de loin pas toujours d’accord avec vous, mais j’avais plaisir à vous lire, car vous aviez une ligne. Je vous regretterai. »

« Lancez un média neutre », suggère un ami facebook. Non, merci, je ne crois pas. Il n’y a que les agences de presse – et encore – qui soient neutres. Les médias de service public ont une obligation d’équilibre – minutes d’antennes réparties selon les partis.

Mais je ne crois pas qu’un journal puisse être neutre. Les journalistes se doivent d’être honnêtes, de chercher la vérité, de ne pas travestir les faits (autant de choses qui devraient les rendre furieusement tendance et désirables dans les 4 prochaines années trumpiennes). Ce qui compte, c’est l’honnêteté intellectuelle, la cohérence.

 

« L’Hebdo n’a pas assez innové, média papier ringard, qui n’a rien compris à l’ère digitale. » Je résume. Ça, ça fait un peu rire jaune. L’Hebdo a lancé en 1995 déjà une plate-forme digitale le webdo. Il a été totalement précurseur. Ce bel élan, comme tant d’autres initiatives issues de la rédaction, a été cassé par la direction au début des années 2000.

Fiction : L’Hebdo serait-il éradiqué en ce début 2017 si le webdo avait pu continuer son expérience?

L’Hebdo a également lancé le Bondyblog en 2005, après les émeutes dans les banlieues françaises. Un exemple de reportage de terrain, et de média citoyen, repris ensuite par les principaux concernés.

En 2007, L’Hebdo a couvert les élections fédérales avec le Blog & Breakfast – un journaliste dans un canton, dormant chez les candidats qui voulaient bien l’héberger. Là aussi de l’immersion de terrain, du blog, des vidéo, des reportages classiques.

En 2007 aussi (sauf erreur), L’Hebdo, soucieux de promouvoir la relève journalistique, lance les Blog trotters – sur le modèle de l’émission de la RTS « La course autour du monde », des jeunes parcourent pendant les semaines d’été le monde, envoient leurs reportages. Les meilleurs paraissent dans le magazine. Ce fut, des années durant, une formidable école de journalisme.

En 2012, sommé d’animer son site internet devant le paywall (le mur payant) sans ressources journalistiques supplémentaires (alors que les programmes d’économies successifs avaient déjà réduit l’équipe rédactionnelle à l’os), L’Hebdo invente une plate-forme de débats ouverte aux alumni du Forum des 100 (créé en 2005 – j’y reviendrai plus tard). Grâce à son carnet d’adresses, grâce à l’entregent de ses rédacteurs, nombre d’experts et de personnalités romandes acceptent de bloguer régulièrement et quasi-gratuitement en échange de la mise en valeur de leurs réflexions sur les réseaux sociaux grâce à la bannière de L’Hebdo.

Début 2015, après le mercredi tragique des attentats de CharlieHebdo, nous confectionnons en quelques heures une édition spéciale numérique, grâce au soutien de nos blogueurs et dessinateurs associés. Dans les semaines suivantes, j’ai reçu maintes marques d’estime des quatre coins  de la francophonie où notre pdf avait essaimé: France, Belgique, Canada, Afrique.

Donc, merci, l’importance de la bascule numérique, ce n’est pas comme si on ne l’avait pas vue venir. Il nous a souvent manqué les moyens de développer nos projets, car à côté de cela, nous continuions à produire chaque semaine le magazine et toutes sortes de numéros spéciaux ou de suppléments.

 

« Avant d’être lâché par son éditeur, L’Hebdo a été lâché par ses lecteurs. » Je laisse répondre ceux qui ont le droit de produire les chiffres (mes conditions de licenciement stipulent que je ne peux rien divulguer en la matière).

Mais ,disons que longtemps L’Hebdo a perdu moins de lecteurs que le reste de la presse écrite grâce notamment à sa stratégie de régionalisation. Ce sont les annonceurs qui ont peu à peu déserté les pages du magazine, surtout parce que les stratégies d’acquisition de la publicité n’ont cessé de varier (centralisation à Zurich, fermage pour TF1, rachat du Temps, création des structures Ringier-Axel Springer et admeira,…) : trouver de la pub pour L’Hebdo n’a jamais été la top priorité de ceux qui en avaient la charge (pour des raisons éthiques évidentes, la rédaction ne peut assumer cette tâche). Avec disons 5 ou 6 pages de pub supplémentaires dans chaque édition, L’Hebdo n’aurait pas sombré dans les chiffres rouges. L’effort n’était pas surhumain. Les vendeurs de pub sont comme les contrôleurs fiscaux : plus il y en a, plus ça rapporte.

 

Je m’arrête là pour l’instant. Mais ne voulant pas frustrer ceux qui trouvent extravagants que j’aie continué à défendre une ligne pro-européenne, je les renvoie à ce texte paru dans L’Hebdo et désormais disponible sur mon site. https://chantaltauxe.ch/les-proeuropeens-sont-patriotes/

 

 

 

Trump, apocalypse now, et les indignés

Vous je ne sais pas, mais moi je sature avec l’ambiance « apocalypse now » de ce 20 janvier. Non pas que je veuille minimiser les risques ou le choc que représentent une présidence Trump, mais bon, voilà: Donald Trump va être président. S’il dérape grave, il y aura toutes sortes de contre-pouvoirs qui se dresseront. C’est cela la démocratie: un rapport de force entre une majorité et des minorités.

Cette présidence offre à tous ceux qui la contestent ou la redoutent, à tous les indignés, l’opportunité de se lever, de se dresser, d’argumenter, de défendre d’autres points de vue, de proposer d’autres solutions. La présidence Trump est peut-être inquiétante, elle sera passionnante.

Un homme, fut-il président des Etats-Unis, ne change pas l’histoire à lui tout seul. On l’a bien vu avec Barack Obama.

Naturalisations facilitées et RIE III, l’UDC est incohérente

J’essaie de suivre les arguments de l’UDC contre la procédure de naturalisation facilitée pour la troisième génération d’étrangers présents en Suisse.

Je m’y perds: ce parti trouve qu’il y a trop d’étrangers, mais  aussi trop de naturalisations (ordinaires et facilitées selon les procédures actuelles). Il ne veut pas que ceux qui sont là depuis longtemps et ont démontré leur intégration deviennent suisses. Où est la cohérence?

L’UDC se bat pour le maintien de l’identité suisse. Une grande partie de notre identité, disons de notre conscience helvétique, se forge à l’école obligatoire. Mais l’UDC ne croit pas que des jeunes qui sont nés chez nous, ont suivi nos écoles, méritent un petit coup de pouce dans leur procédure de naturalisation. Comme si l’obtention du certificat à la fin de l’école obligatoire ne signifiait pas que l’on maîtrise la langue du lieu, une autre langue nationale, l’histoire et la géographie, les us et coutumes de la région,… Là encore, où est la cohérence?

Ce même parti qui pense que la Suisse subit une immigration de masse soutient la RIE III, la troisième réforme de l’imposition des entreprises. Que l’on soit pour ou contre la RIE III, on admet que cette réforme doit maintenir et doper l’attractivité de la place économique suisse (ce qui fait débat et a déclenché le referendum, c’est son impact sur les recettes fiscales des collectivités). Si notre économie reste attrayante et prospère, l’immigration va se poursuivre, de mêmes que ses effets co-latéraux dommageables dénoncés par l’UDC sur le solde migratoire, la préférence indigène,…

L’UDC devrait donc logiquement être contre la RIE III. Mais là, non plus, pas de cohérence.

Chacun est libre de ses positions sur les objets en votation le 12 février prochain. Mais ce que les citoyens sont en droit d’attendre des partis – et encore plus d’un parti gouvernemental qui occupe 2 des 7 sièges du Conseil fédéral – c’est de la cohérence entre ses diverses prises de position. Un parti, c’est une Weltanschauung (une vision du monde), pas une addition de discours désordonnée. L’exercice du pouvoir implique la responsabilité. La responsabilité exige un minimum de cohérence.

 

La naturalisation facilitée pour conquérir de nouveaux citoyens actifs

On reproche aux étrangers de la 3ème ou la 2ème génération leur désintérêt civique: s’ils ne se sont pas déjà naturalisés, c’est que la politique suisse, locale, cantonale ou nationale ne les intéresse pas. J’aimerais rappeler que un Suisse sur deux en moyenne ne vote pas (et je connais peu de partis et d’élus qui s’en émeuvent sérieusement et essayent d’y remédier!).

Il est temps de faire un geste pour dire à la 3ème génération qu’elle doit participer pleinement. Qui paie des impôts doit pouvoir voter. C’est un principe fondamental dans une démocratie digne de ce nom.

Et c’est aussi une belle conquête de la démocratie que d’élargir le cercle des citoyens actifs.