Ringier et Tamedia abdiquent: vive Fijou!

Fijou. Verra-t-on bientôt ce petit acronyme figurer dans l’impressum d’une publication ou d’un site online, comme on distingue le soutien de Cinéforom à la fin du générique d’un film? Rembobinons.

Fijou signifie fonds pour le financement du journalisme. Sa création est proposée par Médias pour tous, une association constituée à l’initiative des réalisateurs Frédéric Gonseth et Gérald Morin. Leur volonté première est de combattre l’initiative «no billag» qui menace la SSR.

Mais, dès l’automne 2016, au vu des licenciements chez Tamedia et Ringier Axel Springer, le périmètre des activités de Médias pour tous s’est élargi. Très vite est née l’idée de concevoir un fonds de soutien aux médias, alimenté par les collectivités publiques, sur le modèle des dispositifs existant dans le champ culturel, tel le fameux Cinéforom, doté par les cantons, les villes et la Loterie romande d’environ 10 millions de francs par an.

À terme, Fijou pourrait subventionner le lancement de nouveaux projets journalistiques, l’innovation dans des médias déjà existants, l’encouragement à l’abonnement de certains groupes-cibles, des projets d’enquête, une aide d’urgence à des titres en péril…

L’immense avantage de Fijou est de permettre une aide publique directe, tout en garantissant l’indépendance des rédactions. Fijou ne sera pas un arrosoir, les demandes de soutien devront satisfaire un certain nombre de conditions. Ce fonds sera un appoint, un gage de stabilité pour des médias qui continueront à financer leurs activités via les lecteurs, le crowdfunding, des mécènes, ou d’autres «business models» plus classiques.

Rapidement réalisable pour peu que la volonté politique suive, Fijou ne saurait à lui tout seul sauver un paysage médiatique en pleine tourmente, en Suisse romande comme ailleurs.

Pour affronter la révolution numérique, l’érosion inexorable des recettes publicitaires comme le désengagement des grands éditeurs, c’est tout l’écosystème des médias qui doit être repensé.

Vers une mise en commun?

D’autres propositions ont émergé comme celle de Media Forti: créer une plateforme nationale pour les médias online, afin que les rédactions utilisent toutes la même infrastructure technique. Les coûts de développements informatiques grèvent les budgets des rédactions naissantes: on est contraint d’y engager plus de développeuses·eurs que d’enquêtrices·eurs. Une infrastructure publique commune serait utile, d’autant plus qu’elle pourrait aussi procurer un dispositif de micropaiement simple, efficace et sûr.

Afin de financer cette plateforme, on pourrait taxer les diffuseurs (swisscom, cablecom), taxer la vidéo à la demande (Netflix), taxer les fenêtres publicitaires de télévisions étrangères (combat perdu naguère par la SSR mais qui pourrait être rouvert avec d’autres petits pays comme la Belgique et l’Autriche qui soufrent du siphonnage des recettes). Une part des revenus publicitaires excédentaires de la SSR et une part de la redevance pourraient également fournir des ressources.

Longtemps le paysage médiatique romand a défié les lois du marché: sur un petit territoire ont prospéré des quotidiens et des magazines, qui ont rapporté des millions de francs à leurs éditeurs. Un petit miracle, le reflet de la bonne santé économique du pays et d’un fédéralisme nourrissant le cloisonnement des débats.

Pas de regrets

Tempi passati, les recettes publicitaires ont fondu comme neige au soleil, les éditeurs privilégient la rentabilité à outrance et oublient leur responsabilité sociale. Mais les regrets ne servent à rien. Seules certitudes, la presse est un bien commun, le journalisme un métier, une expertise de professionnel·le·s qui ne peut reposer sur le seul bénévolat. Personne n’exige des boulangères·ers qu’ils travaillent gratuitement. Tout est à reconstruire.

C’est l’heure de vérité et des actes pour toutes celles et tous ceux qui se disent attachés au débat démocratique.

  • Texte paru dans Pages de Gauche no 164, été 2017

Chapeau initial, rédigé par la rédaction. La presse romande est en ébullition après les vagues de licenciements au Temps, à 24 Heures et à la Tribune de Genève, sans parler de la disparition de L’Hebdo. Parce que la presse d’opinion ne peut survivre sans une presse d’information diversifiée, indépendante et financièrement solide, ces événements nous touchent directement. Pour poser quelques premiers jalons d’un débat qui est loin d’être terminé, nous accueillons dans ce numéro Chantal Tauxe, qui fut rédactrice en chef adjointe de L’Hebdo de 2009 à 2016 et qui a vécu toutes les dernières transformations de la presse écrite de l’intérieur. *

Crise de la presse: Les journalistes reprennent leur destin en main

Fusions de titres, regroupements de rédactions, les annonces de restructurations d’envergure dans les médias suisses se succèdent. Les initiatives pour sortir de ce marasme se profilent.

Faire toujours mieux avec moins. Restructurer sans dénaturer. A chaque nouvelle annonce de regroupements des forces et de coupes dans les effectifs, les groupes de presse tentent de convaincre qu’ils prennent les bonnes mesures, même si douloureuses, pour s’assurer un avenir.

Mais, quoi qu’il en soit, et quoi que l’on puisse penser des motivations des grands éditeurs, des journalistes, des graphistes, des illustrateurs, des photographes, trop de ceux qui ont fait métier d’informer avec passion se retrouvent brutalement sur le carreau. Un peu sonnés. Souvent écœurés. Soudain les bras ballants après avoir tant bossé sans compter des années durant pour sauver leur titre, fragilisé par l’érosion des recettes publicitaires.

Les bras ballants?

Enfin non, justement pas.

Les initiatives se multiplient

Lâchés par leurs éditeurs, les journalistes retrouvent leur pleine liberté de parole sur l’exercice de leur métier. Ils ne sont plus les otages de la parole directoriale faussement rassurante sur les perspectives et globalement enfumante sur les chiffres réels. Ils tirent des leçons des débâcles en cours qu’ils s’étaient abstenus de diffuser par loyauté envers leurs employeurs. Ils prennent leur destin en main. Si s’indigner est un réflexe de journaliste, une qualité professionnelle nécessaire, gémir n’est pas le genre de la corporation.

Encore timides et peu connues, mais coordonnées de part et d’autre de la Sarine, les initiatives se multiplient pour rebâtir un paysage médiatique fort et indépendant des grands éditeurs qui abandonnent leur vocation première (on ne parle pas ici de la création de nouvelles aventures éditoriales comme Bon pour la tête, mais d’associations et de comités visant à en favoriser l’éclosion et la pérennité).

Ainsi Médias pour tous (Medien für alle), constitué pour contrer l’initiative No Billag, potentielle torpille des budgets et des ambitions de la SSR, a élargi le périmètre de ses actions à la sauvegarde de la qualité et de la diversité de la presse. Elle souhaite proposer de nouveaux dispositifs d’aide aux médias. En est né, côté romand, le projet Fijou de fonds de financement du journalisme.

Le 7 août se créait à Zurich la Verband Medien mit Zukunft (l’adaptation française est en cours) regroupant 15 médias print ou online parmi lesquels Bon pour la têteRepublikWOZInfosperbersept.infoCulture en jeuSaitentsüri.ch, WePublish,… Cette association veut être la voix de projets éditoriaux indépendants et conteste à Schweizer Medien (Médias Suisses – le lobby des éditeurs) le monopole de la défense des intérêts de la profession notamment au près des autorités politiques.

Chaos créatif

Enfin Media Forti, composé de membres des deux groupes précités et s’appuyant sur les milieux académiques et culturels, entend ouvrir une discussion publique sur les conditions nécessaires à l’exercice d’un journalisme de qualité, au service du débat démocratique, et économiquement viable.

Tout cela vous paraît un peu confus, les missions redondantes? C’est le propre du chaos créatif! Media Forti prépare actuellement deux soirées d’information, l’une à Zurich le 2 octobre, l’autre à Lausanne le 4, pour présenter dans le détail ces initiatives, les faire connaître à l’ensemble de la profession, et recueillir de nouvelles énergies pour les concrétiser.

Car l’enjeu n’est plus de savoir si demain les journalistes publieront le résultat de leurs investigations sur papier ou sur le web, en texte ou en images qui bougent – cette discussion oiseuse qui a nourri d’erratiques stratégies de développement numérique aux retombées peu lucratives jusqu’ici – mais bien de trouver de nouveaux moyens pour financer le travail des rédactions, quels que soient leurs modes d’expression, c’est-à-dire la production d’une plus-value par rapport à l’information brute. Autant que les principaux concernés aient leurs mots à dire, en première ligne.

Article paru sur le site Bon pour la tête:

https://bonpourlatete.com/actuel/les-journalistes-reprennent-leur-destin-en-main

Une idée pour aider la presse écrite et les partis

La publicité politique disparaît des journaux. Le peu de budgets dont dispose la plupart des partis migre vers les réseaux sociaux. C’est un signe de l’époque: pourquoi les partis se comporteraient-ils autrement que les grands distributeurs? Reste que le recul manque pour savoir si ces stratégies de communication ciblée sont réellement plus efficaces.

J’attends avec impatience le moment où une docte étude viendra nous démontrer que la bonne vielle page de publicité que le lecteur trouvait dans son quotidien ou son magazine le touchait plus efficacement que les « fenêtres » qui jaillissent sur son écran. J’attends avec impatience le moment où une docte étude nous prouvera que la surprise en tournant les pages d’un quotidien ou d’un magazine retenait mieux son attention, suscitait plus son passage à l’acte d’achat que le bombardement intempestif de son regard errant sur son ordinateur.

La pub online est réputée vendre aux annonceurs des consommateurs bien identifiés selon les traces numériques qu’ils ont laissées ici ou là. Le hasard de la découverte, la surprise, ne sont plus que des fragments d’algorithmes.  L’individu n’est plus que la somme de ses choix précédents. Pour le supplément d’âme, circulez, il n’y a plus rien à voir.

Une critique commence à poindre: les utilisateurs de réseaux sociaux sont enfermés dans des bulles, en contact avec ceux qui pensent comme eux. Les curieux sont priés de ruser avec les paramètres pour rester confrontés à la contradiction, à la contrariété. Or, la démocratie vit de la confrontation des opinions; le vote permet l’arbitrage, la décision, et suppose que le citoyen a pris la peine de se forger une opinion éclairée.

En Suisse, malgré un calendrier de votations très soutenu, la politique souffre d’un déficit de financement. L’inflation du nombre d’initiatives n’a pas dopé les budgets des partis qui doivent « éclairer » le vote des citoyens, bien au contraire.

D’où ma suggestion: aider les partis à faire campagne, tout en aidant aussi la presse. L’idée m’en est venue lors d’un colloque à Genève sur l’avenir de la démocratie directe, alors que mon journal, L’Hebdo, venait juste d’être condamné à mort par ses éditeurs.

Une manière d’aider la presse écrite et d’instiller un peu plus d’égalité entre partis dans les moyens de faire campagne (pour une votation ou une élection) serait de doter les partis d’un budget publicitaire à dépenser impérativement dans les médias imprimés. Les formations politiques recevraient une sorte d’enveloppe forfaitaire pour la législature.

Les comptes des journaux s’en trouveraient bonifiés et le débat démocratique tout autant vivifié.

Avons nous assez pris conscience que nous sommes dans une époque où deux piliers de la démocratie sont dangereusement affaiblis: la presse et les partis politiques? Quoi que l’on pense de la qualité des uns et des autres, ne perdons pas de vue leur rôle essentiel dans la formation de l’opinion des citoyens !

La mort de L’Hebdo était évitable (suite)

Dernier jour de parution  de l’Hebdo, ce 2 février 2017. Une manifestation s’est tenue, il y a eu beaucoup de discours forts en engagés, parmi lesquels celui d’ Edgar Bloch, président d’impressum vaud. 

Je publie son texte pour tous ceux qui n’ont pas pu nous rejoindre à Lausanne. Il est un précieux éclairage sur les enjeux qui dépassent le sort des collaborateurs de L’Hebdo, touchent nos collègues du Temps, la diversité de la presse, et la richesse d’une démocratie pluraliste.

« Chers consoeurs, chers confrères,

Chères lectrices et lecteurs,

Chers amis,

C’est un jour très triste et nous autres journalistes tenons à vous manifester notre pleine et entière solidarité avec le coup du sort qui vous assomme et nous avec.

« Il était bon pour la tête ». Tuer un titre vieux de 30 ans c’est une perte immense pour la culture de la Suisse romande. Qu’on l’aime ou qu’il agace L’Hebdo a marqué la vie de ce coin de pays. Il a animé le débat d’idées, amener des enquêtes, des portraits, des entretiens.

Il a parfois dérangé, rarement laissé indifférent. Les journalistes et les équipes se sont battues, avec talent courage et ténacité à le développer, puis le maintenir.

Par déficience stratégique, par erreur et disons-le par incompétence, l’éditeur s’est progressivement désinvesti et dégagé de ses responsabilités. La rédaction talentueuse, vaillante, courageuse et tenace s’est battue vaille que vaille des années durant contre l’inéluctable.

Oui L’Hebdo, plus de 30 ans de participation au débat démocratique de la Suisse romande, a été tué parce que son propriétaire l’a progressivement abandonné.

Au lieu d’investir, d’engager de nouvelles forces, on a évoqué la perte des lecteurs. Bien sûr que les lecteurs s’en vont. A force de ratatiner en permanence les équipes, de rogner sur le journalisme, on perd de sa force, de sa substance.

L’éditeur nous chante le refrain rabâché et usé de l’innovation. On en peut plus de ce mot, on en a marre de cette contre-vérité permanente : comment être innovant avec de moins en moins de monde à la production journalistique. Stop à ce mensonge !

Faites preuve d’innovation. Après la Tribune de Genève, après 24 Heures, c’est ce qu’on a le toupet de demander maintenant aux consoeurs et confrères du Temps. Après une sixième restructuration en quelques années d’existence, un déménagement forcé et contraint de Genève à Lausanne et une « newsroom »  coûteuse et un basculement vers le numérique dont on nous promettait monts et merveilles il y a, je le rappelle et le souligne, à peine quelques mois. le résultat est une sanglante et massive restructuration. Alors là on dit arrêtez !

Trop c’est trop. Un nouveau mensonge, une nouvelle grossièreté de plus. Plus personne ne croit aux balivernes de Ringier, pardon Ringier Axel Springer.

Aujourd’hui, Lausanne est la capitale du désastre suisse de la presse. Cette Bérézina est de la faute exclusive des éditeurs.

Tamedia et Ringier Axel Springer ne sont plus des éditeurs de presse, mais des marchands de soupe, qui s’intéressent avant tout au marché des petites annonces tellement plus profitables que le soutien au journalisme. Non seulement l’acquisition de ces sites tue le journalisme à petit ou même à grand feu, mais il le cannibalise, puisque les millions engrangés ici entrent en concurrence avec les médias producteurs d’informations et donc de sens.

Les deux grands sont dangereux parce qu’ils donnent le ton aux autres, aux plus petits qui ne se gêneront pas de les suivre sans résistance.

Impressum, Les journalistes suisses, exigent que ces éditeurs rendent au journalisme ce qui lui a été pris. Impossible d’avoir de la substance si les bénéfices de ces sites ne sont pas retournés. Nous voulons que tout le monde publique, politiciens réclament des ressources de la part de ces Messieurs qui ont abusé de leur titre d’éditeurs de presse et ne s’intéressent à rien d’autre qu’à faire plaisir à leurs actionnaires, et à des rendements faramineux.

Nous attendons des pouvoirs publics un appui aux journalistes de l’Hebdo, du Temps et de tous les journalistes de ce pays en dénonçant avec force ces agissements qui tuent la presse.

Nous voulons dire aussi que sans presse forte et libre, sans journaliste il n’y a pas de démocratie. En ces moments où le populisme triomphe partout, il faut rappeler l’importance de la liberté de la presse, qui est pourtant proclamée dans la Constitution fédérale, et de la fonction du journalisme.

Le journalisme n’est pas mort. Il se renouvellera, L’Hebdo a donné une piste que le Temps va perpétuer. De nouveaux projets de journalistes vont se créer, mais les journalistes les feront eux-mêmes. Ils sont les éditeurs de demain. Ils réclament un soutien au démarrage, de l’imagination des pouvoirs publics qui s’indignent, mais ne font rien pour sauver le journalisme.

 

Vive l’Hebdo, vive le Temps, vive le journalisme ! « 

 

 

 

 

 

 

25 septembre: éloge de la contradiction

Un an après les élections fédérales, le gouvernement peut se réjouir: il est en harmonie avec le souverain. Ses trois recommandations pour les votations du 25 septembre ont été suivies.

Triomphe également pour l’UDC et le PLR, confortés dans leur rôle de vainqueurs. La gauche reste à la peine. Le tournant vert voulu par les écologistes n’a séduit qu’un gros tiers des votants. L’amélioration des rentes AVS, proposée par le Parti socialiste et les syndicats, a passé de justesse la barre des 40% de oui, qui la situe dans les défaites honorables. Il n’empêche, sur deux sujets très emblématiques de leur spécificité idéologique, socialistes et verts ne parviennent guère à convaincre au-delà de leur camp.

Ces trois votes sont marqués par la peur. Crainte légitime d’actes terroristes contre lesquels la nouvelle loi sur le renseignement permettra d’agir plus efficacement, à défaut d’offrir un bouclier absolu d’ailleurs impossible à mettre en œuvre tant la menace est polymorphe.

Peur de l’innovation sociale et technologique ensuite pour ce qui concerne AVSplus et économie verte. Se projeter dans un avenir meilleur semble difficile à une majorité de Suisses rétifs aux aventures financières. Budgétairement parlant, le changement devrait être une opération blanche, indolore, sans effet sur le porte-monnaie. De telles révolutions douces n’existent pas. Oser modifier son train de vie ou son confort exige courage et abnégation, des vertus qui ne se décrètent pas et que l’époque actuelle troublée n’encourage pas.

La carte des trois votes pose la question du respect des minorités. Comment considérer les impétueux référendaires et les téméraires initiants? Ceux qui ont défendu la protection de la sphère privée contre Big Brother ont-ils eu tort? Et les tenants d’une économie plus durable, inutiles utopistes? Et quelle marge de manœuvre concéder aux cantons romands qui constituent un petit Röstigraben en matière d’assurances sociales? Les entichés du souverainisme et du populisme rétorqueront que la majorité a tranché: fin de l’histoire.

Il n’est toutefois pas encore interdit de souhaiter une Suisse plus attentive aux nuances et à sa diversité.

Si la loi sur le renseignement a autant convaincu à droite comme à gauche, c’est qu’elle est le fruit d’un exigeant compromis entre besoins sécuritaires et contrôle démocratique.

Pour les deux autres objets, les compromis restent à élaborer. Le but de l’initiative économie verte n’a pas été contesté, mais seulement la manière, a commenté Doris Leuthard. Le vote de dimanche ne saurait être interprété comme un encouragement à pilonner la très raisonnable stratégie énergétique 2050.

Les opposants à AVSplus ont beaucoup prétendu qu’il ne fallait pas torpiller la réforme Prévoyance vieillesse 2020 d’Alain Berset, à eux désormais de le prouver. Quelque 40% des votants de ce week-end sont prêts à se remobiliser pour bloquer toute tentative de démantèlement de l’assurance sociale la plus chérie par la population. D’autant que la discussion sur les inégalités entre les générations ne fait que commencer. Mal cadrée, elle a tout de la bombe à déflagrations multiples: qui paie vraiment pour qui? Qui est solidaire et qui profite du statu quo?

Dans tous ces débats passionnants pour notre avenir, il faut moins redouter le non-respect de la volonté populaire (que tout le système suisse s’efforce d’honorer loyalement) que l’affaiblissement de la capacité de contradiction. L’objection témoigne de la force d’une démocratie. Les sociétés ou les systèmes totalitaires se fondent au contraire sur sa négation.

S’opposer, contester, c’est instiller le doute et obliger la partie adverse comme soi-même à mieux argumenter, à consolider son raisonnement. Cet exercice de remise en question ou de remise en perspective incombe plus qu’à d’autres aux journalistes. C’est notre mission spécifique, dans l’équilibre des pouvoirs qui se toisent au nom du bien commun, que de nourrir la réflexion.

Ce texte est ma dernière chronique dans L’Hebdo. Au moment de quitter une rédaction qui, dans une joyeuse émulation, m’a laissé toute liberté de développer mon esprit de contradiction, non pas par posture mais en toute conscience des enjeux et surtout en toute indépendance, j’aimerais remercier les lecteurs que mes propos ont pu parfois agacer de m’avoir lue malgré tout. A tous les autres qui, au fil des ans, m’ont témoigné soutien et considération, je veux dire ma gratitude et ma reconnaissance émues.

Les idées qui dérangent élargissent le champ des possibles. Elles ouvrent la voie à la dialectique qui permet de sublimer les contraires, d’avancer, de se laisser séduire par l’impensé ou l’impensable. Pour moi, ce fut un plaisir, un honneur et un privilège de pratiquer cet art citoyen avec vous.

  • ma dernière chronique parue dans L’Hebdo le 28 septembre 2016

Trierweiler : les journalistes ne disent pas merci

L’attitude de Valérie Trierweiler est une catastrophe pour les femmes journalistes.

Résumons sa carrière :

elle a couché pour avoir des informations exclusives

– parvenue au sommet de l’État par la grâce d’une liaison, elle a prétendu continuer à exercer son métier de journaliste, ne saisissant pas qu’elle pataugeait en plein conflit d’intérêts

– elle a mis publiquement dans l’embarras son compagnon président (affaire du twitt contre Ségolène Royal)

– une fois répudiée, elle déballe tout, au lieu de se taire et de rentrer dans le rang

elle utilise son jounal (Paris-Match) pour régler des comptes privés

Ce faisant, elle viole toutes les règles déontologiques de la profession. Elle compromet aussi les relations personnelles qui peuvent s’établir entre journalistes et politiciens (comment faire encore confiance aux premiers?)

Une vraie peste, un poison, on comprend que François Hollande s’en soit séparée.

Qu’elle se taise !  Car ses consoeurs ne lui disent pas merci.