Ambiance post-triomphe de Weber pour Lavaux

Les délais pour voter sur l’initiative « Lavaux III » sont largement explosés depuis longtemps (même si chacun des reports peut être justifié par un détail de la procédure), mais on attendra encore quelques jours? semaines? pour savoir si le Conseil d’Etat vaudois lui opposera un contre-projet.

Paradoxe, les contours du contre-projet sont connus. Sur la base de consultations de tous les milieux concernés, Béatrice Métraux, en charge de l’aménagement du territoire, a trouvé une sorte d’oeuf de Colomb, un texte qui reprend tant la préoccupation des initiants que certains intérêts des opposants. La conseillère d’Etat verte essaie d’éviter à Lavaux ce qui s’est passé en Valais: que le souverain impose à une population qui n’en veut pas de très strictes dispositions de protection du paysage.

Ce faisant, elle reconnaît un des arguments des opposants, à savoir qu’à terme la viabilité économique des vignerons du Lavaux est menacée si on ne leur permet pas de procéder à quelques travaux d’aménagement.

Une démarche louable, mais qui arrive un peu tard. Les résulats de la consultation dont Béatrice Métraux s’est fait l’écho ce jeudi 30 mai montrent aussi une volonté farouche des initiants comme des communes concernées d’en découdre. Les deux camps se sont déclarés hostiles à tout contre-projet.

Pour le gouvernement vaudois, le défi est le suivant: oser s’opposer à Franz Weber avec un contre-projet et prendre le risque de perdre. Les victoires d’Helvetia Nostra dans les urnes et devant le Tribunal fédéral, le oui des Vaudois à la LAT montrent que ce risque est élevé. Pour contrer Franz Weber, il faudrait un conseil d’Etat non seulement soudé derrière Béatrice Métraux, mais aussi que son président, le socialiste Pierre-Yves Maillard, monte au front et donne la réplique au tribun et à ses soutiens, au nom de la survie d’un secteur économique. Assistera-t-on à un tel choc?

Mauvais signe, le PLR, parti des trois ministres minoritaires (dont deux habitent la région concernée), n’a pas jugé opportun de répondre à la consultation initiée par Béatrice Métraux.

L’art du compromis à la vaudoise aurait-il du plomb dans l’aile?

Neuchâtel, erreurs du passé et promesses d’avenir

Neuchâtel ouvre une nouvelle législature avec quatre élus entrant, et un sortant dont l’expérience gouvernementale date de quelques mois. C’est une configuration jamais vue. D’autres cantons ont connu de grands coups de balais – conjugant départs volontaires ou non réélection – mais jamais de cette ampleur.

Avec l’élection de Monika Maire-Hefti, le canton conjure la perspective d’être le seul à ne pas compter de femmes dans son éxécutif. Un collège composé de cinq hommes aurait constitué un pur scandale. A l’avenir, il faut que tous les partis, à droite comme à gauche, préparent, profilent et proposent des hommes et des femmes. N’y avait-il vraiment aucune femme au PLR neuchâtelois pour briguer un poste au gouvernement?

La part des femmes dans les conseils d’Etat reste inférieure à 25%, il y a encore beaucoup de boulot à accomplir à cette échelle du pouvoir suisse pour obtenir la parité!

Avec l’élection d’Yvan Perrin, on a désormais la certitude que celle d’Oskar Freysinger en Valais n’était pas un accident local. Si l’UDC a retrouvé sa place dans les exécutifs romands, elle le doit à la faiblesse du PLR. La preuve par le cas vaudois. L’an dernier, le PLR a placé dès le premier tour ses trois champions, Pascal Broulis, Jacqueline de Quattro et Philippe Leuba, alors que l’UDC Claude-Alain Voiblet (stratège du parti à l’échelle romande) n’est pas parvenu à inquiéter les candidats de la gauche, ni au premier, ni au second tour.

A Neuchâtel comme en Valais, ce sont les erreurs tactiques dans le choix des candidats, pour cette élection ou lors de précédentes, qui ont discrédité les libéraux-radicaux. Les procédures de sélection sont à revoir: un peu moins de copinage, un peu plus de lucidité sur les qualités et les défauts des papables.

Les succès de Perrin et Freysinger doivent aussi beaucoup à leur engagement personnel: en une décennie, ils ont conquis une visibilité médiatique et une notoriété qui devaient tôt ou tard leur ouvrir les portes d’un éxécutif. Avant eux, le popiste Josef Zisyadis avait connu cette bonne fortune: extrêmement populaire, il conquit un siège au gouvernement vaudois à la faveur d’une élection partielle. Mais, la greffe ne prit pas, il y eut des problèmes de collégialité, il ne parvint pas à se fondre dans le collège, et ses collègues même ceux de gauche (auxquels le popiste offrait une majorité) n’aidèrent guère à l’incorporer.

C’est le défi qui attend Perrin et Freysinger – sauront-ils prendre part à la dynamique gouvernementale, et les autres sauront-ils les aider à se transformer en ministres efficaces, à égalité de considération avec leurs pairs? Quel que soit le canton, les libéraux-radicaux sont écartelés entre l’envie de rompre avec une UDC dont ils ne peuvent partager les valeurs, mais dont le poids électoral est crucial pour ne pas laisser la gauche s’emparer des exécutifs. Mais les alliances électorales sont une chose, les responsabilités gouvernementales une autre: quand on est élu, on se doit de gouverner avec ceux que les citoyens ont choisi. On doit en tout l’essayer, loyalement, dans le respect du suffrage universel.

Après les mésaventures valaisannes et neuchâteloises, une réflexion s’impose pour le PLR suisse, qui devrait déboucher sur une stratégie nationale. Reprofilage du parti sur ses valeurs fondamentales ou alliance avec l’UDC? Pour la survie du PLR, il serait bon de trancher la question une bonne fois pour toute avec clarté.

Quant au parti socialiste, il apparaît une fois encore comme une redoutable machine à fournir des ministres. Chez lui, les problèmes de relève sont mieux gérés que dans d’autres partis.

Traumatisés par les affaires à répétition de la dernière législature, tous les élus neuchâtelois du jour ont juré de se montrer collégiaux. La manière dont Yvan Perrin sera incorposé au collège sera un premier test. Mais ce que l’on sait aussi, à la lumière des déboires d’autres cantons, c’est que les épreuves passées soudent les équipes, et leur procurent un surcroît de pragmatisme et d’efficacité. C’est tout ce que l’on souhaite au nouveau gouvernement neuchâtelois.

Deux cantons romands, Vaud et Neuchâtel, ont désormais un exécutif de gauche et un Grand Conseil de droite. Une donne difficile qui oblige chaque camp à se positionner avec finesse. Mais un laboratoire intéressant en ces temps où la démocratie souffre d’être trop souvent une succession d’intérêts partisans…

Les clés de la police à Varone

Valais: Oskar Freysinger sera à la tête d’un Département de la sécurité et de l’éducation. L’école et la police ensemble, c’est assez inédit comme regroupement, en comparaison avec l’organisation des autres gouvernements cantonaux. Et ça donne à penser.

L’élu UDC s’est beaucoup profilé sur ces deux thèmes, on verra comment il passe des paroles aux actes, de la dénonciation simpliste au travail de conviction au près des partenaires… Mue heureuse ou déception programmée? Il faut laisser à tout nouvel élu le bénéfice du doute?

La plupart des conseillers d’Etat disent passer « la moitié de leur temps » en conférences intrecantonales, d’envergure romande, latine ou fédérale. Dans le cas d’Oskar Freysinger, cela va faire 2 x 50% (une fois pour la police – la sécurité requière une coordination supara-régionale importante; une fois pour l’école), + les affaires courantes valaisannes, + un cinquième du pouvoir d’influence du Conseil d’Etat, + son mandat de parlementaire fédéral.

Le nouveau ministre risque de se retrouver très vite englouti par la masse de travail et d’obligations (ce qui est peut-être une stratégie de la part de ses collègues pour calmer ses ardeurs, du genre « bosse et tais-toi). D’où la question: pour survivre avec son double mandat et sa double casquette, Oskar Freysinger ne va-t-il pas devoir laisser les clés de la police à son meilleur ennemi Christian Varone?

Deux conseillers d’Etat pour le prix d’un seul? Les Valaisans sont maîtres dans les épilogues improbables… 

Lâche, irresponsable et arrogante

Clause de sauvegarde: comme prévu, hélas, une décision lâche, irresponsable, arrogante.

Lâche parce qu’elle ne résout rien des problèmes concerts des Suisses en matière de logement, d’emploi ou d’engorgement des infrastructures.

Irresponsable car cela va fâcher l’Union européenne au moment où les obstacles institutionnels semblaient s’aplanir.

Arrogante car il s’agit d’une mesure de défiance à l’égard de partenaires économiques en difficultés alors que la Suisse se croit bénie de droit divin.

Quand l’an prochain les Suisses accepteront Ecopop ou l’initiative de l’UDC pour limiter l’immigration massive ou refuseront l’élargissement de la libre-circulation à la Croatie, le Conseil fédéral sera très malvenu de venir pleurer.

Les associations économiques étaient contre l’activation de la clause de sauvegarde. Elles n’ont pas été écoutées. Quand la croissance économique miraculeuse de la Suisse se tassera faute de main d’oeuvre adéquate, le Conseil fédéral sera-t-il fier de sa décision du 24 avril?

Cela valait bien la peine de venir à Prangins pour ne pas s’inspirer de l’esprit des lieux (Vaud et Genève et plus généralement les cantons romands étaient contre cette décision).

Simonetta Sommaruga préfère écouter Rudolf Strahm plutôt que son président de parti, Christian Levrat. L’avis et les analyses du ministre des affaires étrangères ne comptent pas.

La sensibilité romande dans cette affaire ne compte pas, bien que la Suisse romande soit devenue un moteur économique pour le pays.

Quel gâchis.

Saviano ne se rend pas et revient à Naples

Alors qu’on ignore les raisons du carnage de Boston, regardons une bonne nouvelle : Roberto Saviano était hier soir de retour dans sa ville de Naples, après sept ans d’exil sécuritaire forcé, dû à la publication de « Gomorra», une dénonciation sans concession de l’emprise et du fonctionnement des mafias.

Malgré les mesures de sécurité, 2000 Napolitains ont fait la queue plus d’une heure pour honorer l’écrivain. Saviano publie ces jours une nouvelle philippique contre le crime organisé autour du trafic de cocaïne « Zero Zero Zero. »

Roberto Saviano ne se rend pas. Il continue son combat et défie les menaces des mafieux. Dans une Italie où tant d’autres abdiquent tout sens des responsabilités, c’est une heureuse nouvelle.

Valais: pas de miracle mais quelques espoirs

Au terme du second tour, Oskar Freysinger s’est maintenu en tête de l’élection au Conseil d’Etat valaisan. Depuis 1986, on n’a plus vu un UDC prendre la première place dans un gouvernement romand. A l’époque, c’était le Vaudois Marcel Blanc qui avait coiffé au poteau ses alliés radicaux. A l’époque, le nom de Christoph Blocher était à peine connu, les UDC étaient des agrariens conservateurs, ils ne flirtaient pas avec la xénophobie, ils n’étaient pas anti-européens, car la Communauté européenne ne faisait guère débat pour les Suisses.

Cet exploit signale pour l’enseignant valaisan une obligation de résultats. Ceux qui ont choisi le ministre à la queue de cheval n’on pas voulu seulement exprimer une protestation contre les contrariétés de la vie politique valaisanne (Initiative Weber, LAT), ils veulent que les choses changent. Oskar Freysinger sera-t-il à la hauteur de ces attentes? Il est permis d’en douter, vu son passé de franc tireur, mais le respect des urnes oblige à lui accorder le bénéfice du doute, et à lui souhaiter bonne chance.

Le pire qui peut arriver aux Valaisans qui lui ont fait confiance, c’est d’être déçus une fois encore.

La socialiste Esther Waeber-Kalbermatten ravit la deuxième place, ce qui rassure sur la capacité des Valaisannes à se mobiliser. Un peu snobée par ses collègues durant sa première législature, elle devrait leur inspirer plus de respect, et gagner en autorité.

Les trois PDC ont réussi à se maintenir. Ils doivent une fière chandelle aux erreurs stratégiques des radicaux. La prochaine fois pour sauver leurs peaux, ils se devront de présenter des personnalités plus fortes, et au moins une femme.

Léonard Bender n’a pas accompli de miracle. Il est distancé nettement, ce qui est une consolation. Le pire aurait été de rater le siège pour quelques dizaines de voix. Le Valais devient ainsi le seul canton suisse (avec le demi-canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures) à se priver des libéraux-radicaux pour gouverner.

Au-delà des péripéties de la pierre turque de Christian Varone, c’est un signal que le PLR suisse aurait tort de minimiser. Si même en Suisse romande, le PLR marque ainsi le pas, alors le parti suisse est loin de la reconquête des cœurs que Philipp Müller s’est assignée pour tâche.

Léonard Bender a perdu, mais il a dit dans sa courte campagne deux ou trois choses que les élus de ce 17 mars feraient bien de méditer. Il faut mieux soigner les contacts du Valais avec les autres Confédérés. Le repli frileux n’amènera rien de bon au canton, c’est à l’extérieur qu’il faut convaincre. Pour relever les défis, le Valais se doit de moderniser ses institutions, et ne plus se laisser enfermer dans une logique de district, un peu clanique, qui l’empêche de voir et de créer la dynamique d’ensemble.

Un demi-million d’Italiens en Suisse

Les récentes élections italiennes m’ont permis de découvrir que la Suisse abrite la troisième plus grande communauté de Transalpins du monde. 442 557 électeurs résidant ici étaient inscrits dans les registres électoraux. Seule l’Argentine – 574 140 – et l’Allemagne nous dépassent, avec toutefois quelques bonnes dizaines de millions d’habitants en plus. Suivent la France – 306 554 – la Belgique – 210 572 – .

Dans les gigantesques Etats-Unis, les Italiens ne sont que 184 207, et dans le très grand Canada 117 053.

Tout ceci sans compter les enfants.

Pourquoi vous abreuver de tant de chiffres? Parce qu’ils disent quelque chose de très significatif sur notre politique de naturalisation.

La France n’a pas été moins que nous une terre d’immigration pour l’Italie, mais elle applique le droit du sol, et offre donc généreusement sa nationalité.

La Suisse a toujours préféré se montrer très restrictive préférant le droit du sang, comme l’Allemagne. Résultat, une deuxième puis une troisième génération d’Italiens sont nées de ce côté-ci des Alpes. L’immigration italienne s’étant passablement réduite depuis les années 1980, la présence d’une aussi vaste communuaté – au moins un demi-million de personnes, si on compte les enfants – devrait interpeller.

Quoi qu’il en soit, l’italianité de la population suisse (les doubles-nationaux comme ceux ne sont qu’Italiens) est spectaculaire. Puissent ceux qui statuent sur le nouveau droit de la naturalisation regarder cette réalité en face.

Minder: la raison, enfin!

Le oui à l’initiative Minder serait « émotionnel », disent ceux qui ont perdu la votation. Ce qui était déraisonnable, c’étaient les salaires à plusieurs millions de francs des dirigeants. Pendant des décennies, l’économie suisse et l’économie mondiale ont parfaitement bien fonctionné sans ces rémunérations stratosphériques qui ne peuvent que choquer et indigner le commun des mortels. C’est donc pour un retour à la raison qu’ont voté les Suisses.

Le fossé entre la population et les élites économiques incarnées par économiesuisse est abyssal, mais il est aussi inquiétant. Méfiance, divorce ne sont jamais bons dans un pays qui s’est longtemps distingué des autres par la qualité de son partenariat social.

Valais: Rhonegraben

La LAT est plébiscitée, mais la carte du vote fait mal: tous les cantons acceptent sauf 1 qui dit non, pas de justesse, mais à 80%.

Se dessine un « Rhonegraben ».

C’est assez rare qu’un canton se retrouve aussi marginalisé et cela doit interpeller son Conseil d’Etat, et sa députation à Berne. Tout ce qui pouvait être fait pour sensibiliser le Parlement aux spécificités valaisannes n’a peut-être pas été entrepris. Qui n’a pas compris qui? Qui n’a pas compris quoi?

Dur réveil pour le Valais  – et lorsque l’on considère le score du candidat vert au gouvernement, on se dit que la prise de conscience des raisons du décrochage de tout un canton par rapport à l’ensemble des autres semble une mission impossible.

Un manque scandaleux d’engagement

C’est la neuvième fois depuis 1848 que la majorité des cantons défait la volonté populaire, a signalé Alain Berset. Une particularité dont on se serait aisément passé, et qui signale un profond malaise dans la conception de la politique familiale et du rôle de l’Etat en général, dont le gouvernement ferait bien de prendre la mesure. La tentation sera grande de voir cet épisode comme un accident fâcheux et de l’oublier, comme tout ce qui questionne la modernisation de nos institutions.

Les résultats dans les cantons alémaniques sont souvent serrés et montrent que le double oui était prenable. Dès lors, il faut le dire haut et fort, même si cela va déplaire: il y a eu un défaut d’engagement des partis qui soutenaient l’article (PDC et PS), et surtout l’attitude incompréhensible du PLR qui a miné pour longtemps la crédibilité de ses élues très engagées dans la conciliation entre famille et activité professionnelle.

Il y a ausi eu un défaut d’engagement étonnant du Conseil fédéral (qui compte 3 femmes), et d’Alain Berset en particulier, comme socialiste et comme chef du DFI, qui ne s’est impliqué dans la campagne que tardivement.

Il y a eu un manque de pédagogie sur ce qu’est un article constitutionnel, à savoir une déclaration d’intention. La question des coûts, toujurs importante, n’a pas été anticipée de manière sérieuse par le DFI. En Suisse, on ne rassure qu’en étant clair sur les chiffres. Il aurait fallu donner des simulations, des estimations, des variantes larges ou plus minces, comme l’administration sait très bien en produire dans plein de dossiers.

Tout s’est passé comme si la vie des familles et les enjeux de conciliation entre  la vie professionnelle et de la vie privée n’étaient qu’un détail pour la classe politique fédérale, un truc bon à agiter pendant les campagnes électorales, mais qui ne valait pas la peine de se remuer lors d’une votation.

Tout juste vingt ans après la non-élection de Christiane Brunner au Conseil fédéral, c’est assez rageant. Décidément pour les femmes de ce pays, rien n’est jamais facile, et sans mobilisation extraordinaire (comme celle qui aboutit à l’élection de Ruth Dreifuss une semaine plus tard), on n’obtient rien….